LA RÉSISTANCE À L'OPPRESSION
L es français sont-ils des gaulois réfractaires, ou sont-ils des veauxcomme le disait le général de Gaulle selon son fils Philippe de Gaulle expression qui lui vint à la bouche à propos de la signature de l’armistice, à laquelle il rajouta. Ils sont bons pour le massacre, ils n’ont que ce qu’ils méritent. De Gaulle s’il avait une haute idée de la France était sévère avec les français ou simplement réaliste.
S’il ne fait aucun doute que les lumières ont mis fin, aux dogmes, à l’obscurantisme et ont érigé le droit à la résistance face aux privilèges suivant l’Art 2- de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Doit-on en déduire que l’on doit résister à tout de manière systématique, en faire un fonds de commerce. Sommes-nous aujourd’hui des opprimés par un pouvoir dictatorial ? Sommes dirigés par une caste de privilégiés ? Se serait oublier que nous pouvons voter en toute liberté.
Nous sommes dans une guerre sanitaire, le conseil de guerre est le Conseil de défense en quelque sorte l’état-major. Pouvons-nous en toute honnêteté reprocher à nos dirigeants à la fois l’action et l’inaction, nous pouvons faire des critiques constructives.
Ce sur quoi il nous faut résister et être vigilant, c’est sur les actions violentes et brutales ou trop molles, pas facile de mettre la balance en équilibre. Néanmoins le Conseil de défense ne peut être qu’une gouvernance temporaire, il faut revenir au plus tôt vers la représentation nationale.
Je soumets, à votre réflexion ce travail sur le thème de la résistance de la loge Kleio écrit en 2017, travail d’excellente qualité.
Jean-François Guerry.
La résistance à l'oppression
La vie regroupe l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. Par nature, l’homme dispose d’une forme de résistance innée. La résistance demeure une préoccupation vitale, non pas morale ; elle consiste juste à être vivant, à survire. Dès lors, l’atavisme qui nous prédispose à la résistance, nous donne déjà une propension à résister à d’autres formes d’agressions extérieures.
Par la suite, la philosophie des Lumières a constitué dans l’histoire de l’humanité une rupture culturelle et politique sans précédent. Tandis que l’arbitraire constituait la norme dans les sociétés humaines, le philosophe britannique John Locke a osé (en 1690) redéfinir les rapports entre le pouvoir politique et l’individu, en plaidant pour la subordination du premier aux intérêts du second ; en d’autres termes, pour l’existence d’un droit fondamental : le droit de résistance à l’oppression.
Il s’agit là d’une démarche littéralement révolutionnaire puisque la publication du Traité du gouvernement civil en 1690 vient justifier la Glorieuse révolution britannique et l’adoption du Bill of Rights, un siècle avant la révolution française.
Ces idées, chères aux francs-maçons anglais, devaient gagner la France, notamment sous l’influence de Montesquieu, né le 18 janvier 1689. Initié le 16 mai 1730 à Londres, il va inspirer la Constitution des Etats-Unis, avec son célèbre principe de la séparation des pouvoirs, qu'il évoque dans «L'esprit des Lois». Ces idées inspireront non seulement les Constitutionnels américains, mais également les Constitutionnels français, qui donneront au principe d’un droit de résistance à l’oppression la portée plus générale d’une référence à valeur universelle.
L’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen proclame ainsi que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».
La résistance à l’oppression trouve ici sa source dans la considération selon laquelle la communauté n’institue le pouvoir politique qu’en vue de son propre bien. Si les gouvernants utilisent le pouvoir pour opprimer le peuple, celui-ci a le droit de s’opposer à leur autorité, de tenir leurs actes pour nuls et de leur résister.
Les exemples historiques les plus frappants viennent de l’Italie fasciste, de l’Allemagne nazie et du régime de Vichy en France.
L’ampleur et la violence de ces formes d’oppression sont non seulement le produit de la nature des régimes politiques, mais également du degré d’adhésion des populations en temps de guerre et sous l’occupation.
La résistance en Allemagne a pris la forme d’une « résistance sans ennemi et contre soi-même ». La faiblesse des formes de résistance et d’opposition traduit en fait l’intégration du nazisme par la population allemande, révélant une très forte adhésion à ce régime et une véritable légitimation de la dictature, constante de 1933 à 1945. L’ennemi ne venant pas de l’extérieur, la reconnaissance de cette résistance par la population allemande était quasi impossible, puisque résister signifiait trahir son peuple, en allant à l’encontre du sentiment patriotique dans un contexte de guerre.
De son côté, la longue durée du régime fasciste italien (deux décennies), ses pratiques et sa rigidité, ont conduit à une certaine dépolitisation de la population et à son éloignement de l’engagement politique. Il faut attendre, non pas l’entrée en guerre, mais la présence allemande à partir de septembre 1943, pour que s’accélère un processus de réapprentissage de la politique, à travers des actes de résistance précisément ; actes en partie liés à des stratégies de survie et des nécessités de choix.
Le régime de Vichy relève de cette double démarche : l’appréciation de l’existence d’une oppression, et le choix des moyens d’y résister.
