A |
insi, lorsque je parlerai de vision ou d’entendement dans cet article, il faudra faire en permanence l’effort mental d’y accoler le qualificatif de « spatio-temporel », pour éviter le fatal biais d’attrition qui consisterait à extirper la dimension « temps » de l’équation. Le simple fait d’associer dans un même concept l’espace et le temps témoigne de la difficulté que nous avons à en mesurer la teneur, la texture et la prépondérance. Dans cet état déclaratif, l’espace et le temps semblent donc indissolublement liés. Intuitivement, je dirais qu’espace et temps ne constituent que 2 modalités d’une même dimension, qui serait donc la seule dans laquelle nous pourrions croître et évoluer. Il n’est pas plus logique d’imaginer la prégnance de 2 ou 3 dimensions, que d’une seule ou d’une infinité : seul compte alors nos « anastomoses » avec un réel qui n’est défini que par notre capacité à le percevoir. Le temps et l’espace apparaitront à cet être pragmatique qu’est l’initié maçon comme intimement intriqués, voire, comme une seule et même dimension. Notre incapacité à les distinguer peut être due au fait que nous baignons dans ce mélange ontologique, duquel on ne pourrait s’extirper qu’en différenciant des 2 valeurs « espace » et « temps », ce dont nous sommes incapables. La difficulté pour notre entendement d’humain sera que ces 2 modalités, par essence complémentaires mais différentes, ne seront pas appréhendables dans une même mesure. Ce « syncrétisme asymétrique », ce « différentiel existentiel » entre un temps impalpable et un espace, lui, concevable, nous poussera à distinguer, à notre corps défendant, espace et temps, et à tordre notre raison au point d’engendrer ces impensés fondamentaux que sont l’infini et l’éternité.
Néanmoins, le REAA nous invitera à accueillir dans notre conscience ces impensés par différents biais dont, nous le verrons, le biais du mythe et de l’eschatologie. Cet état de fait passera crème dans la vie quotidienne car nous n’« accrocherons » pas cet impensé à notre intellect et d’une façon plus générale, à notre vie quotidienne, où la « fin du mois » prime sur la « fin des temps ». Ce serait à la fois trop traumatisant et surtout improductif : le franc-maçon n’est en effet pas un doux rêveur, mais quelqu’un de pragmatique dont le prosaïsme utilise des biais ésotériques divers afin de s’accomplir, intellectuellement comme spirituellement à moindre coût, dans la vie réelle. Ce moindre coût n’a pas de connotation morale : il recoupe le célèbre « meilleur des mondes possibles » de Leibniz, qui prône une indispensable optimisation de la vie. Cette optimisation s’appelle en franc-maçonnerie l’espace sacré.
Mais la sacralité maçonnique est plus subtile que la simple sécabilité artificielle de 2 milieux, profane et initiatique. La méthodologie du sacré, qu’elle soit maçonnique ou confessionnelle permettra de « découpler » ce différentiel existentiel évoqué plus tôt pour inaugurer, d’une part un temps figé, puis contenu, et d’autre part un espace restreint et contraint : les alchimistes appelleront ça « fixer » le volatil, et les maçons « ouvrir » la tenue. Le sacré est une méthode artificielle que met en place l’homme initié lorsqu’il cherche à maitriser l’espace et le temps : Mircea Eliade parlera par exemple du temps sacré comme étant « anhistorique », ce qui n’est à proprement parler pas exact, cette négation privative ne suffisant pas à cantonner le temps autrement que dans un contexte nihiliste. Cette façon de rendre le temps, d’une certaine façon, « sans déroulement aucun » recoupe le principe de la théologie négative, approche qui insiste plus sur ce que Dieu n'est pas que sur ce que Dieu est.
Il s’agit au fond, par cette négation ontologique, d’assimiler une forme de transcendance à celle d’un manque, formule simpliste visant à déterminer la transcendance par une forme d’abstraction qui en appuierait le fond : ça relève quelque part d’une forme de gnosticisme, dans lequel le démiurge serait la négation d’un principe divin plus élevé, complètement transcendant. Le temps pourra ainsi se décomposer en 3 valeurs plus philosophiques qui correspondent à notre aptitude cognitive et intellectuelle, j’ai nommé le temps long, le temps immédiat et le moment de vérité, ou Kaïros. Le temps long n’est pas précisément définissable eu égard à son épithète quelque peu imprécise. Néanmoins il n’est pas plus flou que le temps immédiat, dont la fulgurance n’est pas établie numériquement : en effet, le terme « laps de temps » définit étymologiquement « tout mouvement de glissement, d'écoulement, de course rapide », ce qui est subjectif. Le temps long est donc relatif, mais pas pour autant relativiste, en ce sens que c’est son aspect qualitatif qui importe ici. Cet aspect qualitatif présente l’énorme avantage de tenir compte de l’observateur, sans jugement de valeur : c’est même ce qui le valide. Le relatif lie de façon irréfragable un évènement à la façon dont on le perçoit et dont on le considère. Et c’est bien cela qui compte. Le temps immédiat est aussi jugé comme tel parce qu’il échappe quelque part à notre capacité à le fixer, c’est-à-dire en fait à l’assujettir à notre entendement, à le quantifier. Vous noterez ainsi combien, intuitivement, le temps d’exposition au parjure ou au miroir, durant la cérémonie d’initiation, est corrélé à l’appréciation qualitative que l’on en fait. Ce temps apparait comme un temps long car les intervenants, armés de leur épée, figés autour du cadavre, contribueront à cette longue séquence douloureuse. Il en va de même avec le breuvage amer : l’amertume est une sensation rémanente qui fait durer le moment. Un temps ressenti comme long devient ainsi un temps long, quel que soit sa durée.
Thierry Didier À SUIVRE...
ABONNEZ-VOUS EN DÉPOSANT UNE ADRESSE MAIL DANS LA FENÈTRE S’INSCRIRE A LA NEWSLETTER. (GRATUIT)
POUR LES ABONNES : IL EST POSSIBLE DE RECEVOIR GRATUITEMENT LES TEXTES DES ARTICLES AU FORMAT WORD EN ECRIVANT A L’ADRESSE SUIVANTE :
INFO : LE BLOG RESPECTE LA LOI RGPD
WWW.LAFRANCMACONNERIEAUCOEUR.COM
DÉSABONNEMENT SUR SIMPLE DEMANDE SUR LE SITE OU À L’ADRESSE MAIL : COURRIERLAFMAUCOEUR@GMAIL.COM
ASTUCE : CLIQUEZ SUR LES IMAGES POUR LES AGGRANDIR.
FAITES CONNAÎTRE LE BLOG À VOS AMIS.