Jean-François Guerry.
De l’Harmonie cachée
Il existe en astronomie un postulat qui prétend que l’Univers serait constitué non seulement de ce que nous observons à travers le télescope, mais également de ce qu’on appelle, faute de mieux, la matière noire, et ce qui en découlerait, l’énergie sombre. Sa présence n'est détectée qu’indirectement, sur le papier, d’où les qualificatifs qui lui sont attribués et qui dénote de l’herméticité de ce concept. Ce postulat a été émis parce qu’il corrobore certaines théories actuelles de l’astrophysique, et qu’il rend compte de la nécessité de la présence massive de cette matière hypothétique (environ 33% de l’Univers visible) pour corroborer diverses hypothèses sur la structure du tissu interstellaire tel que nous le supputons aujourd’hui. Cette théorie de la matière noire, comme tout postulat, est combattue par d’autres scientifiques, ce qui est là le propre de la science, le caractère « évasif », imprécis au moins de son appellation témoignant à la fois de nos carences actuelles et d’un certain aveu de faiblesse de la part des sachants.
Ce qui est très formateur pour les scientifiques, et ils n’en ont pas forcément conscience, est qu’en travaillant sur ce « manque » de matière, ils questionnent en sous-main le manque, dans toute son ampleur philosophique, symbolique et psychologique. Cet aveu de faiblesse est aussi ce qui fait la grandeur de celui qui sait s’accommoder desdits manques : nous retrouvons là l’esprit Écossais, qui permet de ne rien s’interdire, et qui y voit l’occasion de sans cesse se remettre en question pour continuer à avancer. Et cela colle très bien, avec ce que nous, maçons, percevons de l’Univers, que ce soit sur le plan symbolique, métaphysique ou existentiel, et qui nous amènera, nous y reviendrons, aux concepts, pour le philosophe, de l’Harmonie cachée, et pour le franc-maçon, de la Parole Perdue. Car ce qui manque de visible à l’Univers finit aussi par nous manquer à nous-même.
Il s’agira alors d’observer une véritable herméneutique du manque, et d’y voir l’occasion non pas nécessairement d’accéder à ce manque, mais simplement en avoir conscience, pour au moins en intégrer la dimension, et n’y voir qu’une complétude à éprouver. Les scientifiques élaborent en effet des concepts que la métaphysique leur avait « soufflé » précédemment, tout simplement parce que l’intuition humaine et la philosophie ne réclament pas les mêmes prérequis, les mêmes moyens et les mêmes preuves qu’on est en droit d’exiger, s’agissant de faits rationnels qui doivent être, eux, reproductibles à l’envi. Ainsi également la théorie du Tout, travaillée sur le plan scientifique par Stephen Hawking, consiste à embrasser la totalité de l’univers par l’unification des 4 grandes forces cosmiques connues aujourd’hui, que sont la gravitation, les interactions faible et forte, et l’électromagnétisme. Souvent un organisme, quel qu’il soit, se reconnait au travers de ses actions : c’est sans doute le cheminement que tenta d’éprouver Hawking, en partant d’une fin supposée, ces 4 forces manifestées, pour en remonter le fil jusqu’à sa source, une forme de « tout », comparable, dans l’esprit, à l’Univers complet dont l’intelligibilité sanctionne le 30ème degré du REAA. Cette totalité-là fut déjà pensée quelques siècles plus tôt par les alchimistes, avec l’appui, cette fois, des 4 éléments, globalisés au sein de l’Ether, sorte de bain symbolico-métaphysique qui constituait à la fois l’union de ces 4 éléments en une seule valeur, mais également le domaine d’expression concomitante desdits éléments. Une hypothèse voisine consistera à assimiler la centralité résultant de ces 4 éléments à l’Amour, entendu dans le sens qui intéresse le 18ème degré du REAA, c’est-à-dire une onde unificatrice qui se propagerait de proche en proche et définirait la Charité et le partage. Cette vision-là, plus confessionnelle que celle, métaphysique, de l’Ether, aura pour vertu d’introduire une coloration morale, donc plus incarnée, mais aussi pour inconvénient de limiter à sa propagation son influence générale, là où l’Ether considérait la totalité de l’espace disponible.
