Le polythéisme permit, lui, de se rapprocher de façon plus pondérée de la Nature et de ses multiples aspects, chaque déité gouvernant une partie de ladite Nature. Par effet miroir, ces peuples-là, non soumis à la « vindicte pénitentielle », ne verront en Lucifer qu’un élément cosmogonique, la planète Vénus, à savoir l’« astre » du matin. Ainsi, ce qui découle de cette idée de Nature, dans les civilisations grecque et romaine, ne conduira à voir de Lucifer que ce qu’il est, ontologiquement, c’est-à-dire un phare, une idée, un puissant rayon parmi d’autres divinités. Selon un hadith du Coran, Dieu aurait créé l'ange à partir de la lumière, appelée Éosphoros ou Phosphoros chez les grecs, et donc départi de son aspect nébuleux et maléfique.
Dans les civilisations polythéistes, l’étoile du matin Lucifer trouvera sa parèdre en Hespéros, l’Étoile du soir, tout aussi noble que son pendant : cette bilatéralité engendrera un équilibre, cosmologique cette fois, qui, par transitivité, bénéficiera à ses contemporains. Tout se passe comme-ci ce polythéisme initial protégeait, par sa multiplicité bienveillante, l’adepte des errements d’une pensée binaire bien trop clivante, et donc consécutivement de cette dérive de la déchéance. Le mécanisme spécieux de la chrétienté va irrésistiblement transformer en un fardeau pénitentiel les conséquences de cette chute, entrainant dans sa déchéance ce qui appartenait précédemment au Bien, j’ai nommé Lucifer. Nous percevons là les limites du monothéisme, perçu comme une forme sophistiquée de religion par rapport aux polythéismes grec et romain. Mais fondamentalement, Dieu est partout, et le monothéisme peut apparaitre en décalage par rapport au ressenti métaphysique de l’être. Alors autant le polythéisme permettra à l’humain, de par sa multiplicité, de « diluer » le caractère subordonné que porte comme un fardeau l’humain, autant le monothéisme introduira insidieusement un rapport de force direct, dur, froid et violent, finalement acceptable qu’à l’aune d’une certaine morale, qui fait ici fonction d’amortisseur. Cet abord rigoriste, dénué de chair et de bienveillance, contribuera à fragiliser aussi bien le dévot que l’être vulnérable. Pour supporter cette tension binaire, on fondera alors une pensée ternaire, dont le versant dynamique sera conscientisé en religion chrétienne par la chute adamique, et dont le versant statutaire empruntera à l’image de l’ange, intermédiaire, médiateur et régulateur entre Dieu et les hommes Il s’agira là de « personnaliser » le lien, de lui attribuer un anthropomorphisme facilitant son intelligibilité et son acceptation. A partir de là (5ème siècle), l’homme sera tout naturellement amené à hiérarchiser les officiants de ce lien entre Dieu et l’homme, afin de justifier la création d’une hiérarchie ecclésiale en miroir, au sein de l’Eglise. En regard de cette hiérarchie quelque peu séculière s’ouvrira pour l’initié une véritable initiation sacerdotale. L’initiation sacerdotale est la conséquence d’un subtil mélange entre l’ésotérisme décrit au 21e degré, source de création et voie possible du sacré, et la réalisation constructrice, source de structuration et d’aménagement, envisagé au 22e degré. L'initiation sacerdotale que nous offre le REAA commence en fait de façon embryonnaire dès le 4ème degré, créant un tissu de nature variable, suivant que l’on s’adresse à un monothéiste, un polythéiste ou même un athée. Ce tissu religieux, dans son étymologie religere, c’est à dire « relire attentivement », « revoir avec soin » aura pour but et fonction de structurer l'individu, pour qu'y circulent au mieux les sentiments, les idées, les positions : c’est cette bonne circulation que l'on appelle la Foi dans les monothéismes, et le syncrétisme dans les polythéismes. Ca n’est pas un hasard si l’initié est à ce degré un lévite, c’est-à-dire un servant liturgique, véritable intercesseur entre fidèles et prêtes, entre Saint et Saint des Saints, entre l’idée et le mot. Le mécanisme idolâtre peut apparaître dès qu’une discordance se glisse entre l’idée et le mot, et l’apparition de l’idole, correspondra, dans sa dynamique à l’image de Lucifer, triomphant en Eden et déchu dans le monde sensible. Le lévite va se glisser entre les 2 mondes, et éviter finalement qu’une chute ne s’y produise : c’est un cautère moral et symbolique, apte à absorber les soubresauts de ladite chute.
