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la Franc Maçonnerie au Coeur

la Franc Maçonnerie au Coeur

Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.

Publié le par Thierry Didier
Thierry Didier : Identité, altérité, solitude Part V
Où le Maître est souverain et indépendant, seul est-ce une épreuve ? ...

C

’est le caractère didactique, nécessairement « hémiplégique » de l’initiation, qui oblige à considérer d’abord singulièrement chacune des 3 valeurs, de la même façon qu’il expose de façon étagée les 4 éléments alchimiques lors de la cérémonie d’initiation au 1er degré. La solitude existentielle baigne en fait l’être humain car nous naissons et nous mourrons seuls, et ce fil rouge, ce « bruit de fond » n’est que sporadiquement coloré de valeurs propres à nous aider à supporter cet isolement ontologique. Lorsque l’on dit « le maître est seul », il ne s’agit pas que de ce grade, mais simplement de celui à partir duquel ce sentiment peut alors être perçu dans toute sa dimension, sans crainte de s’y perdre. Car ce point-là est fondamental : au grade de maître, nous nous situons entre l’équerre et le compas ; et ce sentiment de solitude est donc toujours borné entre 2 limites, qu’elles soient symboliques ou existentielles. Il est dit que le maître est seul pleinement détenteur des droits maçonniques. En effet, on qualifie souvent la vertu essentielle du maître d’être souverain, comme le sont les loges du même nom.

Le jugement du Roi Salomon

Cette position implique des caractéristiques subsidiaires mais incontournables, à savoir pouvoir agir ou réfléchir en totale indépendance, sans références directes à une sorte de directeur de conscience, même si l’exemplarité est un incontournable viatique. La solitude caractérise en fait un état intermédiaire, situé entre identité et altérité et qui du seul fait de cette position, se voit renvoyé dans les cordes de sa singularité : le solitaire fait souvent peur, et ceci pour 2 raisons : d’abord l’incompréhension que l’autre lui fait subir, et ensuite la peur, pour son prochain, d’être contaminé du même sentiment. La solitude est un entre-deux quelquefois salvateur, quelquefois condamnateur. On peut en jouer, s’y complaire, le révoquer de toutes ses forces. La solitude est quelquefois teintée d’un sentiment de honte, comme s’il fallait absolument participer au mouvement de la vie. Sauf lorsqu’elle est choisie (et encore), la solitude nous renvoie immanquablement à des sentiments mêlés de déréliction, de misanthropie, de tristesse, d’incapacité cognitive, de handicap social et sociétal.

Le Rite Écossais Ancien et Accepté n’a pas, comme le Rite Français, et c’est heureux, cette échappatoire vers une forme de sociétal qui confine parfois à une fuite en avant, à un positivisme auquel on s’accroche afin d’éviter toute dilution dans le néant. Le tangible est rassurant, et l’exigence du Rite Écossais Ancien et Accepté apparaît alors à dessein comme un « supplice existentiel » salutaire. Alors, bien sûr, nous sommes ici sur un plan symbolique, rien ne nous empêche de cultiver la vie par d’autres biais. Ces biais viennent s’ajouter à l’exercice initiatique, car le franc-maçon n’est pas un ascète, un anachorète ou un saint. Simplement cette existence d’un à-côté différent, d’un soubassement introspectif peut à la fois nous rendre plus isolé dans la vie quotidienne, mais aussi nous apprendre à marcher, tel l’ange de l’Apocalypse, un pied dans le sol, un autre dans l’eau. Il faut apprendre à vivre avec cette solitude existentielle, voire à l’apprécier, comme une compagne indéfectible et de toute façon incontournable. La solitude tient étymologiquement de la sole, c’est-à-dire le point le plus bas et donc le plus stable de l’individu : pour percevoir la solitude, il faut donc être campé et sustenté, vivre l’aplomb comme un corollaire et une situation préalable à cette solitude.

