Devoir ou obligation ? Je dois ou il faut ? Autant le devoir se conjugue dans un impératif personnel, une sorte de flèche du destin, autant l’obligation s’écrit au subjonctif, toujours relié à ce qui la précède. Le devoir serait-il le fruit d’un individualisme inspiré quand l’obligation nous ferait troupeau ? Ne crains rien : il n’y a rien de bas dans ce mot ; il faut aimer le troupeau, qui nous dit et crée semblables, qui nous fait ensemble. Car toute vie nous crée obligation, obligation de transmettre dans ce qui nous lie et relie. À nous de transformer cette solidarité naturelle en fraternité agissante.
Nulle entrave dans ce lien d’obligation. Ne t’imagine pas ficelé. Il est des liens qui libèrent. Cet apparent oxymore inventé par le psychanalyste Jacques Lacan devrait nous inspirer. Chez Lacan, il s’agissait d’expliquer le lien transférentiel, l’analyse ne consistant pas à̀ être libéré́ de son symptôme mais « à ce qu’on sache pourquoi on y est empêtré ». Mais on pourrait décliner et comprendre cette formule par bien d’autres chemins. Ce lien qui nous libère nous lie dans une fraternité de cordée. Nouons donc et renouons, dans les entrelacs de la vie qui sont autant de lacs d’amour.
Je serai toujours et indéfectiblement ton obligé. Dis-toi bien que l’obligation n’est pas une punition. Il n’est d’obligation qu’émancipatrice si on veut bien s’en donner la peine, faire œuvre commune. N’en déplaise à Caïn, je suis le gardien de mon frère, pas comme un garde-chiourme mais comme un veilleur bienveillant. Fraternel. Et à celui que te parle de devoir, du grand devoir qui serait réalisation de soi, dis-lui, dis-lui doucement, dis-lui seulement, qu’il n’est de devoir que d’amour, notre plus belle obligation.