
Ne crains pas d'hésiter. Hésiter, non pas être pusillanime mais demeurer responsable, c’est-à-dire en capacité de répondre de ses actes. L’hésitation est aujourd’hui perçue comme une coupable faiblesse. Les mots s’usent et c’est le mauvais sort qu’on a fait à la notion de prudence, la première des vertus cardinales aux côtés de la justice, de la force et de la tempérance. La prudence est devenue une frilosité, un réflexe petit-bourgeois, alors que pour la pensée classique, la prudence est synonyme de discernement, ce que nos modernes juristes appellent le principe de précaution.
Hésiter, c’est penser, évaluer, anticiper, prévoir, autant de verbes plus glorieux, dotés d’une mâle assurance qu’a définitivement perdue le fébrile et fragile « hésiter ». Peut-être y a-t-il des mots en danger, menacés de déformation si ce n’est de disparition et qu’il faudrait protéger comme les espèces menacées ?
Comme l’écrit l’auteur japonais Shusaku Endo, dans son roman Silence, “le péché, ce n’est pas de voler et de mentir, c’est pour un homme de marcher brutalement sur la vie d’un autre, insoucieux des blessures qu’il laisse derrière lui“. Hésiter, c’est être soucieux de l’autre, inquiet de mon frère. Non, l’hésitation n’est pas une fuite, une lâcheté. Il faut de la force d'âme, du courage, pour ne pas réagir à toutes les stimulations, à toutes les passions mauvaises, qui vont abîmer et blesser. Hésiter, c’est savoir se taire avant de parler, oser faire un pas de côté avant de décider, mais ce n’est qu’un moment, une étape, un préalable, pour avancer et mieux entrer dans la confiance.