L’harmonie est un concept qui attire, certes, les artistes et les philosophes, mais aussi les francs-maçons, hommes de construction spirituelle, qui y voient, à travers son étymologie, emprunté au grec harmonia, une cheville, un joint, un assemblage ou bien encore un accord, dont la finalité sera l’obtention d’un tissu, qu’il soit de nature biologique, cosmologique ou existentiel. L’harmonie est officiante en franc-maçonnerie au travers de sa déclinaison la plus épurée, à savoir la Beauté. Ce qui structure toute chose est au centre de cette chose : la Kabbale hébraïque nous renvoie ainsi à la Sephirah Tipheret, dénommée Beauté, et placée au cœur même de l’arbre séphirotique. Il n’en demeure pas moins que l’harmonie ne saurait se départir de cette binarité qui sied à tout initié désireux d’exploiter au mieux ce qui se présente à lui, par ce biais dual que constituent les voies exotérique et ésotérique. On pourrait penser que, compte tenu de sa nature et de son action, l’harmonie est une et indivisible : il n’en est rien car celle-ci s’attache autant à la forme des choses, qu’à la « forme » de l’observateur concerné, entendu dans son sens aristotélicien, c’est-à-dire son âme et son esprit.
L’harmonie visible est donc le point de jonction entre 2 occurrences, ainsi qu’un arrangement cohérent et une façon, pour l’initié, de valider cette cohérence. Il n’en demeure pas moins que cette harmonie n’apparaît pas spontanément, car elle n’est équilibre que dans le monde manifesté. A cet égard, l’harmonie visible est le fruit d’un long travail d’identification et d’assimilation, par l’initié, de ce qui l’entoure. Nous pourrions utiliser ici l’exemple de la longue chaine des degrés du REAA, dont le contenu intrinsèque voue ceux qui s’y penchent, à travailler encore et encore les liens sémantiques, symboliques et philosophiques qui les unissent, et qui sont le seul moyen d’approcher cette totalité qu’on appelle la Vérité. C’est pourquoi existerait, à côté d’une harmonie visible, une harmonie cachée qui permettrait, nous allons le voir, non seulement d’avoir une approche plus complète, mais qui, par ses extensions (la théodicée, ou jugement de Dieu, par exemple) nous révèle certains choix confessionnels ou philosophiques pour lesquels ont opté nombre de penseurs.
On peut se permettre d’affirmer que l’harmonie possède cette double face, par le simple fait que, comme dans la Bible, ce qui est nommé existe. Mais ce qui existe sépare. Selon les philosophes partisans de la théodicée de l'harmonie cachée, le mal que nous constatons dans l’humanité ne serait apparence de mal qu'à nos yeux alors qu'il est en réalité un bien. Cette vision très dualiste permet, en utilisant le biais du manichéisme, de ne rien s’interdire quant à une dualité invitant à la nuance, à l’équilibre et finalement à la poursuite raisonnée de la réflexion. Ca n’est pourtant pas ce que semble nous signifier Héraclite, qui affirme : « l’harmonie cachée vaut mieux que l’harmonie visible ». Cette orientation radicale assène un choix de valeurs à partir de 2 réalités préséantes : cela peut surprendre dans la bouche d’un philosophe réputé, mais la philosophie générale n’est ni la vie, ni l’initiatique. Cette citation fait donc la part belle à ce qui apparaît dans la vie comme caché, donc mystérieux ou énigmatique, et qui relèverait donc d’un « bénéfice du doute existentiel », recélant des trésors possibles, qui brillent néanmoins par leur absence ou leur invisibilité.