Le lévite se glissera entre l’idée et le mot, béance dans laquelle s’engagerait sinon l’idole, par défaut. Ces interrelations créent un maillage interne puissant, qui va progressivement se constituer un tissu de soutien, composant une véritable barrière aux anges déchus, tels que le pointe la phrase d’ordre du REAA au 23ème degré : « Je connais le nom qui fait trembler les anges déchus ». Qu’est -ce qu’un ange déchu, au-delà de son narratif religieux ? C’est une pensée dissonante, une attitude fallacieuse, un silence coupable, tout en fait ce qui contribue à dissocier, à démanteler. Ça n’est pas un hasard si la déchéance porte sur l’ange, dont on connaît le rôle d’articulation et d’intercesseur entre le principe créateur : c’est au mot que sera dévolu cette formalisation : aucun humain n’est un pur esprit, et ne peut à ce titre se permettre de côtoyer l’idée, sans la coiffer immédiatement d’un réceptacle qui en rendra le rayonnement pérenne et utile pour le collectif. Le concept même d’idée est suffisamment puissant, par ce qu’il colporte en principe de création, de violence dans l’apparition, d’antériorité à tout autre sentiment, pour qu’il puisse être assimilable à Lucifer, le « porteur de lumière ». L’ange déchu est l’antithèse du fidèle, au sens de possesseur de la Foi. Les faux prophètes et les anges déchus sont des entités intemporelles car consubstantielles à la nature humaine : elles ne sont pas plus d’aujourd’hui que d’hier, car il s’agit de cheminements dévoyés, remis en permanence au goût du jour, réactivés par les travers de l’humain. Ainsi les faux prophètes et les faux dieux ne sont-ils pas le mal incarné, auquel cas serait-il facile de les combattre. Ils sont au contraire la transformation maligne de valeurs universelles. C’est cette déchéance qui signe leur toxicité. Les faux prophètes et les faux dieux sont d’autant plus violents qu’ils se lient à l’ordinaire, au commun et à l’habituel pour y instiller le poison de leur chaos : à cet égard, l’exemple de Lucifer est un cas d’école. Il se mêle à l’intellectualité, à l’instinctif pour produire des chimères, sources de distension, de dissension et de destruction de la pensée et de l’action. C'est proprement le mécanisme sectaire. Psychologiquement, le pécher adamique et la Chute sont l’expression d’une névrose existentielle, qui est celle de l’homme par rapport à ce dont il provient. Ainsi sommes-nous tous névrosés, car nous ne sommes pas de purs esprits, et qu’à cet égard, un décalage existe toujours entre esprit et matière, entre dessein et réalisation, entre pensée et action : c’est dans cette béance que peuvent s’engouffrer les anges déchus et les faux prophètes. Si les faux prophètes et les faux dieux sont des trajectoires altérées, ils le sont toujours à partir d’une réalité dont le franc-maçon ne pourra pas faire l’économie. Cette attitude conduira, comme il est dit dans un rituel, au « renouveau de la vie religieuse », qui signera le renouvellement perpétuel du lien et du sens dudit lien : c’est pourquoi les sectes isolent l’adepte de ses proches extérieurs, elles veulent casser ce lien pour mieux embrigader les esprits fragiles. La fonction du mot n’est pas subalterne, car le mot est l’expression de la mise en forme d’une certaine réalité, réalité dont on part pour créer une relation symbolique, mais aussi où l’on retourne pour rematérialiser l’idée qui point sous le symbole. Le symbole est l’interprétation faite sienne de l’idée. Le symbole a cette vertu de ne pouvoir être, par principe, corrompu ou contaminé par une signification figée qui est celle du mot, lorsqu’il provient d’une tierce personne.
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La mécanisme symbolique, de par son fonctionnement, nivèle les différences, régule les décalages : c’est cette voie du jugement, filaire et unique pour chacun, qui sera le meilleure antidote contre la voie idolâtre, suivie par définition, et par le fait même qu’elle n’est pas originale, par un plus grand nombre. L’image que véhicule Lucifer dans la religion catholique est par elle-même une dissension du sens, depuis la lumière indifférenciée vers les ténèbres matérialisées : cette approche duale oblige l’esprit et l’intellect à se distendre, et à ouvrir une béance où peut s’engouffrer l’Idole. Le mécanisme symbolique est à cet égard le meilleur rempart, le meilleur vaccin contre l’idolâtrie : pourquoi ? Nous avons coutume d’expliciter la relation symbolique à travers différentes interprétations qui se recoupent toujours ; on parle de signifiant et de signifié, de symbole et de symbolum, de tenon et mortaise… Bref de 2 parties nécessaires à l’établissement d’une relation symbolique. Le principe même de ce mécanisme ne laisse pas de place entre ces 2 parties : rien ne pourra s’y engouffrer, et donc pas l’idole. Le réceptacle qu’offre la relation symbolique à l’idée est celui d’une déclinaison immédiate de cette idée au travers de concepts, de principes, de schémas mentaux qui n’appartiennent qu’à soi : ainsi l’idée originale devient protégée par des systèmes mimétiques qui en reflètent toute la substance, qui en conservent la puissance et l’originalité, mais qui ne sont à la botte d’aucun mode de formalisation extérieure propre à dévoyer peu ou prou cette idée, qu’on appellerait l’idole. À suivre....
Thierry Didier.
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