DIGRESSIONS OU PAS SUR LE FIL À PLOMB ?
Cet instrument de travail déjà utilisé par les Égyptiens, le reste toujours symboliquement en Franc-Maçonnerie spéculative. Il est un symbole universel, il représente la verticalité, la droiture, le regard vers le haut. Dans les loges maçonniques aux grades symboliques sa place est au centre, là ou les participants aux travaux sont invités à diriger leur regard. Il relie le haut et le bas inclinant à l’élévation spirituelle et l’humilité liée à la condition humaine.
Le fil à plomb est relié à la voûte sacrée étoilée il est au centre du cosmos, axis mundi centre du monde une invitation à s’en rapprocher, à se situer soi-même dans l’immensité de ce cosmos, repère en direction du monde spirituel. Il fait la liaison entre la matière et l’esprit expression de cette dualité permanente. Il est dans la loge maçonnique une manifestation de la présence du sacré.
En partant d’un plan horizontal l’homme se redresse vers la verticalité spirituelle homo spiritus et non homo deus, l’homme simplement sur le chemin pour changer de plan, c’est sa tension vers le sacré qui se visualise dans le fil à plomb.
Dans notre société moderne désacralisée, l’homme qui veut se spiritualiser apparaît au mieux comme un mystique désuet, au pire comme un vaniteux prétentieux. Faut-il pour autant succomber aux mirages des apparences et renoncer à son perfectionnement moral et spirituel et dès lors renoncer aussi à l’amélioration de la société même en ayant la conscience de ses faibles moyens.
Faut-il renoncer chaque jour, à polir et sculpter sa pierre, pour espérer changer de mode d’être et connaître le monde réel ?
Le centre dans les traditions revêt plusieurs formes, c’est toujours pour l’homme un ouvert vers la spiritualité. C’est pourquoi chaque civilisation archaïque construit ses demeures, ses Temples en référence au centre du monde. Là encore l’on ne peut que regretter que les architectes modernes aient oubliés cette notion de centre spirituel propre à animer l’âme des hommes.
L’homme religieux dans le sens de religere c’est-à-dire relié à des dieux, un Dieu ou un Principe Unitaire. Qu’il pressent plus grand que lui, hors d’atteinte mais qui ouvre un chemin, une direction, qui donne un sens et du sens à sa vie. Cet homme fait un rapport entre maison-corps et cosmos.
Le fil à plomb des Temples Maçonniques est donc un pilier cosmique placé au centre du Temple, c’est la colonne vertébrale du Temple son Sacrum cet os triangulaire qui réunit les cinq vertèbres sacrées en son centre passe le canal sacral. Ainsi l’on demande souvent aux enfants en pleine croissance de se redresser, de se tenir droits, prémices de ce qu’ils devront êtres toutes leur vie. On peut penser également aux hathayogiques, du Hatha-Yoga ce Yoga de l’effort et de l’éveil spirituel qui enseigne des postures correctes propices à recueillir en soi les bonnes influences spirituelles. Mircea Eliade fait référence dans son livre le Sacré et le profane à un texte hathayogique qui parle du corps comme d’une maison avec une colonne et neuf portes.
En architecture on parle aussi d’œil du dôme, référence peut-être qui est faite aux Maçons à l’ouverture de leurs travaux de tourner leur regard vers le centre de leur Loge de leur Maison Commune avant que l’expert ne procède à sa reconstruction le fil à plomb est déjà présent.
Le crâne de l’homme dans certaine cérémonies funéraires est brisé au niveau de la calotte afin que son esprit puisse monter vers le dôme la partie haute de sa maison. Dans le bouddhisme on parle d’arhat comme des hommes qui se sont libérés des cycles conditionnés de l’existence de la vie humaine : « ils volent dans les airs brisant le toit du palais. »
Nous sommes là, au seuil d’une expérience mystique personnelle. En Franc-Maçonnerie le fait de tourner notre regard ensemble vers le centre de la Loge dans le moment de la sacralisation du Temple moment de passage du profane au Sacré peut provoquer un moment d’égrégore. C’est une rupture ontologique un changement de mode d’être, un moment extatique donnant accès à un sentiment de parfaite liberté, de plénitude. Notre regard parcoure le fil à plomb, c’est un aller et retour de la terre vers la porte des cieux. Notre cosmos personnel microcosmique s’écroule et nous apercevons le macrocosme Universel, nous sommes en chemin vers lui, par la grâce symbolique du fil à plomb. L’idée de l’infini, de l’innommable nous effleure. C’est pourquoi à mon avis la présence du fil à plomb avec celle de la Lumière éternelle est indispensable en Loge avant l’ouverture des travaux (au moins dans nos cœurs) ces deux symboles sont les manifestations de la demeure et de l’idée du principe unitaire. Comment construire sans en connaître le centre l’Axis mundi, et le sens, la direction de sa recherche. Toute cosmologie personnelle est alors impossible.
Jean-François Guerry
À SUIVRE : La porte étroite…