Se Parler, Espérer, Se Transformer, S’Engager, Marcher, Résister. Part VI- Résister.
« Il faut définir le pire et le mieux sinon on ne sait pas quel est le moindre mal. »
Simone Weil.
Nous arrivons au terme de ces six rencontres et des réflexions à leur propos. Dans un temps où la paresse du Carpe Diem d’Horace pourrait nous saisir. Un temps où nous pourrions cueillir le jour présent sans nous soucier du lendemain. C’est bien tentant de se laisser vivre, de s’assoupir à l’ombre d’un arbre où sur le sable au bord de mer. De fermer les yeux alors que la planète brûle. Faut-il profiter du temps présent ou résister, ou les deux. Simone Weil écrit : « Depuis mon enfance mes sympathies se sont tournées vers les groupements qui se réclamaient des couches méprisées de la hiérarchie sociale. »
Le Carpe Diem des épicuriens, n’est pas l’hédonisme, c’est la vie heureuse, c’est l’ataraxie, c’est-à-dire la paix de l’âme. Notre âme continue de souffrir quand les autres souffrent. Notre agir doit être la résistance au mal et à l’injustice. Simone Weil a associé sa soif de savoir et son engagement. Le savoir met fin à l’ignorance qui mène aveuglement au fanatisme. Résister, ouvrir les yeux, convertir son regard et mieux regarder l’autre est de notre responsabilité.
Cette sixième réflexion pour se ressourcer est consacrée à Simone Weil, elle qui fût guidée par une soif inextinguible de vérité et de justice. Elle a marqué son époque avec une éthique sans faille, malgré sa courte vie décédée à l’âge de 34 ans (1909-1943). C’est dire la force de sa pensée. Elodie Maurot dans le Journal La Croix hebdo la décrit ainsi : « Ni moderne, ni anti- moderne, ni libérale, ni marxiste orthodoxe, croyante ardente autant que philosophe, exigeante. »
Cette femme si jeune à fait tomber les masques de la mesquinerie intellectuelle, sociale et religieuse. Elle a construit toute sa vie autour de la recherche de la vérité et de la justice, comme doivent le faire les sœurs et les frères. Bien au-dessus des soucis de la vie matérielle, s’étendait aussi pour elle le vaste champ de la pensée de l’action.
Ce que l’on demande aux sœurs et aux frères c’est de bien défendre aussi la vérité et la justice. Il faut donc bien résister aux sirènes de la facilité, et poursuivre sans cesse nos travaux.
Albert Camus voyait en Simone Weil : « Le seul grand esprit de notre temps. » Dans cette jeune femme d’apparence frêle se rencontrent la force « de l’amour et de la vérité, ainsi que la justice et la paix qui s’embrasent. »
Dotée d’une intelligence exceptionnelle, elle la voulait radicale : « L’intelligence doit s’exercer avec une liberté totale ou se taire. »
La Vérité et la justice étaient son royaume elle en fût la reine la plus humble, mettant la force de ses convictions non pas aux premiers de cordée, mais au service de ceux qu’elle appelait : « ceux d’en bas ». Que d’autres sans doute moins inspirés ou ayant une vision plus courte ont appelé « Ceux qui ne sont rien » ou encore ces « sans dents » envers lesquels nous devrions avoir le plus grand respect, ils sont nos frères.
Simone Weil dérangeait, La Croix hebdo cite la satisfaction de Célestin Bouglé directeur de l’École Normale Supérieure, de cette prestigieuse école où elle fût l’élève, il était donc satisfait de son départ pour le Puy en Velay il la qualifia de Vierge Rouge par rapport à ses convictions anarchistes. Elle n’a pas hésité à expérimenter le travail à la chaîne en usine, pour comprendre comment le capitalisme pouvait soumettre l’homme à l’esclavage. L’expérience et la vision de cette souffrance renforça sa foi religieuse chrétienne, l’amena à penser la foi chrétienne comme celle des pauvres et des souffrants. Après un voyage à Assise et un passage à l’Abbaye de Solesmes elle assoit sa foi.
Elle fût aussi qualifiée comme Hannah Arendt de philosophe du travail dont elle célébrait la gloire comme le font les Francs-Maçons. Pour elle il était essentiel, structurant la vie sociale, tous les rapports entre les hommes et notre rapport au monde. Ce qui ne l’empêcha pas de fustiger le travail à la chaîne dans les grandes usines qui supprime en l’homme : « sa faculté de penser, de sentir, de se mouvoir. » Elle était pour des entreprises à taille humaine voulant concilier le travail et la liberté.
Malgré sa tendance anarchiste et de gauche elle ne croit pas au grand soir, à une révolution violente. Mais elle croit « Que chaque individu doit mener le combat. » C’est la méthode maçonnique. Éveiller les bonnes volontés, éclairer les hommes, construire des utopies !