Force est de constater que pour ces trois pays, la dictature s’installe dans un cadre légal. Peu à peu, les régimes ont recours à une « légalité falsifiée » (modification de la Constitution par Mussolini soutenu par le Parlement, Assemblées Parlementaires accordant les pleins pouvoirs à Pétain). Et les élites y collaborent.
La légitimité de ces régimes politiques se fonde également sur leur capacité à recomposer un corps social en proie à une crise d’identité nationale ; et c’est d’abord par la séduction que les masses sont assujetties (organisation des loisirs, embrigadement de la jeunesse), parallèlement à la coercition et à la répression.
La conjoncture et les évènements de la guerre introduisent toutefois le doute dans la population. La résistance a dû répondre à cette question de la légitimité, en créant une autre légitimité, en proposant un autre monde, d’autres projets et d’autres valeurs. La résistance a voulu trouver une forme d’immunisation contre le nazisme (tel est d’ailleurs le sens du terme médical « resistenz »).
Pour les premiers résistants, issus de familles catholiques, ou de tradition socialiste ou communiste, le degré d’agressivité du régime à leur égard entrait directement en conflit avec leur propre valeur d’obéissance : les possibilités de résistance ont été anesthésiées par Vichy. En Italie, les compromis entre l’Eglise et le régime fasciste a produit le même effet.
La question de la légitimité apparaît alors au cœur de l’idée d’un droit de résistance.
La résistance devient légitime lorsque le régime politique perd, lui, sa légitimité. Car la résistance naît de l’instauration d’un pouvoir auquel s’oppose naturellement un contre-pouvoir générateur d’actes de résistances. Il s’agit de résister à une agression, une contrainte, une oppression. Ici, il n’y a pas de théorisation de la résistance. Elle est.
La légitimité de Churchill apparaît dès lors incontestable lorsqu’il annonce aux français : « N’oubliez pas que nous ne nous arrêterons jamais, que nous ne nous lasserons jamais, que jamais nous ne cèderont et que notre peuple et notre empire tout entier se sont voués à la tâche de curer l’Europe de la pestilence nazie et de sauver le monde d’une nouvelle barbarie » (« Français, je marche encore avec vous », 1940).
Il faut comprendre que la résistance est légitimée par une prise de conscience collective. En cela, la résistance se démarque de la désobéissance. Sur ce sujet, Hannah Arendt écrivait : « Les arguments invoqués pour défendre la conscience individuelle ou des actes individuels, c’est-à-dire des impératifs moraux et des appels à un « droit supérieur », qu’il soit transcendant ou profane, sont inadéquats lorsqu’on entend les appliquer à des cas de désobéissance civile sur le terrain de la conscience individuelle » (Du mensonge à la violence, 1972).
Or, la désobéissance civile, ou civique, qui se traduit par le refus de respecter la loi au nom de sa conscience, remonte à l’Antiquité et a été souvent, elle, théorisée (notamment au 19ème siècle par le philosophe américain Henri David Thoreau, La désobéissance civile, 1849).
Mais cette question ne peut être déconnectée du concept de démocratie. En effet, serait-il concevable que la résistance ou la désobéissance puissent remettre en cause les fondements de la démocratie dans la mesure où celle-ci existe ?
Certainement pas pour les Allemands qui, le 23 mai 1949, adoptèrent une Loi fondamentale (article 20) qui intègre dans leur droit : « Le droit de résister à quiconque entreprendrait de renverser l’ordre constitutionnel, s’il n’y a pas d’autres remèdes ». La résistance est ici érigée en gardienne de la démocratie. La Loi reconnaît que des actes de résistance peuvent être conformes à un ordre juridique supra-législatif opposé à un ordre juridique injuste.
Dans un système démocratique, il appartient pourtant au Juge d’écarter la loi que viole un principe fondamentale consacré par le droit positif, et rien ne justifie que l’individu réinterprète la constitutionnalité de la loi, déclare cette dernière oppressive et désobéisse à cette loi.
Accepter un droit de résistance, ce serait alors accepter que la force d’une loi dépende de l’interprétation qu’en fait chaque individu.
Le recours à la résistance se conçoit par conséquent plus facilement dans des régimes non démocratiques, face à des juges appliquant des lois oppressives. Cependant, un droit de résistance n’apparait pas envisageable dans de tels régimes où il devient dérisoire de menacer un Etat devenu oppressif d’une sanction insurrectionnelle juridiquement autorisée ; la nature oppressive de l’Etat s’opposant directement à la reconnaissance positive du droit de résistance.
Martin Luther King ou Nelson Mandela se sont d’ailleurs battus pour la défense d’une certaine démocratie, et les valeurs qu’elle sous-tend. Leurs actions, que l’on qualifie plutôt de désobéissance, car non violentes, caractérisent toutefois une véritable résistance à l’oppression.
L’effectivité du droit de résistance se trouve peut-être alors au sein des effets symboliques que la proclamation d’un tel droit peut avoir sur les consciences et les actions des individus. Du point de vue de l’individu, se référer à un droit de résistance supérieur, c’est accepter pour soi et pour les autres une liberté d’action et de penser.
