MIRAGES DE L’HISTOIRE ? MÉMOIRES, MOTS…
Personne n’échappe à la vision des mirages, dans le désert de ses solitudes, quand il cherche l’oasis où la fontaine de jouvence.
Les exégèses que nous faisons trop facilement des textes antiques conforte la formule de Nietzche reprise par tous les chercheurs de la vérité et de la lumière qui ont pris conscience que le travail scientifique sur les textes anciens reste fondamental.
Ainsi donc Nietzsche disait : « Un même texte tolère d’innombrables exégèses. » Est-il donc de fait impossible d’échapper à sa subjectivité à sa propre historicité, et comment atteindre un certain niveau d’objectivité seul capable de pérenniser l’essence d’un texte.
Vu sous le prisme de la Franc-maçonnerie cela oblige l’initié à la lecture intégrale des rituels qui lui sont transmis, de leur source, des mots qui les composent ; pour pouvoir les transmettre dans leur pureté. Une recherche scientifique faisant appel à la raison est un préalable, puis pour les plus exigeants devenir de véritables philologues. Le lecteur gardera aussi à l’esprit l’intention des auteurs d’être des pédagogues, de donner au lecteur des clés pour construire leur temple intérieur, c’est-à-dire se construire. Montrer une voie sans imposer de dogme exercice difficile exercé par les seconds surveillants des loges maçonniques.
Les seconds surveillants seront aidés dans cette tâche par la formule d’un philosophe ami de la sagesse et souvent à tort considéré seulement comme un remarquable orateur, rhéteur, maître en rhétorique comme on disait à son époque. Formule trouvée dans son Oratore (de l’Orateur) datant de 55 av JC : Historia Magistra Vitae l’histoire comme maître de vie, suivant l’idée que le passé peut contribuer à construire l’avenir.
L’homme chercheur de vérité, gagnera sa liberté en force et l’établira en lui avec les colonnes du passé il pourra s’élever. Parce que ces colonnes sont immenses elles se voient de loin, la légende du Temple de Salomon rapporte que les pèlerins venant de loin dès qu’ils arrivaient dans la vallée de Josaphat cette portion de la vallée du Cédron qui se trouve entre le mont du Temple et le mont des Oliviers, les pèlerins attentifs voyaient les deux grandes colonnes de l’entrée du Temple les colonnes B et J.
Je reviens à Cicéron celui qui n’avait pas d’école de philosophie, mais qui a su puiser dans toutes les philosophies de ceux qui l’ont précédé pour en retirer le meilleur, il devint le porte-parole, le gardien de ces lois comme l’est aujourd’hui l’Orateur de la Loge Maçonnique. L’histoire selon lui est donc le flambeau de la Vérité, plus encore que l’âme du souvenir, l’oracle de la vie, le maître de la vie. Savoir, Connaître les lumières du passé, pour atteindre La Connaissance, pour Agir au présent.
Encore faut-il beaucoup de rigueur dans l’apprentissage des savoirs pour agir en connaissance de cause. À cet instant je pense à Charles Bernard Jameux Poète surréaliste écrivain et historien de la Franc-maçonnerie, qui a eu la formidable intuition de l’importance de l’Art de la Mémoire dans la Franc-maçonnerie et après des années de recherches a construit sa thèse originale sur le rapport entre l’Art de la Mémoire et la fondation de la Franc-maçonnerie spéculative. (Voir ses ouvrages après cette réflexion). On peut lire en quatrième de couverture de son ouvrage L’Art de la mémoire et la formation du symbolisme maçonnique : « L’art de la mémoire est une méthode mnémotechnique, enseignée depuis l’antiquité, qui consiste à mémoriser des lieux, et des images pour permettre à un orateur prononçant un discours de se promener dans son imagination, le long des endroits ainsi mémorisés, et de cueillir au passage les images lui rappelant les articulations de son propos… cette recherche des sources intellectuelles de la maçonnerie spéculative met en lumière ce moment charnière qu’est le XVIIème siècle pour l’histoire des représentations et pour l’histoire de la philosophie en Occident. »
Ce flambeau de la vérité qui brille grâce à la mémoire de l’histoire conforte à mon sens le sentiment de l’universel. La connaissance du « ils et eux » nous instruits sur ce que « nous sommes » et d’où nous venons. Les mots qui subsistent malgré le temps sont les colonnes de la construction de nos temples intérieurs à ce titre le Masson Word mis en exergue par Charles Bernard Jameux est essentiel. Cette force en nous est à la fois individuelle et capable de faire du collectif, de l’identité commune, non pas communautariste, mais de faire une communauté humaine universelle. Le mot est le lien alors qui nous enchainent dans la fraternité.