Car le caché peut aussi véhiculer une forme d’ésotérisme fumeux, laissant libre court, parce qu’occulté, aux imaginations débridées. Mais en même temps, l’inconnu attire, le mystère séduit. Lui est communément opposé le tangible, le rationnel, le concret qui, soit, conforte le vécu, mais porte fréquemment un déficit d’image, un biais d’estime, parce que ce qui est structuré et rationnel est par essence fini, aboutissant toujours à la dégradation, et portant par là même l’image de la mort, ou pire, de la décomposition : on appelle cela l’entropie. On pourrait penser que cette extrémité-là, la mort, soit assimilée, pour le croyant, à un retour vers ce chaos indifférencié que constitue l’Eden. Il pensera y trouver une forme de félicité confuse, à rapprocher donc de ce paradis édénique, défini ontologiquement comme une potentialité totale. Ces 2 milieux, celui de l’Éden, et celui du monde sensible sont donc quelque part reliés, d’une part par la Chute adamique, et son corollaire fonctionnel le péché, et d’autre part, en sens inverse, si je puis dire, par la mort physique, et son corollaire spirituel, l’élévation de l’âme.
Cette finitude n’est pourtant pas si évidente que cela, si ce n’est celle liée à la mort, basculement ontologique accouplé en permanence à la sensation d’exister. Cette peur de la mort est sous-jacente à toute pensée humaine, et le visible devient alors, même si certains s’en défendent, une forme d’agonie existentielle, promise à la disparition. L’harmonie visible n’échappe pas à ce diktat en ce sens que sa structure même est soumise à l’entropie, c’est-à-dire à une irrémédiable dégradation. L’harmonie a beau témoigner d‘une forme d’accomplissement structurel, il n’en demeure pas moins qu’elle est soumise à la finitude. Quel que soit notre confession, le bruit de fond de la chute adamique résonne et se propage chez tout judéo-chrétien, fut-il croyant, agnostique ou athée comme une sorte de pénitence existentielle, une forme de fardeau qui nous alourdirait, justifiant une « inculpation originelle » dont nous ne pourrions pas nous défaire. On peut rétorquer qu’Héraclite est un philosophe présocratique, et que donc ses propos ont précédé l’écriture de la Genèse.
Ce serait oublier que tout mythe embrasse une perception qui le dépasse et que de grands schémas philosophiques, tels la chute, l’avènement, le voyage, etc… jalonnent l’histoire humaine depuis un temps immémorial. Le caché est donc souvent plus flatteur que le déclaré parce qu’il laisse ouvert tout le champ des possibles, là où le déclaré peut finir par frustrer, décevoir ou décourager parce qu’il est toujours l’expression d’un choix, d’une volonté, c’est-à-dire d’une liberté fatalement discriminante. Alors bien sûr, l’harmonie évoque l’équilibre, la juste mesure, la bonne circulation de la matière et des idées bien qu’elle possède une parèdre, l’harmonie cachée, sorte d’empreinte, de négatif, au sens photographique du terme, qui porterait en elle tous les petits arrangements picrocholins qui accouchent, à un moment donné de cette forme épurée qu’on appelle l’harmonie visible. La Parole Perdue appartient à cette harmonie cachée. Son appellation même appuie sur cette ambiguïté à la façon d’un oxymore, d’une aporie signifiante qui nous invite à ne pas choisir entre le Verbe, déclaratif, incisif, lumineux, et la Parole Perdue, par nature tapie, sous-jacente, sombre.
A cet égard, la Parole Perdue n’est en aucune façon un pré carré réservé à quelques élus, qui seuls en possèderaient la clé. La Parole Perdue est plus qu’un simple pendant, qu’un exutoire ou qu’une forme dévoyée d’une réalité qui se voudrait toute puissante : elle est le témoin permanent d’un choix qui lui est consubstantiel, elle est l’« anti-Logos », entendu dans son sens étymologique de « anta », signifiant « en face de, en échange » , mais aussi « contre, et son dérivé ambigu , « tout contre ». La théologie négative, par laquelle on met en avant ce que Dieu n’est pas, nous apprend ainsi qu’un penseur baigné dans une civilisation structurée, comme peuvent l’être les mondes antique ou judéo-chrétien, ne peut pas en faire l’impasse, s’il désire se référer à une théodicée, c’est-à-dire une « justice de Dieu ». La théologie négative répond en franc-maçonnerie à l’outil symbolique qu’est le niveau, dont l’action se fait par une « contre-action » à l’autre extrémité de son corps, comme si sa nature profonde était, à chaque action induite, de générer un reflux, fut-il mécanique, symbolique ou philosophique.