LA MÉDITATION DE L'ARCHITECTE

C’est pourquoi toute spiritualité fumeuse ou sectaire semble résoudre la solitude des êtres vulnérables : on pense pour eux, on leur dénie tout fondement d’autonomie, et par là même on les empêche de se raccrocher à une identité solide en flouant leur altérité. Dans la langue française, l’adverbe « seul » nous conduit à 2 états de perception différents, la solitude et l’isolement. La solitude est un état, un statut, souvent choisi là où l’isolement consiste en quelque chose de subi. Si la solitude se rapproche de l’individualité, elle est pourtant vécue et souvent exacerbée par rapport à un collectif : j’y vois l’exode biblique du peuple hébreu, exode signifiant « voyage hors de… », où l’accent est mis sur le périple lui-même. L’isolement se voit, lui, référé à une terre d’origine, toujours référencée : j’y vois l’Exil biblique, dans lequel l’accent est mis sur le retrait individuel.

La solitude signera alors l’à-côté, l’inévitable bruit de fond de cet acte de création par la voie symbolique qui toujours nous isole par la violence de son apparition : c’est pourquoi les actes présents dans les cérémonies d’initiation maçonnique distillent une certaine violence, ressentie comme tel lorsque l’énergie nécessaire à leur manifestation prédomine sur la nature du candidat : c’est pourquoi le feu nous brulera, tant qu’il ne sera pas transmué en un amour ardent: « Le feu te brûle car tu n’es pas encore le feu ».  On parlera alors d’épreuves qu’il conviendra de surmonter. Surmonter ne se rattachera pas ici à une quelconque valeur viriliste ou martiale, mais simplement à démontrer la capacité du candidat à dépasser sa condition, quelles que soient les abords par lesquels sera abordée cette condition (abord moral : serment et parjure ; abord existentiel : éléments alchimiques ; abord philosophique : testament ; abord rationaliste : outils ; abord cosmologique : voûte étoilée, luminaires, etc…) La naissance et la mort sont des moments solennels. Cela signifie qu’ils ne peuvent se vivre que seul. Le souci est qu’ils désignent aussi des bascules, des jalons qui nous font à chaque fois passer d’un monde dans un autre, de l’inconnu vers le connu, avec la naissance, puis du connu vers l’inconnu, avec la mort. Grace au génie du rite, il est néanmoins possible de reproduire cette solennité de notre vivant, et ceci grâce à la substitution. Cet acte désigne également un passage, mais il a aussi la vertu de nous faire exister de part et d’autre de ce sas, ayant un temps devant nous l’image du maître assassiné, donc déchu, et puis celle du récipiendaire qui va lui succéder. La substitution est un acte majeur car elle permettra aussi au maçon de continuer à se construire par-delà le 3ème degré, et jusqu’au 16ème degré, par un phénomène -miroir dénommé analogie, qui est un rapport de similarité entre 2 phases successives, mais différentes. Le trait de fraction de ce rapport est justement la substitution. Le maçon n’oubliera plus jamais ensuite ce viatique qui lui permettra de se construire en regard de l’édification du Temple de Salomon.

Cette épithète « seul » renvoie aussi étymologiquement à des valeurs telles l’entièreté (racine latine sollus), mais aussi à solidus, solide et salvus, sauf. Entier, solide et sauf, voilà l’état d’esprit dans lequel doit se trouver l’initié qui s’ouvre à la vie tangible. Au moment précis de la substitution, nous sommes nécessairement seuls, tout comme nous le serons de nouveau à l’instant précis de notre mort. Seule change finalement l’appréciation de cette solitude durant le laps de temps de notre vécu. Nous cesserons alors d’être entier, car nous appartiendrons à un collectif qui est celui de la vie. Nous cesserons d’être solide, car une partie de nous-même sera toujours encline, ou bien à se dissoudre dans le commun, le séculaire, ou bien à s’élever vers une spiritualité qui n’en demeure pas moins un élan proprement humain, Enfin nous cesserons d’être saufs, car soumis au glaive de la chute adamique. C’est cette raison majeure qui s’oppose chez certains à une élévation, non pas par peur du regard de l’autre, mais par peur de quitter le monde tranquille du tangible et d’une réalité à la fois crue et rassurante.

