HUMANISME : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites…
Mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire
Peu importe si cette citation est reconnue de nos jours comme apocryphe, c’est l’esprit de celle-ci qui compte, comme l’esprit des lumières elle mérite d’être louée particulièrement en cette période. Il est parfois nécessaire de recourir aux lumières du passé pour comprendre le présent et éclairer l’avenir. Aujourd’hui c’est une journée de bilan et de projet pour notre avenir.
Il y a quelques jours, j’ai remis sur mon bureau Micromégas le conte de Voltaire, un conte, mais quelle sorte de conte ? Voltaire disait : « Je veux qu’un conte soit fondé sur la vraisemblance et qu’il ne ressemble pas toujours à un rêve. »
Son Micromégas a été publié alors qu’il séjournait chez Frédéric II roi de Prusse un despote éclairé, surnommé aussi Frédéric le Grand, il régna pendant 40 ans de 1740 à 1786. On peut gratifier ce souverain pour sa réforme de la justice, son abolition de la torture, la liberté de culte accordée aux religions mettant fin à la religion d’état ; une liberté bien en phase avec la pensée maçonnique. A contrario la reine Catherine II de Russie malgré son écoute et son admiration de Diderot qui l’amena à plus de tolérance mais en même temps elle et étend le servage. Les hommes ont leur part d’ombre et parfois d’obscures pensées. Voltaire lui-même, grand défenseur des libertés avait pris une position sur l’esclavage qui le mènerait aujourd’hui directement en prison. Pourtant la pensée de Voltaire demeure comme l’une des incarnations des lumières.
La Franc-maçonnerie trouva une protection auprès de Frédéric II de Prusse, il alliait lui aussi l’ambiguïté du despotisme éclairé et l’ouverture des lumières. L’on peut y voir de manière optimiste l’ordre nécessaire au regard du chaos pour favoriser la diffusion des lumières dans une période tourmentée où s’affrontait les religions donc l’intolérance. Il imposa une vision plus moderne plus rationnelle de la société.
Voltaire adhéra à cette vision lui qui considérait la République comme un régime plébéien et autoritaire !
C’est dans ce contexte que paru son Micromégas, une fantaisie littéraire selon lui, mais pas seulement. La lecture semble pouvoir se faire à deux niveaux, le premier celui des apparences est bien fade et n’apporte rien, il ne serait alors qu’une pâle imitation du Voyage de Gulliver de Jonathan Swift paru quelques 25 ans plus tôt. Le deuxième niveau de lecture fait voir un conte philosophique fortement imprégné de l’esprit des lumières. Le choix du titre Micromégas est déjà une indication, Micromégas est formé de deux mots en grec ancien mikros qui veut dire petit et mégas qui veut dire grand. Il sera donc question de l’infiniment petit, de l’infiniment grand et de l’homme. Le conte est illustré par un voyage interplanétaire de deux habitants l’un de Sirius l’autre de Saturne dont le voyage aura pour but d’examiner la terre et ses habitants.
C’est le prétexte pour Voltaire de la mise en relief du schéma pascalien, de la découverte de l’existence des deux infinis et la prise de conscience de l’homme et de son néant ou de sa position intermédiaire entre le ciel et la terre, l’infiniment grand et l’infiniment petit. Une vision quelque peu maçonnique qui justifie et harmonise la présence de l’homme dans le cosmos. Mieux de sa possibilité de grandir, de sa potentialité à effectuer une remontée vers plus grand que lui grâce à la force de son esprit sans limites.
Le géant du conte descend par paliers vers le plus petit, jusqu’à sa rencontre avec les hommes, il découvre la puissance des facultés humaines comme une révélation. Ainsi l’on apprécie la disproportion entre la chair et l’esprit.
Une des caractéristiques de ce conte, est qu’il est, purement pédagogique sans fioritures, le merveilleux cède presque la place au rationnel. Ainsi quand les deux voyageurs de Sirius et Saturne passèrent les satellites de Jupiter, ils arrivèrent à Jupiter même : « Ils y restèrent une année, pendant laquelle ils apprirent de forts beaux secrets, qui seraient actuellement sous presse sans messieurs les inquisiteurs qui ont trouvé quelques propositions un peu dures. » (1) L’on discerne là une critique en règle du fanatisme, un mépris du droit à la liberté d’expression, dans une période d’abondance des découvertes scientifiques. Voltaire était particulièrement admiratif de Newton et de ses théories. La vision d’une société avec un œil neuf se mettait en place dans les esprits. Le procédé du Conte permettait « à couvert » ou dans le langage des oiseaux de libérer l’imaginaire et d’exercer un esprit critique sans craindre pour sa propre liberté, ou de subir une censure ou une répression trop dure.
Cela fait penser à nos caricatures contemporaines comme celles de Charlie Hebdo.
Micromégas est donc la narration d’un voyage à la fois cosmique et astronomique les découvertes de Newton y sont décrites sans fard, la taille de Saturne par exemple : « Neuf cent fois plus grosse que la terre. » (2) ou encore « les cent cinquante millions de lieues. » (2) parcourues avant d’atteindre Jupiter.
En alliant l’infiniment grand à l’infiniment petit en reconnaissant la position intermédiaire de l’homme, Voltaire reconnaît en l’homme les forces de l’esprit et de la raison humaine capables de faire face à l’obscurantisme religieux et au fanatisme étatique. Il met son conte au service de la vulgarisation scientifique permettant ainsi à l’homme de prendre conscience de sa petitesse mais aussi de sa grandeur. Il développe l’esprit critique nécessaire à la raison, se faire soi-même son jugement, penser par soi-même.
Il expose aussi un idéal de société, voire de civilisation qui dépasse une fédération de Nations. Ce n’est pas sans rappeler le Saint Empire d’un autre Frédéric celui de Hohenstaufen qui fût roi des Romains, roi de Sicile, roi de Provence et Bourgogne et roi de Jérusalem. Dont le fils le roi Manfred Ier de Sicile écrivait après sa mort : « Le soleil du monde s’est couché, qui brillait sur les peuples, le soleil du droit, l’asile de la paix. » (4)
Dans son Micromégas Voltaire est plus « optimiste » que Pascal, il n’a pas son angoisse existentielle : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. » disait Pascal dans ses Pensées. Voltaire lui a foi en l’homme et sa raison.
Jean-François Guerry.
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Notes :
- Voltaire Micromégas L 205-206.
- Ibid L 533.
- Ibid L 202-203
- Henri de Ziegler Vie de l’Empereur Frédéric II de Hohenstaufen R A corréa Paris 1935, Page 215.
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