JAMBLIQUE ET LES MYSTÈRES – Le Timée de Platon. Part II.
La philosophie européenne n’est qu’une suite de notes de bas de pages aux dialogues de Platon.
Alfred North Whitehead- Process and reality- Philosophie, Métaphysique du processus.
Les questions éternelles sont : d’où vient le monde, comment l’univers est-il né, d’où je viens, comment je me suis constitué, que suis-je ? Pour aborder Jamblique, il y a un incontournable préalable connaître un peu le monde des idées de Platon qui fût son lointain prédécesseur. Jamblique était nous l’avons vu un néoplatonicien. Le Timée de Platon est avec le Phédon, un des principaux dialogues. Concernant le Timée ont peut parler plutôt d’un monologue, un cours magistral donné par Socrate. Le Timée devait s’inscrire dans une trilogie comprenant avec lui le Critias et l’Hermocrate ce dernier non écrit ou achevé. L’ensemble décrit l’origine de l’univers, celle de l’homme et de la société. Une suite à la théogonie d’Hésiode, décrivant l’Ordre après le chaos en clair une cosmologie du monde.
Platon analyse le sensible et l’intelligible, pour lui une forme intelligible a les caractères suivants : c’est une entité non sensible, qui existe en soi toujours et absolument, elle est pure, c’est-à-dire sans mélange, stable pas sujette au devenir. Mais surtout cette entité entretient avec les réalités particulières qui en participent un rapport de modèle à image. En clair pour connaître le monde sensible, il faut une stabilité. Le monde sensible est en perpétuel mouvement changement, aucune connaissance du monde sensible et du langage qui l’exprime n’est possible si les choses sensibles ne participent pas à des formes intelligibles immuables.
Pour voir ce qui la recherche et la volonté de Socrate, il faut se situer dans la société de son époque : Athènes vit une période troublée, décadente. Socrate cherche pour faire à ces problèmes, à établir des principes moraux stables. Il portera donc sa pensée, vers des questions éthiques (justice, équité, liberté, amitié…), il cherche à imposer des vertus essentielles qui doivent être pratiquées par tous les citoyens. Il veut mettre fin aux dogmes et à l’arbitraire par la recherche de l’immuable absolu. En suivant la ligne de Socrate, Platon cherche des réalités universelles. Un chemin du sensible à l’intelligible ? Plutôt l’inverse à mon sens.
Il faut fabriquer l’univers en regardant les formes intelligibles et notamment celles du vivant en soi. On se rappelle à cet instant de l’oracle de Delphes qui aurait été vu par Socrate : connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux. Auquel l’on peut rajouter le rien de trop, qui chasse l’hubris tant craint par les grecs, la démesure. On pense aussi à la locution de Protagoras l’homme est la mesure de toute chose. On peut faire une analogie avec le V I T R I O L des alchimistes et du Cabinet de Réflexion maçonnique. Le regard intérieur serait un préalable au regard extérieur et donc à l’influence sur la société. En travaillant sa conduite personnelle, en se modifiant on peut espérer modifier la société.
Le dieu démiurge de Platon est un dieu constructeur, fabricant, il est donc bon par nature, quel intérêt aurait-il à construire de mauvaises choses ? On est loin des dieux du panthéon grec. Pour Platon ce démiurge est donc bon et c’est un intellect lié à la rationalité. Ce démiurge est un artisan, il produit l’univers. Il n’est pas un père créateur, il travaille un matériau. (Timée 35a à 40d). Le démiurge est présenté comme un métallurgiste, un forgeron expert en alliage. Cet expert en métaux nous interpelle il ressemble au bronzier, à l’Architecte Hiram, ou à Jésus dans la forge. On pense aussi à Mircea Eliade l’historien des religions et son livre Forgerons et alchimistes, le forgeron tire le matériau de la terre, en l’espèce le fer, pour le forger, faire des objets et peut-être des sujets ? Le démiurge de Platon assemble les planètes avec les éléments en de justes proportions qui entrent dans leur composition, ainsi se constitue le corps du monde. Le corps et l’âme du monde entrent en correspondance, le démiurge fabrique l’homme et la cité à partir d’un matériau. Cette fabrication ne part pas de rien, elle met de l’Ordre dans le chaos.
Il y aura un point de divergence entre Aristote le meilleur élève de Platon dans son Académie, divergence aussi avec les Stoïciens et plus tard à Rome avec l’école néoplatonicienne de Porphyre dont Jamblique fût une des élèves. Pour ces derniers, la cosmologie du monde se divise en deux processus : un naturel et un artisanal. La nature (le dieu des stoïciens) produit le cosmos (kósmos) et ne délibère pas comme l’artisan, elle est une activité finaliste, immanente agissant au-dedans comme l’âme, elle modèle un visage choisit le meilleur. Cette théorie vient peut-être du manque de considération des élites intellectuelles d’Athènes pour le travail artisanal, presque au niveau de l’esclavage. De plus, le démiurge, dans la mesure ou les formes intelligibles et le matériau préexistent il n’est pas tout puissant. Il fait simplement son maximum possible, cette impuissance relative s’accommode mieux avec le polythéisme, le panthéon des dieux grecs. Pour clore le tout si j’ose dire, le démiurge vient construit, fabrique son travail s’arrête là, il est ponctuel. Il se borne à la fabrication de ce qui dans l’univers est éternel et ensuite se retire, laissant à l’homme une véritable autonomie, un pouvoir de décision, un libre arbitre. Après son départ le démiurge il passe la main à ses aides au service après-vente, pour l’entretien !
