LE MYSTÉRIEUX PLOTIN -PART- VI- : Épilogue ou commencement
« (…) la fin et le but étaient, pour Plotin, d’être uni au Dieu suprême et de s’approcher de lui. »
Vie de Plotin par Porphyre 9, 18 et 8, 19
La philosophie de Plotin est peut-être l’épilogue du Miracle Grec, c’est peut-être aussi le commencement d’une philosophie associant la terre et le ciel, Plotin est au sommet du triangle pythagoricien il influencera bien plus tard Baruch Spinoza. Son concept trinitaire Un, Intellect, Âme propose une philosophie pratique tendant à l’amélioration de l’homme tendant vers l’Un Bien en faisant son unité, en s’harmonisant, en se mettant en état de contempler l’Un. Une construction après avoir fait le vide en soi. Processus de descentes et de montées, par émanations et processions.
Une pensée pour une manière de vivre, une conversion, un nouveau regard, sur soi-même et sur le monde, un ascétisme vertueux.
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Morceau choisi dans l’Abstinence de Porphyre I, 27,1 pour celui qui a réfléchi aux questions : « Qui suis-je ? D’où suis-je venu ? Où faut-il aller ? Et qui s’est fixé dans sa nourriture et dans les autres domaines, des principes différents de ceux qui régissent les autres genres de vie. » Pour ceux qui ont choisis le monde de l’esprit par préférence à celui de la matière.
L’enseignement est qu’il faut vivre dans l’esprit en fonction de notre plus haute partie c’est-à-dire notre intellect. Une activité qui fait appel à notre raison et au-delà pour approcher l’Un Bien sublime.
La philosophie de Plotin est donc bien une activité, une pratique et pas seulement une théorie. S’il n’y avait que la théorie la philosophie ne serait pas une manière de vivre, de bien vivre mais simplement une accumulation de savoirs appris, une quantité excluant la qualité, une illusion de progression.
L’essentiel est la transformation, la métamorphose de soi : « Changer notre vie actuelle en nous purifiant à la fois par des discours et des actions. »
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Avec Plotin et Porphyre on est sur la voie qui conduit d’un moi inférieur, à la prise de conscience d’un moi véritable qui transcende. C’est vivre la philosophie, je pourrais dire c’est vivre sa Maçonnerie, il faudrait inscrire à l’entrée des temples maçonniques nul n’entre ici s’il n’est géomètre les Sœurs et les Frères sont aussi des enfants de Pytthagore. Se détacher des illusions des apparences, des passions qui dominent, des trop fortes sensations. Passer de l’équerre au compas. Prendre conscience de ses faiblesses et regarder la partie haute de son âme, aller jusqu’à la pointe, orienter son esprit vers le meilleur, le bien, le juste, le bon.
Cette concentration sur son soi, n’empêche pas de tourner son regard vers l’autre, les autres, vers la face de l’autre comme le dit Emmanuel Levinas le philosophe de l’altérité de l’éthique de l’altérité, qui nous signifie notre responsabilité vis à vis de la face de l’autre, nous sommes les gardiens de nos frères, tout en respectant leur visage c’est-à-dire leurs différences.
On retrouve ainsi dans les pensées de Plotin et de Levinas (selon moi) l’initiation individuelle c’est-à-dire la transformation de son soi, s’efforcer de sculpter sa meilleure image, pour l’insérer dans le monde. Élévation spirituelle individuelle indissociable de la fraternité ouverte universelle. Le singulier et sa multiplicité mènent au rapprochement avec l’Un universel, à la contemplation de l’Un image de l’harmonie.
Les deux alliances l’une avec les hommes et l’autre avec l’Un figurent dans le corpus des rituels initiatiques maçonniques.
« Et lorsque l’âme à la chance de le rencontrer (l’Un, l’unité, l’harmonie, le divin) lorsqu’il vient à elle mieux encore lorsqu’il apparaît présent lorsqu’elle se détourne de toute autre présence s’étant préparée elle-même pour être la plus belle possible et qu’elle est parvenue ainsi à la ressemblance avec lui (car cette préparation cette mise à l’ordre sont bien connues de ceux qui la pratiquent.) »
Le désir d’union avec l’Un, la réalisation de cette unité demande un travail sur nous-mêmes, une mise à l’ordre, une mise en ordre de ce que nous sommes. Mettez-vous à l’ordre mes sœurs et mes frères, et que vos regards se tournent vers la Lumière (l’Un).
On se met à l’ordre avec son corps et son esprit en travaillant en Force, Sagesse et Beauté et seulement alors la joie de contempler l’Un peut apparaître dans nos cœurs. Nous pouvons revenir alors contempler à nouveau humblement notre face dans le miroir et voir un visage modifié transformé, apaisé.
Ce que nous propose Plotin en fait est une rencontre amoureuse avec nous et l’Un. Notre âme élevée dans l’amour de nous-mêmes et des autres devient ce quelle contemple.