Les nouvelles formes de résistance à l’oppression s’inscrivent dans une évolution sociétale, humaniste et irréversible à l’échelle de la planète, avec le rejet d’une société assurant la domination de l’homme par l’homme.
Cette étape de libération a conduit l’homme à imaginer aujourd’hui d’autres formes d’oppressions, notamment une certaine forme de domination économique, contre laquelle se sont créées des forces de résistances.
A une vision économique mondiale, dominante et écrasante, doit répondre une vision économique plus humaniste, multiple et respectueuse des différences. Sont ainsi apparus des mouvements de résistances tels que la lutte pour les droits humains (IVG par exemple), la paix, les droits syndicaux, l’alter mondialisme. Bien sûr les formes de luttes de cette résistance à l’oppression sont aujourd’hui diverses et complémentaires : grèves, boycotts, lobbyings, votes, etc.
Il existe pourtant une forme de résistance à l’oppression connue depuis longtemps : le rire. « Castigat ridendo mores », « Châtie les mœurs par le rire », dit un proverbe ancien de la Rome antique.
Freud lui-même a considéré l’humour comme un mouvement de résistance à l’oppression. L’humour est le mode de réaction accessible à chacun pour marquer sa propre liberté. « Lorsque l’humour disparaitra, la barbarie se généralisera » dit Freud. Le propre des régimes autoritaires et totalitaires est de manquer d’humour : Staline ne riait pas, Pinochet non plus.
Rire pour ne pas périr. Pierre Dac, dans sa première allocution à la BBC, le 30 octobre 1943, a parfaitement illustré cette forme de résistance par l’humour :
« D’aucuns – dans le camp collaborationniste, s’entend – ne vont pas manquer de s’écrier : « Un loufoque à la radio de Londres, cette fois, c’est complet ! » Et de ricaner, et de faire de fines plaisanteries en se mettant de grands coups d’eau de Vichy derrière la croix gammée, histoire de souligner le grotesque de l’événement.
De la loufoquerie, certes, j’en ai fait et je ne cherche en aucune manière à m’en défendre, mais je l’ai faite en un temps où l’on avait encore le droit de rire en France ».
L’humour produit comme une sorte d’exorcisme collectif qui soude la population contre la tyrannie. « Echange une peinture de Van Dyck contre une grand-mère aryenne », proposait ainsi les juifs d’Allemagne après 1933.
Les États-Unis se sont également servis de l’humour pour faire prendre conscience de ce qui se passait en Allemagne. Les films américains étaient destinés à mobiliser le public contre le IIIème Reich : Charlie Chaplin était l’homme prédestiné pour opposer une réponse cinématographique à l’imagerie ampoulée des nazis, avec son film Le Dictateur.
Historiquement, l’humour a toujours créé des espaces de liberté. Toutefois, un rire tiède, de pur divertissement, et une dérision généralisée remplacent petit à petit le rire de résistance.
Est-ce si grave ? Assurément, car « le rire de résistance est le dernier rempart contre l’abus de pouvoir » déclarait Philippe Val, patron de Charlie Hebdo.
C'est là toute l'ambiguïté du rire : il bascule vite de la dérision au dérisoire. Et désamorce au lieu de résister. « L'humour permet d'attaquer publiquement des cibles haut placées, mais, en rendant l'expression de l'agression socialement acceptable, il la prive d'une partie de sa force », écrit l'historienne Amandine Regamey dans son livre sur la Russie soviétique (Prolétaires de tous pays, excusez-moi !, 2007).
Certains pensent que les histoires drôles politiques étaient inventées par le KGB lui-même, afin de laisser s'exprimer les frustrations et d'éviter des attaques plus sérieuses contre le pouvoir.
Ce vieux soupçon existait déjà sous les rois de France, avec leurs fameux fous qui ritualisaient la contestation. La liberté de ton laissée au bouffon est l'ultime ruse du pouvoir pour garantir sa pérennité.
Cette logique de récupération a traversé les siècles. Au début des Guignols de l’Info, certains hommes politiques caricaturés ont commencé par protester. Puis, rapidement, ils l'ont vécu comme un signe de reconnaissance, presque une consécration. Ceux qui n'avaient pas de marionnette ont alors commencé à se plaindre en envoyant des lettres à la production. Quelques années plus tard, on les accusera même d'avoir favorisé l'élection de Jacques Chirac en 1995 en le rendant sympathique...
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Le rire ne serait-il pas aujourd’hui le seul parti d’opposition en France ?
Car la résistance aux nouvelles formes d’oppressions ne nécessite plus désormais le renversement du pouvoir politique, mais réside plutôt dans la volonté de remettre en cause un système, devenu moins démocratique. C’est toute la différence entre le révolté et le révolutionnaire. La volonté du révolutionnaire a un contenu émancipateur. La résistance à l’oppression se trouve, elle, dans cet objectif émancipateur.
A l’image de la FM qui nous émancipe pour devenir des hommes libres.
J’ai dit.
P.G.