Selon les philosophes partisans de la théodicée ontologique, la création d'un univers complexe et infiniment diversifié ne peut se faire sans défauts. Sans ces défauts, l'univers serait Dieu lui-même. Malgré, et sans doute grâce à l’existence et l’exploitation du mal, de l’absence et du non-dit, la majorité des phénomènes de l'univers deviennent optimaux, et mettent en avant une forme d’optimisation des contraires, que nous pouvons appeler l ’« Univers complet », comme le décrit le 30ème du REAA , et qui est l’apothéose de notre existence dans le meilleur des mondes possibles. L’apothéose doit être entendue suivant sa signification étymologique : apo-théose, qui relève, qui s'apparente à Dieu, ou à un contexte divin. Mais le préfixe apo-, signifiant à la fois « loin de », et « relatif à » qualifie parfaitement l’ambiguïté du terme de « séparé » appliqué au Chevalier Kadosch, terme au combien important, qui distingue tout en le reliant l’initié à l’ensemble de l’Univers.
Ce réarrangement est nécessairement une optimisation puisqu’il conduit à ne conserver de visible que ce qui est viable. Ce que le rituel nous précise à demi-mots : « Nous n’avons plus d’autre enseignement à vous donner […] Nous n’avons pas de mot d’ordre à vous donner […] Vous êtes désormais le soldat de l’Universel et de l’Eternel ». Ainsi l’« Univers complet » ne signifie pas que nous en percevons les limites, mais simplement que tout ce qu’on en connaît le définit comme une chose pleine et entière. Si une théodicée semble donc, à l’origine, formuler un discours théologique qui cherche à expliquer qu'une divinité permette l'existence du mal, nous venons de voir qu’il ne s’agit là aucunement d’un développement dogmatique, mais, comme le dit à sa façon Alain Finkielkraut, d’« un plan d'ensemble qui conduit l'humanité ». Ce plan-là est déjà, dans son expression géométrique, le croisement de 2 dimensions, portées ici en abscisse et en ordonnée par le Verbe et la Parole Perdue. Selon les philosophes partisans de la théodicée de l'harmonie cachée, le mal que nous constatons ne serait apparence de mal qu'à nos yeux alors qu'il est en réalité un bien.
Selon la vision plus globale des philosophes partisans de la théodicée ontologique, tels Leibniz, la création d'un univers complexe et infiniment diversifié ne peut se faire sans défauts. Sans ces défauts, l'univers serait Dieu lui-même. Malgré l'existence obligatoire de ce mal, la majorité des phénomènes de l'univers sont optimaux et nous vivons ainsi dans le meilleur des mondes possibles. Il ne s’agit pas là d’un optimisme béat, comme le jette Voltaire un peu trop rapidement, raillant le « candide » Leibniz, mais d’une optimisation, terme bien différent tenant compte à tout moment de tenants et d’aboutissants opposés. Comme quoi la lumière n’est pas toujours là on où pense la trouver… Et la franc-maçonnerie dite « progressiste ou positiviste » n’échappe pas à ce biais. Par contre, son caractère initiatique, qui sous-tend la prise en compte d’une totalité pas facile, d’ailleurs, à déterminer, a pourtant intuitivement défini précisément ce que serait l’harmonie cachée pour un franc-maçon. Ce postulat passe par un tryptique : Verbe ou Logos, Vérité, et Parole Perdue : il est possible d’expliquer simplement l’harmonie visible et cachée à partir de ces 3 termes associés, dont certains initiés font, à tort, grand mystère.
