L’ŒUVRE ET LE CHEF-D’ŒUVRE
L’homme homo faber diffère de l’homme homo laborans, si le principe est un créateur ex nihilo c’est-à-dire qui crée tout à partir de rien. L’homme lui est créateur à partir de la matière, transformateur de la matière qu’il éclaire avec son esprit. Mais il est conscient en toute humilité de ses limites, c’est un être raisonnable, il sait qu’une force inconnue, un souffle, un principe est seul capable de créé tout, « rien ne vient de rien » selon le Parménide de Platon.
C’est donc en regardant à l’intérieur de lui-même et en regardant la Terre mère que l’homo faber peut prétendre fabriquer le réel, accomplir son œuvre, son chef-d’œuvre. L’apprenti maçon est encouragé à regarder à l’intérieur de lui-même, c’est le V I T R I O L du cabinet de réflexion. Le compagnon plantera le grain de blé au bord du fleuve, il apprend que le grain ne meurt pas, il se transforme. Le maître fouille la terre à la recherche du vil métal, pour le transformer dans sa forge en or fin, en or spirituel, il collabore avec la nature pour changer la matière, c’est l’idéologie alchimique qui traversant les traditions Égyptiennes et Chinoises, dont nous avons reçues les pratiques et les valeurs. Cette fertilité des météorites chargées de fer a été exploitée par l’homo faber.
Rien ne meurt tout se transforme, le maçon est toujours à l’œuvre sur le chantier, s’il est absent de sa Loge, c’est qu’il est présent sur un autre chantier. Le maçon, homo faber accomplit sa création à partir de la matière creatio ex materia, cette matière symboliquement c’est lui, il travaille sa pierre. Il la transforme pour la rendre la plus apte possible à prendre sa place dans l’édifice de l’humanité. Cette mission est son chef-d’œuvre c’est ainsi qu’il diffère de l’homo laborans, l’homme animal.
Il travaille en Force, il établit en Sagesse et décore en Beauté. L’homo faber travaille avec persévérance de midi à minuit, il ne suspend ses travaux que pour prendre des nouvelles forces.
La Terre doit être labourée sans cesse, il n’y a pas de réification qui dure, il y a une constance des métamorphoses intérieures, il faut travailler et persévérer c’est ainsi que l’on devient plus humain, c’est ainsi que l’œuvre peut s’accomplir, c’est par la pratique de l’Art Royal.
Jean-François Guerry.
Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût.
Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage.
D’argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor.
Jean de La Fontaine