PENSÉES FRATERNELLES.
Un de mes Frères me rappelait récemment les mots de Emmanuel Levinas : La proximité est Fraternité avant l’essence. La Fraternité pensée comme une amitié sacrée, elle ne doit pas être enfermée dans une communauté au risque d’exclure ceux qui n’ont font pas partie. La Fraternité est ouvert permanent et tension vers dans toutes les circonstances de la vie, de la naissance à la mort. Quand notre Frère en humanité est absent de nos pensées notre cœur se dessèche. Ses plus beaux sourires doivent toujours être présents dans nos cœurs c’est à ce prix qu’ils sont toujours en joie. Je regrette qu'aujourd'hui on n'écrive plus à nos amis, nos Frères de belles lettres avec du beau papier, plié soigneusement, dans de belles enveloppes marquées du sceau de notre amitié, ces correspondances portaient un subtil parfum effaçant la noirceur de l'oubli, ces pensées parfois venues de loin rapprochaient les coeurs.
Je vous livre une correspondance, une pensée précieuse, sage et forte à la fois de l’un de mes Frères, reçu hier.
Jean-François Guerry.
Ainsi va la vie
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
Corneille , Le Cid I, 4
De quoi les hommes remplissent-ils leur vie ? C'est long une journée, même pour ceux qui sont dans de grandes charges. Plus long encore pour les auteurs que l'Esprit ne visite pas à chaque instant. Il n'empêche que tout le monde semble très occupé. On ne voit jamais ses amis…. "Cher ami, la vie passe et on ne se voit pas …"
L'ami regarde sa montre, s'écrie : " Déjà deux heures ! Je me sauve …" Où va-t-il ? Où vont les gens ? De quoi est faite l'étoffe de leur destin ?
Il est entendu qu'un médecin, un chirurgien, un avocat ne savent pas où donner de la tête. Mais ce, qui d'eux-mêmes, se dépense, ce qui s'agite, ne touche pas à leur être profond. Cet homme derrière son bureau, qui vous écoute, et qui vous écoute avec conscience en prenant des notes, c'est l'avocat, le médecin, ce n'est pas lui-même : ce n'est pas l'être qui tout à l'heure, dans une chambre inconnue, restera debout contre la porte à guetter le bruit de l'ascenseur …
Et sans doute le mystère diminue à mesure que la vie s'écoule. Chez beaucoup de vieillards, la fonction sociale subsiste seule ; il reste un uniforme, une robe, des croix en brochette. Ce sont ceux que la vieillesse a vaincus. Chez beaucoup, quelques affreuses manies survivent à la passion : c'est cela qui nous fait rire ou qui nous fait horreur, selon notre tempérament. Mais la vraie passion à aucun âge n'est ridicule : je ne vois rien de comique dans le dernier amour de Goethe, dans le dernier désir de Chateaubriand. Le gros monsieur Beyle nous touche jusqu'à la fin, dans cette cour des messageries d'où il regarde s'éloigner la diligence qui emporte Eugénie de Montijo (à la fin des années 1830, Stendhal accompagnait Mérimée dans les salons de la Comtesse de Montijo, où il devint l'ami de ses deux filles dont Eugénie, la future impératrice) .
Non, ce n'est pas toujours le pire que les hommes cachent. Tous les mystères ne sont pas honteux. Il faut souhaiter de devenir un vieillard d'une vie riche encore en arrière-plans ; et que, jusqu'à la fin, des êtres aient besoin de nous, et que, jusqu'à la fin, nous ayons besoin d'eux. Bien sûr, rien n'empêchera la vieillesse d'être un désert, un sable qui recouvre, qui étouffe tout. À nous de garder assez de cœur pour féconder et peupler cette solitude, pour y créer des oasis.
Réussir sa vieillesse, quel tour de force ! Surtout il ne faut pas courir après ce qui nous a fui, essayer de marcher au pas, par quatre, dresser le poing comme les jeunes … Se contenter de ceux qui viennent à nous … Et s'il ne vient personne ? Je connais quelques-uns qui suivent dans les Facultés les cours qu'ils "séchaient" à vingt ans, visitent les musées où une jeune fille, autrefois, les attendait, compulsent dans les bibliothèques les collections de vieux journaux, et échouent, à une certaine heure, devant cette table de salon où le plaisir de l'apéritif est empoisonné parce qu'ils pensent à leurs artères.
C'est que je m'y connais en vieillesse (le Maire de mon village ne vient-il pas de me convier au "Repas des anciens" ?). Voilà longtemps déjà que je fréquente, au bout d'un pont, cette antichambre de l'éternité dont les candidats assiègent la porte. J'ai acquis le droit, hélas ! à l'âge où je suis parvenu, d'avouer que je ne crois guère au "beau vieillard" bien que j'en aie connu que j'aimais tendrement. La vieillesse n'est jamais belle, parce qu'un supplice n'est jamais beau. Il existe une espèce de vieillards pétrifiés qui donnent l'illusion de la beauté ; leur apparence nous en impose … Mais la statue est creuse le plus souvent et de petits hommes s'y dissimulent comme les Grecs dans les flancs du cheval qui prit Troie.
Au vrai, la grandeur de la vieillesse ne saurait être que d'ordre spirituel ; un beau vieillard, c'est un saint vieillard. Mais ils sont plus rares qu'on ne l'imagine, parce que la vieillesse est le total d'une vie et que chacun de nos actes, la moindre pensée, se retrouve dans le résultat.
Je trouve que la vieillesse rend l'amitié bien nécessaire, elle est la consolation de nos misères et l'appui de notre faiblesse (...)
Voltaire, Correspondances. 20 Nov 1765.
Yann Vidrequin.
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