Visionnaire elle dénonce le déracinement des hommes, jetés comme des objets, des choses en pâture à une société mercantile. Nous dirions aujourd’hui mondialisée. Elle plaidait déjà pour un retour à l’enracinement : « Un être humain a une racine pour sa participation réelle, active, naturelle à l’existence d’une collectivité. » Soulignant sans équivoque qu’il ne faut pas faire la confusion entre identité et identitaire, l’enracinement n’est pas unique. Ainsi le travail maçonnique met en contact des hommes différents, par leur origine, leur pays, leur milieu social, leur religion ou non. Des hommes de bonne volonté désireux de s’améliorer, et de s’enrichir au contact des autres. Les voyages que font les Compagnons en dehors de leur loge sont exemple de la recherche de cet enrichissement, ils garderont leurs liens avec leur loge mère et viendront lui apporter du sang neuf.
Le philosophe Olivier Mongin voit dans l’action de Simone Weil contre le déracinement « la volonté de recréer collectivement des espaces temps, des milieux, une échelle humaine, un équilibre. »
C’est presque la description de la structure d’une loge maçonnique, une unité harmonieuse où chacun en artisan apporte son soutien dans « l’intérêt de l’atelier » et se met à la disposition de celui-ci quand il est sollicité par exemple pour tenir un poste d’officier, ou faire un travail individuel qui au final profitera au collectif de sa loge.
Ainsi se dessine le besoin et le devoir de faire mieux que l’ordinaire, d’aller au-delà c’est la transcendance pour soi et pour le collectif. Il ne s’agit pas de tomber dans l’idolâtrie totalitaire ou le dogmatisme. À ce sujet Simone Weil écrit dans L’Enracinement- « Le courant idolâtrique du totalitarisme ne peut trouver d’obstacle que dans une vie spirituelle authentique. »
L’esprit doit être ouvert, là encore elle est visionnaire quand elle dénonce la laïcité rigoureuse, que l’on qualifie de laïcarde. Elle préconise l’enseignement des faits religieux, l’éducation aux faits religieux qui faute d’êtres enseignées laissent un boulevard si j’ose dire aux extrémismes religieux qui doivent être combattus par tous les moyens.
Marcel Gauchet éditeur de ses œuvres complètes souligne que chez elle : « L’idée de laïcité n’exclut en rien celle de la spiritualité, et chez elle la spiritualité est complétement étrangère à toute idée d’un ordre religieux. » Elle dit avant l’heure ce que disent André-Comte Sponville et Luc Ferry. Pour ma part je dirais simplement que la spiritualité n’a besoin d’adjectif, elle est la spiritualité point. Elle n’est ni laïque, ni religieuse exclusivement elle irrigue tous les courants de pensée.
Comme la majorité des Francs-Maçons, elle est résolument pour la séparation de la politique, du pouvoir politique et de la religion ou des religions. Pour elle ce qui importe c’est que la spiritualité irrigue toute la vie, le quotidien de l’individu. « La religion ne consiste en rien d’autre qu’un regard. » La spiritualité ne doit pas étouffer dans les églises, mais parcourir le monde.
Simone Weil fût même une résistante aux dogmes de l’église, bien que fervente chrétienne, elle refusait que les dogmes puissent s’imposer à la raison et à l’intelligence. L’on peut connaître et regarder les dogmes sans pour autant y adhérer. C’est ainsi l’expression d’une foi libre, humaine proche de la foi maçonnique. La liaison est faite avec la question de l’universel et de l’universalisme. Les Francs-Maçons ne rejettent pas par principe les traditions, ils en absorbent le meilleur. L’universalisme chez Simone Weil passe par un enracinement, une méditation sur l’évangile de Jean : « Le verbe est la lumière qui éclaire tout homme. » Le Journal La Croix nous rapporte sa note dans un cahier de New-York en 1941 à propos de cet évangile : « Quel texte plus formel pourrait-on désirer ? » Je rajoute modestement quel texte plus universel.
La spiritualité habite une grande maison avec plusieurs pièces, ainsi elle écrit encore : « …les diverses traditions religieuses authentiques sont des reflets différents de la même vérité, et peut-être également précieux. »
Je dirais toujours modestement : les différentes traditions initiatiques authentiques sont les reflets différents de la même vérité, de la même et unique lumière. Il me semble René Guénon ou encore Henri Corbin ne sont pas loin, surtout Guénon avec sa Tradition Primordiale.
Ainsi s’achève, ces quelques brèves réflexions dans la chaleur de l’été, à un moment où l’astre solaire donne sa pleine et grande lumière.
Jean-François Guerry.
Je reviendrais vers vous début de semaine prochaine, bon week-end.
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