Ce fil rouge et métaphysique d’une solitude consubstantielle est symbolisé, lors de la cérémonie d’exaltation à la maîtrise par cet axe qui ne quitte jamais le récipiendaire au cours de sa pérégrination, depuis l’Occident vers l’Orient : qu’il déambule en arrière, puis en avant en se retournant, puis qu’il enjambe, qu’il se couche et se relève, il ne quitte pas cette véritable colonne vertébrale empreinte d’une solitude qui ne sied qu’à ceux qui sont capables d’en supporter la présence. La solitude sommitale me semble atteinte lorsque le récipiendaire est littéralement planté au sol après le coup létal, observant alors sans pouvoir y participer, le périple circulaire de 7 maîtres le cherchant. La mort répond, par sa solennité, à la naissance, avec une dynamique qui, en valeur absolue lui est comparable. Ainsi existe-t-il un véritable fil rouge, et pour paraphraser Nietzsche «   une corde tendue au-dessus d’une abime ». Ce fil est le reliquat, la trace fossile d’une solitude consubstantielle à l’humain. Le maître maçon, pleinement détenteur des droits maçonniques, est simplement celui qui sera apte à capter, à ressentir cette solitude, fréquemment noyée durant l’existence par le brouhaha de la vie et la prégnance du collectif. L’instruction du 3ème degré dit bien : « le maître est seul » et non pas « le maître se sent seul. », car le constat qui est fait est une véritable déclaration métaphysique et non l’expression d’un pathos ou d’un sentiment moral ou cognitif qui plomberait alors la pensée et l’action. Le sentiment de solitude est sans doute, pour l’être humain, un des plus compliqué à appréhender, parce qu’il conditionne tout un imaginaire teinté à la fois de morale et d’une lucidité pas forcément facile à vivre. Il est important de parler d’un sentiment plus que d’un élément factuel, car la solitude se vit toujours nécessairement par rapport à un environnement, qu’il soit intime ou extérieur. Il est très compliqué de parler de ce sentiment, comme s’il était entaché de faute, si on le ramène à l’errance de Caïn. On pourrait même parler de « contagion idéologique » à son égard, comme si le seul fait de l’évoquer risquait de nous emmener dans le tourbillon moral sans fin de la honte et de l’erreur. Cette solitude, qui est un état, se double, au niveau du vécu, de l'errance, qui est ce moment où l'initié semble perdre le contact, où il y modification de l'équilibre existant entre lui et son environnement.

À ce moment-là, plusieurs possibilités : ou bien cet équilibre est stable, auquel cas les échanges sont possibles : c'est ce que l'on appelle l'évolution progressive, qui est celle que nous vivons communément. Ou bien cet équilibre est instable, et le contact se perd : dans ce dernier cas, 2 possibilités : 1°) si l'environnement prend le pas sur l’individu, on parlera de contexte profane, de paganisme, et de ce que bibliquement on appelle la Chute adamique. Dans ce cas, nous avons à faire à une véritable déréliction, où peuvent apparaître des sentiments variés, abandonisme, humiliation, voire opprobre ou déshonneur. Dans un second cas, l'être prend le pas sur le milieu qui l'entoure : ce milieu va alors se réduire comme une peau de chagrin, et l'on parlera d’errance. Adam et Eve, en engendrant Abel et Caïn, prolongent dans le monde tangible, celui d’après la chute, une forme de totalité et de complémentarité par ces deux frères pourtant opposés quant à leurs prérogatives et leurs caractères. Mais cette solitude initiatique est prometteuse, Caïn finira par fonder une dynastie d’où descendront, entre autres, Jabal, Jubal et Tubalcaïn. Dans la même veine, l’Exode et l’Exil produiront un sentiment et une volonté de s’affirmer face à un joug. JC réfléchira 40 jours dans le désert.

Thierry Didier.

Thierry Didier : Identité, altérité, solitude Part V

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