Les mots sacrés et les mots de passe jalonnent la vie de l’initié de degré en degré, ils sont autant de lumières éclairantes des sources profondes qui bouillonnent en nous.
L’étude des mémoires nous incitent à la narration des légendes et des mythes qu’elles véhiculent. Les instructions qui composent les rituels maçonniques sont essentielles comme lieux de ralliement de l’esprit. Si l’on doit se garder de prendre les mots pour des idées, l’on doit aussi les percevoir comme l’évocation des symboles derrière lesquelles sont les idées. Les mots sont alors des passeurs de lumière et de sacralité.
« L’étude de l’histoire représente en effet une des voies pour la recherche de la Vérité qui depuis toujours emplit l’âme de l’homme. » Pape François- 2014.
Néanmoins même si les lumières du passé éclairent l’avenir, ce n’est pas raison de dire n’importe quoi à propos de tous les mots, en agissant en exégète insouciant du contexte et du temps dans lesquels furent rédigés les textes anciens. Pousser la méthode allégorique à l’excès, faire abstraction de la rigueur scientifique comme méthode d’étude est une forme d’égoïsme et d’égocentrisme qui dégrade l’essence et la signification des textes. Le plus difficile reste la pratique du détachement de soi par rapport à ces textes. Ne pas prendre en considération les mirages des mots, mais s’efforcer de trouver à travers ces mots le réel pour soi certes mais aussi pour les autres.
Ne pas tomber dans l’écueil du syncrétisme qui mélange des doctrines incompatibles, au risque d’aboutir à une bouillie intellectuelle agglomérat de plusieurs théories. D’où à mon sens l’indispensable pratique par des Exercices Spirituels de toute pensée théorique. Socrate nous encourageait déjà à passer à la pratique.
Le vrai maçon, « le parfait maçon », est celui qui ne sachant ni lire, ni écrire passe à la lecture (de son rituel), et à l’écriture (de ses planches) sous la forme qu’il choisit en fonction de son rite, mais qui passe à l’action. Pour pouvoir porter un autre regard sur lui et sur le monde. La Franc-maçonnerie associe la rigueur de l’équerre, l’ouverture du compas de l’esprit, par la pratique d’Exercices Spirituels qualifiés de travaux maçonniques. Ils ont introspection, méditation, préméditation, examens permanents de conscience destinés à provoquer une transformation, une métamorphose radicale (c’est-à-dire qui tient à l’essence) de l’être.
Je succombe à l’analogie avec cette phrase de Bergson : « La philosophie n’est pas une construction de système, mais la résolution une fois prise de regarder naïvement en soi et autour de soi. »
Que je tente de traduire par : La Franc-maçonnerie n’est pas une doctrine, mais la résolution une fois prise, de l’homme libre de regarder naïvement humblement en lui et autour de lui ; c’est-à-dire les autres et le monde qui l’entoure. De convertir son regard au réel et non de succomber aux apparences, c’est à cette conversion du regard que travaille le Franc-maçon seul avec lui-même et avec l’aide de ses Frères dans sa loge mère.
Ce principe de conversion évoqué par Pierre Hadot : « Enfin le principe de conversion : toute réalité, pour se réaliser, sort de l’unité où elle était contenue, et va vers la multiplicité ; mais elle ne peut se réaliser pleinement que par un retour à l’unité dont elle émane. » Pierre Hadot- Le Néoplatonisme Actes du Colloque de Royaumont – Éditions du CNRS, Paris 1971 pages 1 et 3.
À travers les mirages de l’histoire, nous cherchons dans nos mémoires, les mots, pour réaliser notre unité, du moins c’est ce que je pense et parfois leur proximité nous impressionne.
Jean-François Guerry.
Les livres de Charles Bernard Jameux sont édités aux Éditions Dervy disponibles dans toutes les librairies à la FNAC et sur AMAZON.
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