Si nous partons de l’hypothèse de l’harmonie cachée, nous considérons donc que tout acte ostensible et déclaré ne représente qu’une portion d’une réalité plus générale, où tout ce qui a été mis de côté par l’acte déclaratif continue d’exister , en sous-plan : ce postulat apparaît hautement envisageable, tout simplement parce que si l’on effectue une action, quelle qu’elle soit, dans notre univers, ladite action devrait déstabiliser ce fragile équilibre qu’on nomme cosmos: dans les faits, il n’en est rien : c’est donc bien que le cosmos se rééquilibre parallèlement à l’acte , en réorganisant le reste de l’univers. On me rétorquera peut être que l’effet papillon existe, mais celui-ci est inductif, et non séparatif : il n’est qu’un réarrangement horizontal des évènements. Cette réorganisation permanente, invisible pour une part à nos yeux constituera pour l’initié ce qu’on appelle la Parole Perdue. Pour un philosophe profane, cette théodicée, qui signifie littéralement « jugement de Dieu », se manifeste donc comme une optimisation de fait, dans laquelle la Vérité représente une totalité constituée pour partie par le logos, verbeux, déclaratif et solaire, et pour autre partie par la Parole Perdue. Ce terme de Vérité peut paraître excessif, il a cependant l’avantage de qualifier une globalité, une complémentarité qui la place en valeur absolue, au-dessus de la mêlée des querelles philosophiques inhérentes à sa qualification. Mis entre les mains des francs-maçons, la Vérité perd son caractère dogmatique, unilatéral ou doctrinaire. Dans ce contexte, elle devient suffisamment globale et fédératrice pour rassembler et non pour diviser. On pourrait ainsi imaginer que la totalité de l’Univers tel que nous le vivons ne soit constitué, pour chacun d’entre nous, que de soi-même, et de l’ensemble exhaustif des « discours » que nous soyons capables de tenir avec chaque composante dudit Univers. Cette vision, bien que parfaitement nombriliste, a l’avantage de nous rapprocher de la notion de Logos, que je vois comme l’expression dynamique de l’Univers, adaptée à notre perception spatiotemporelle individuelle. Le Logos occupe par principe l’Univers visible, dont il est à la fois source, propagation et fin ultime, c'est-à-dire les trois fondamentaux que l’Homme est apte à reconnaître.
Le terme de Verbe est couramment substitué au terme Logos, ajoutant un aspect fécondant, incisif, lumineux, qui colle bien, dans l’esprit, à la vision judéo-chrétienne qui habite l’homme occidental. Le Logos est donc déjà à lui seul un support eschatologique. Ce simple fait suffit à nous faire prendre conscience que la perception de l’Univers passe nécessairement par le prisme de l’eschatologie : sans celui-ci, il est impossible d’avoir une vision intellectuellement viable de son immensité. Si l’Univers, pour paraphraser une sentence, est inaccessible à l’esprit humain, cette inaccessibilité n’en est pas moins un jalon, qu’il convient de ne pas négliger. Comment, sinon, avoir un minimum de prise sur un système qui nous « échapperait » en permanence, aussi bien dans le temps que dans l’espace ? Alors, on pourrait cette fois me rétorquer, et ce n’est pas faux, qu’il existe déjà une harmonie visible, qui transparait dans l’usage ou le constat du nombre d’or : Le nombre d'or, également appelé section dorée, proportion dorée ou divine proportion, est un concept mathématique, un rapport de valeurs qui se retrouve absolument partout autour de nous.
Si l'on devait donner une définition du nombre d'or et l'expliquer simplement, on pourrait dire qu'il s'agit du ratio structurel de toute chose manifestée. Sa valeur numérique est d’environ 1,618. Toute la subtilité est dans le « environ », qui trahit, fort discrètement je l’avoue, là où se dissimule l’harmonie cachée, dans ce qui complète l’ « environ » pour en faire un univers complet. Le nombre d’Or est un nombre irrationnel, à la suite indéfinie de décimales : on pourrait donc considérer l’harmonie visible comme un « arrondissement », par l’intellect humain de la réalité. C’est donc cette incertitude, cette inexactitude structurelle de l’harmonie visible qui conduit à y trouver une complétude par le biais d’une harmonie cachée. Transposé dans notre Rite, le Logos est présent, en fait, dans tout acte ostensible que nous générons, paroles, objets, déambulations, supports variés, symboliques, légendaires ou autres : tout action que nous intentons fait passer dans le domaine de l’informulé ce que nous choisissons de ne pas garder.
