Jean-François Guerry.
Gauche, droite, rompez…
Lors d’une soirée privée des mécènes de l’Opéra de Lille (je l’étais, par délégation),
Pierre Maurois me demanda malicieusement si j’étais "carté". Et j’eus cette réponse
spontanée : " Monsieur le Premier Ministre, je suis d’orientation rocardo-barriste ! "
La "gauche" et la "droite" qui enrégimentent nos votes me défrisent. Se demander
si l’on est de droite ou de gauche, c’est, dit-on, une question d’homme de droite. Ainsi en
décida Alain en 1930. Je ne suis pas sûr qu’il le dirait aujourd’hui. Ce Socrate du radical-
socialisme qui campait à gauche aurait toutes chances, sous les fourches actuelles, d’être
rejeté à droite. Il en serait fâché, comme tous ceux de mon genre qui s’y sentent
"hémiplégiques".
Si pour être de gauche il faut accepter de composer avec l’idéologie communiste, je
me trouve bien à droite. Mon anticommunisme est "primaire" et je ne le conçois pas
autrement. De même, je me confirme sans broncher "à droite" en reprouvant la diminution
des devoirs concurrente avec l’augmentation des droits, la croyance qu’une réduction de
travail chez ceux qui en ont le redistribuerait à ceux qui n’en ont pas, la recherche
condamnable de l’égalité des conditions que l’on substituerait à la recherche souhaitable
de l’égalité des chances.
Comment se fait-il alors qu’avec mes répulsions pour la gauche, le bât de "droitier"
me blesse parfois ? C’est sans doute que je n’épouse presque aucune des valeurs
traditionnelles de la droite française. J’ai peu de goût pour la conservation, encore moins
pour la restauration. Je me sens de moins en moins national et de plus en plus européen.
Et si laïc que même la bigoterie laïque m’indispose. J’aime la mobilité et l’inconfort de la
nouveauté. Le "machisme" de la droite m’est étranger. Et je constate que je préfère
souvent, et pourvu qu’il ne s’agisse point de "bigots", la compagnie des hommes de gauche :
je les sens plus proches, chaleureux et libres (avec souvent les charmes des vieilles
adolescences)…
Dans l’inconfort et le refus d’allégeance où la droite et la gauche politiques actuelles
mettent les citoyens de ma sorte, je trouve du moins une commode distance. Elle me
permet d’apprécier comment, en France, le progrès politique naît le plus souvent non point
d’une adaptation lente à la réalité mais d’une réaction spasmodique. Amusant : les Français,
dans leur byzantinisme, doivent extraire des racines carrées pour démontrer que deux et
deux font quatre.
Gauche-droite, droite-gauche ? Que reste-il de ce couple infernal alors que, dans
les deux armées, la césure essentielle passe désormais, on le voit bien, par les
conservateurs et les modernistes ? Pas grand-chose. Et pourtant ! Il reste la tonalité
politique de chacun, ce qu’on appelle sa "sensibilité" et qui fait que l’on se sent toujours
de droite par l’instinct et de gauche par l’esprit, de droite par nature, et de gauche par
culture. Nous sommes nombreux, je crois, à nous sentir double.
Dans mon métier, je me suis beaucoup frotté, mais sans jamais me donner, à la
politique. Je n’en tire ni vanité ni regrets. Simplement je tiens à mes marges et à mes
aises. Je me fusse - du moins je l’espère - enrôlé si des circonstances pressantes y avaient
incité : par bonheur, l’état de la France depuis une génération m’en a dispensé. J’exprime
dans mon "journal de bord" (d’aucuns diront un blog) des commentaires où je ne me cache
pas derrière mon ombre. Mais il y a, quoi qu’on raconte, plusieurs cordons entre les gradins
et l’arène, et je veille à ne pas les franchir. S’il m’est arrivé de contrarier chez mes amis
telle pente de droite sous un pouvoir de droite, de gauche sous un pouvoir de gauche,
c’était assurément sans malignité ni par goût de l’équilibre.
Comme je ne me plais ni dans le silence, ni dans la fixité, que je goûte, chez mes
semblables, le geste, la démarche, le regard, la parole, le chant, les rires et les pleurs,
que j’aime aussi les femmes, Balzac, New-York, la corrida, les ciels d’Afrique et les vieux
rhums, on peut mettre ma répugnance à l’escalade politique sur le compte d’une infirmité
citoyenne; sur le compte aussi d’un dégoût pour toute dépendance, et qui croît avec l’âge.
Entre nous, peu importe ! Il y a plusieurs façons de parcourir le labyrinthe qui mène à
quelque sagesse : celle de Tamino et d’une initiation méditée ; et puis celle de l’oiseleur
Papageno, léger, gourmand et instinctif, "repêché" par indulgence. J’escompte plutôt le
repêchage…
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