LA VIOLENCE DE L’INDIFFÉRENCE
Je m’interroge sur la question de la violence dans notre société, est-ce la montée des écarts entre les individus sur le plan social ? Quand on se dit « de gauche » on est prompt à dénoncer la trop grande différence entre les revenus, les moyens qui permettent une vie apaisée et digne. Quand on est de droite on dénonce « la trop grande redistribution » l’assistanat. Au centre on rechercher l’impossible milieu, la juste mesure, l’équilibre, l’idéal et l’improbable « en même temps », ce qui semble pouvoir satisfaire tout le monde, tout le temps aboutit à ne satisfaire au final personne et jamais. Car le monde réel en refusant les différences, en recherchant l’indifférence il créé de la violence.
C’est la théorie développée par René Girard dans La Voie méconnue du réel, sa théorie du mimétisme. Il déclare à propos de cette théorie : je ne sais pas très bien si c’est moi qui l’ai faite ou si c’est elle qui m’a fait.[1] Notre propension au refus de la différence, des différences, nous assaille depuis l’aube des temps depuis la Genèse, les deux premiers enfants étaient différents, nous pouvons lire. Or Abel devint pasteur de petit bétail et Caïn cultivait le sol[2] l’éloignement de l’Eden, l’éloignement de l’unité créé la différence, la dualité. L’homme assume difficilement cette dualité qui génère ses mauvaises passions, l’oblige à un combat permanent intérieur, une tension pour aller vers le bien. C’est une mise à l’épreuve de sa conscience, de son libre arbitre, de sa responsabilité. Nous voyons dans l’autre, le différent, un barbare c’est-à-dire un étranger. Et le visiteur étranger attire automatiquement sur lui les soupçons hostiles des communautés fermées sur elles-mêmes. Pour la violence collective, il est un aimant plus efficace que n’importe quel membre de la communauté. [3] Rapidement l’étranger devient le bouc émissaire de tous nos maux effaçant notre et nos responsabilités. Il efface la possibilité évoquée par Saint-Exupéry de l’enrichissement par nos différences. Et de fait, toute notre altérité et notre fraternité notre refus des différences, créé un état de guerre permanent abolissant toute morale comme l’a écrit Levinas. René Girard à l’appui de sa thèse constate que le taux de récurrence du visiteur étranger collectivement massacré, est trop élevé dans les mythes qui inspirent notre conduite, pour que ce soit un effet du hasard. C’est donc la possibilité d’une information vraie. Qui se concrétise par le tous contre un. Les mauvais compagnons évoqués dans le 3ème degré de l’initiation maçonnique, ne supportent pas que l’architecte du temple possède quelque connaissance de plus qu’eux, qu’il soit de plus considéré comme bon et juste. Ils veulent mettre fin à cette différence et n’hésitent pas à recourir à la violence, ils veulent être comme lui, ils dévorés par le désir de possession, l’ambition, l’orgueil.
Il est impressionnant de voir la récurrence de cette violence, dans les extrémismes religieux ou politiques, de voir leur capacité de refus de toutes les différences, leur refus même de vouloir parler aux autres. Sont-ils peureux et craintifs à ce point, pour se réfugier dans un dogmatisme aussi radical et fermé, ne parlant plus à ceux qui ne sont pas de leur communauté ? C’est oublier ce que disait le poète espagnol Antonio Machado : Celui qui ne parle pas à un homme, ne parle pas à l’homme ; celui qui ne parle pas à l’homme ne parle à personne.[4] Cet engrenage du mimétisme est potentialisé dans notre société par les réseaux sociaux (asociaux destructeurs de liens), qui organisent la dictature du paraître et le désir d’être comme les autres. Le désir de possession des mêmes choses, des mêmes biens, et des mêmes idées surtout ne pas être différents. Nous sacrifions au mimétisme sa dignité, sa personnalité, sa singularité, sa dignité. Pour atteindre une hypothétique paix cette catharsis grecque dont l’impermanence nécessite des purifications successives des sacrifices humains sur l’autel de l’indifférence. La seule voie qui peut nous sauver, c’est d’avoir la Force d’aimer les autres avec leurs différences, de les aimer parce qu’ils ne sont pas moi, parce qu’ils ne font pas partie de mon cénacle, de ma communauté, de mon environnement social, culturel. Cela, exige une ascèse spirituelle qui se réalise souvent pleinement au moment de leur départ pour l’Orient éternel, on découvre soudain ce qu’il y avait de bon en eux, ce qui nous reliait à eux, la richesse de leurs différences.
Est-ce là, le moment de la réalisation de l’Agapè au pied du cercueil, la seule indifférence qui n’est pas violence ?
Jean-François Guerry.
[1] René Girard – La Voie méconnue du réel quatrième de couverture. Édition Biblio essais.
[2] Genèse IV-3 Bible de Jérusalem.
[3] René Girard ibid Pages 15 et 16.
Antonio Machado poète espagnol Séville 1875- Collioure 1939. Son oeuvre marque l'effondrement du régime républicain.
Témoin sincère de son temps. Il aspira à la justice et à La défense de la dignité humaine.
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