C’est l’âme du monde qui prend le relais, ainsi l’ordre s’organise de manière mathématique cela nous rappelle Pythagore le premier des philosophes qui a toujours été un référent pour tous les philosophes qui l’on suivit. Les mathématiques, les nombres sacrés, la géométrie sacrée de Pythagore organisent le monde.
Dans le Timée avec le matériau nécessaire à la fabrication du monde, nous atteignons les limites de la cosmologie. Les choses sensibles ne sont que des copies, des images des formes intelligibles parfaites. Peut-on envisager en creux, que si les choses sensibles sont des images, des symboles des choses intelligibles, elles nous permettent, d’envisager d’approcher des réalités des concepts éternels. Ces concepts éternels pourraient être des idées des vertus morales universelles. Ces imitations (mimémata) de réalités éternelles (Timée 50c) ne sont pas selon Platon des formes intelligibles. On ne peut donc, selon lui, faire le chemin du sensible à l’intelligible. Du multiple à l’Un, de l’image du symbole à l’Unité, dis autrement on ne peut pas prendre les symboles pour des idées (voir maçonnerie), néanmoins les choses sensibles sont des représentations des choses intelligibles. Seules les formes intelligibles permettent d’appréhender les choses sensibles et de les nommer, donc leur donner corps.
Le corollaire, est que pour connaître les choses sensibles, il est indispensable de considérer que les formes intelligibles soient immuables et universelles. Et qu’en conséquence, les choses sensibles ne sont définitivement que des images des formes intelligibles, reflétées par le matériau et quelles ne participent pas à la permanence des choses intelligibles. Cela nous amène à réfléchir sur la méthode initiatique maçonnique, sur le symbolisme de la construction.
Alors, demeure une question, le matériau participe néanmoins à l’intelligible d’une manière qui désarçonne, puisque l’image ressemble à son modèle. Cela enclenche une autre réflexion dans la bible il est dit : que Dieu à fait l’homme à son image. Comme l’on dit également avec humilité, qu’un homme représente l’image d’un sage, ce qui veut dire qu’il n’est pas immuablement sage. Le matériau est ce de quoi sont faits les choses sensibles, il est part nature nécessaire. À la fin du Timée 88c, Socrate fait parler Timée dans un très log monologue qui va de 30a jusqu’au terme en 92c. En 88a Timée, il est question du corps et de l’âme constituant le vivant il dit : Lorsque dans ce couple, d’un côté, l’âme a, parce qu’elle domine sur le corps, une ardeur excessive, elle remplit ce vivant de maladie en l’agitant complétement de l’intérieur ; lorsqu’elle se précipite avec beaucoup d’ardeur sur certains enseignements et sur certaines recherches, elle le consume ; et enfin lorsqu’elle s’adonne à l’enseignement ou à la controverse de vive voix, en public ou en privé, elle le secoue et le fait s’échauffer dans les disputes et les rivalités qui s’ensuivent, et en excitant les écoulements, elle trompe la plupart des prétendus médecins et elle les amène à incriminer des causes contraires aux causes véritables. À l’inverse, quand, de son côté le corps, énorme et démesurément grand pour l’âme, se trouve naturellement uni à un esprit petit et débile, comme il y a naturellement deux sortes de désirs chez l’homme, l’un qui vient du corps et qui a pour objet la nourriture, l’autre qui vient de la plus divine des parties qui sont en nous et a pour objet la pensée, étant donné que les mouvements de la partie la plus forte l’emportent et agrandissent leur domaine, ils rendent l’âme stupide, difficile à instruire et prompt à l’oubli, et ils y produisent la maladie la plus grave l’ignorance.
Il faut donc préserver le corps et l’esprit, pour être beau, bon et en pleine capacité corporelle et spirituelle selon la formule d’Hippocrate : mens sana in corpore sano.
Vous aurez remarqué, que le Timée place l’ignorance au premier rang des plus grands maux. Cette ignorance qui fait naître tous les fanatismes, dérègle la société, amène la violence, l’intolérance, le rejet de l’autre, l’injustice. Il faut en gardant la mesure, rien de trop. Il faut comme il est dit dans le Timée vis-à-vis de nous-mêmes, si l’on veut s’efforcer de vivre en Sagesse avec Force et Beauté vivre en communion avec l’univers : C’est selon ces mêmes règles qu’il faut soigner ces parties (les corps et l’âme), en imitant l’univers.
Tout ceci est sans prétention, ce n’est qu’interprétation, une note supplémentaire en bas de page, une lecture subjective faite sous le prisme maçonnique.
Jean-François Guerry.
À SUIVRE…
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