Cette atmosphère particulière se ressent quelquefois dans l’harmonie, l’indéfinissable égrégore qui règne dans une loge maçonnique qui règne souvent l’espace fragile d’un instant ou les Sœurs et les Frères ne forment plus qu’un corps, qu’une seule âme tournée vers la Lumière, ce point de fusion avec l’Un n’est possible à mon sens que grâce à la force du Grand Architecte, un architecte qui n’écrase pas, qui ne surplombe pas mais qui est en nous bienveillant, veillant à ce que nous pratiquions le bien en toutes circonstances, c’est à-dire l’amour de soi et de l’humanité.
Pierre Hadot écrit à propos de Plotin : « Ici le discours philosophique ne sert plus qu’à montrer sans l’exprimer ce qui le dépasse c’est-à-dire une expérience dans laquelle tout discours s’anéantit, dans laquelle aussi il n’y a plus de conscience du soi individuel, mais seulement le sentiment de joie et de présence. »
Une expérience qui remonte au banquet de Platon, à la cène du mont des oliviers peut-être, au partage du pain de compagnon, à une autre cérémonie de la cène connue de ceux qui ont le bonheur de la pratiquer. On retrouve cette expérience dans les mystères d’Éleusis et chez Philon d’Alexandrie. Plus simplement dans tous les travaux maçonniques quand au-delà de l’érudition intellectuelle des conférenciers, l’émotion et l’amour règne dans leurs cœurs et déborde de leurs mots. La philosophie de Plotin, n’est pas une doctrine, un système froid, mais une pratique qui produit du feu vivant. La tension de l’âme nous porte vers l’Un, le cœur de l’homme atteint symboliquement le sommet d’un obélisque dont la pointe se rapproche du ciel que ce soit à Karnak ou Jérusalem. Toute similitude avec le cœur du Maître parfait est possible.
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La voie ascensionnelle plotinienne n’est pas une voie mystique, mais bien rationnelle, encore un point commun avec la Franc-Maçonnerie qui n’est pas une religion, elle ne fait pas des Sœurs et des Frères des anachorètes nul besoin du désert pour se rapprocher des autres. C’est le soin, le souci de son soi, la culture de son soi, pour le rendre meilleur ici et maintenant sans l’espoir d’un salut dans un autre monde, c’est sans attendre de récompense que l’on donne le meilleur de soi.
Chez Plotin comme chez les Sœurs et les Frères le but est le perfectionnement moral pour atteindre le centre, l’union avec l’Un. Travailler c’est retrancher, tailler, sculpter, polir sans fin.
« On est devenu soi-même Intellect quand retranchant de soi les autres choses, on regarde l’Intellect par cet Intellect on se regarde soi-même par soi-même. »
Ennéades VI, 5, 23,12,20.
Il y a comme une forme d’intensité qui monte peu à peu avec la pratique. C’est pourquoi la Franc-Maçonnerie détonne dans le monde moderne avec son éloge de la lenteur, ses temps de silence et de méditations et ses temps de fraternité. Le temps long dans une société submergée par l’immédiateté et le règne des apparences est incongru dans notre individualisme matériel. Comment le profane peut-il imaginé nous tenues fermées, couvertes régulières ? Elles le font parfois sourire, ce commencement de l’expression de la joie est peut-être un premier pas ? Il faudra du temps long pour espérer être un petit peu plus vertueux. Quand une augmentation de salaire est proposée en Maçonnerie on s’inquiète de savoir, si l’initié a été assidu, s’il a fait son temps ?
On ne sculpte pas le monument de sa vie en quelques heures, ou quelques jours il faut des années de pratique avec le ciseau et le maillet en main on parle d’éternels apprentis ! La vertu ne peut pas être qu’un vain mot, le savoir est insuffisant. Il faut Savoir, Connaître et Agir.
La Connaissance est expérience de l’Amour, Yves Morant décrit magnifiquement cet amour.
« L’Amour est l’émotion la plus profonde, la plus durable et la plus transformable qui soit chez l’homme, c’est notre aspiration intuitive vers le beau, vers le bien. C’est-à-dire finalement l’Un. »
Plotin finalement nous incite à descendre en nous pour recueillir la faible lumière éternelle qui brille en nous, puis à remonter avec ce flambeau en toute humilité, jusqu’à plus haut, plus beau de son soi au-delà même porter son regard vers l’Un puis fusionner avec l’Un ne serait-ce que quelques instants, des instants d’éternité. Cela commence par un dialogue avec soi-même dans la caverne puis à l’aube quand le coq chante en tournant son regard vers la lumière de l’Orient.
« Après une nuit de dialogue avec soi-même l’oppression infinie de ton cœur s’envolera. »
Yu Dafu Fleurs d’Osmanthe tardives.
Plotin c’est donc la recherche de la Lumière, une pensée active, une activité de l’esprit pour ce qui est en bas soit semblable à ce qui est en haut. Faire de son âme ordinaire, une belle Âme. Avec Plotin on sculpte son Âme, avant de conclure je voudrais faire un clin d’œil avec l’œil du cœur à Inès Ferreira cette rayonnante sculptrice portugaise, passeuse de richesses spirituelles qui exerce son art dans la Vallée des Saints à Carnoët en Centre Bretagne, elle a dit ce que pourrait dire un apprenti maçon en reposant son maillet et son ciseau : « quand la poussière retombe, l’œuvre est là, le monolithe inutile, dans une personnalité qui nous renvoient au plus profond de nos interrogations. »
Jean-François Guerry.
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