Ce mécanisme est universel, et ne se limite pas à l’initiatique. Dans la vie profane, logos et Parole Perdue existent bien évidemment, ça n’est pas une spécificité de l’initiatique. La différence étant que dans notre vie quotidienne, nous avançons uniquement à partir de ce que nous avons créé : c’est tout à fait normal, et c’est l’essence de la vie progressive. La Parole Perdue existe, mais point n’est besoin d’en faire directement état. On parlera alors de libre arbitre et de déterminisme, c’est-à-dire qu’on définira des domaines inclusifs, corrélés à l’acte du logos lui-même. Dans l’initiatique, c’est différent, l’acte n’est que le sommet de l’iceberg existentiel, et le reste ayant pour vocation à réagir avec le déclaratif, c’est ce qui rend le parcours initiatique de chacun extrêmement variable, quant à la durée de l’apprentissage, et à la profondeur de cet apprentissage, car il est inféodé aussi bien au logos qu’à la Parole Perdue. La profondeur d’analyse de l’initié n’est pas indexée sur le volume de ses connaissances, mais sur sa capacité à « inviter » le caché, à convoquer l’indicible dans une réflexion sans cesse en mouvement.
C’est pourquoi Leibniz parle de continuum de la pensée ou des idées : il y a nécessairement continuum car chaque idée émise, chaque geste formulé, chaque évènement suscité fera possiblement basculer son complément dans l’ostensible. En franc-maçonnerie, tout est optimisé, car rien n’est fait inutilement : chaque propos, chaque geste, chaque attitude sont déjà en eux même des finalités, desquelles furent écartées tout ce qui pouvait apparaître comme inutile ou superflu ; c’est d’ailleurs à ce prix que le contenu d’une tenue perdurera dans le temps et l’espace calibrés des travaux. C’est aussi pourquoi il existe des rituels et des instructions, qui, pour les premiers, cantonnent à une fonctionnalité déjà épurée, et pour les secondes habillent de mots et de circonstances le vécu de l’initié. Le libre arbitre et le déterminisme, déjà cités, seront en fait les 2 mamelles du choix que nous effectuons à tout instant. Ce choix actera une initiative, quelle qu’elle soit, mais surtout fera passer le reste du champ des possibles dans un bain informulé qu’on appelle donc la Parole Perdue.
Ce bain est en contiguïté permanente avec ce qui est sorti de l’ombre, il colle à ce déclaratif, simplement en étant là, j’oserais dire « à disposition ». Ces notions de Parole Perdue, de logos, et d’une vérité qui en serait l’union, rend extrêmement difficile l’installation d’une pensée initiatique, qui se doit de prendre en compte une globalité des effets lorsqu’on la met en avant. C’est là où le symbolisme agit, il est une façon mimétique de se représenter ce que l’on qualifie à partir du symbole et du symbolum : ces 2 parties représentant mimétiquement ce qui est choisi et ce qui est mis de côté. En greffant sur ce modèle universel une pensée calibrée, c’est-à-dire, en fait, en travaillant spirituellement, le franc-maçon ne s’interdit rien, ne choisit rien, n’évacue rien, En résumé, la mécanique symbolique correspond à une « empreinte » de la vie, qui n’est pas la vie, mais une « copie ternaire » formulée par l’homme. Dans cette optique, nous voyons bien que la Parole Perdue existe, qu’elle est le pendant naturel, le complément invisible, le bruit de fond initiatique qui libérera dans le manifesté, , la parole solaire qui est le germe grâce auquel croitra et embellira l’initié.
La Parole Perdue est une forme de mise en abyme du verbe, qui va venir occuper, par son caractère itératif, la totalité de la pensée disponible La Vérité devient ainsi la somme parfaite de cette imbrication que constituent à eux deux Verbe et Parole Perdue. Parfaite car faite de compléments, où l’un compensera, équilibrera l’autre en permanence.
Thierry Didier.
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