LE MYSTÉRIEUX PLOTIN PART- III-
Émanation, Procession, Extase.
« Chaque âme est et devient ce qu’elle contemple. »
(Ennéades IV, 3, 8)
L’on peut se demander si Plotin n’est pas le mystique d’une religion platonicienne, cela vient sans doute de l’influence qu’il a eu sur les théologies chrétienne et musulmane, qui viendront puiser dans sa théorie pourtant rationnelle de l’être et son rapport avec l’Un.
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Après avoir énoncé les trois catégories de l’Un, l’on découvre la hiérarchie du monde, le régime entier de l’Être, du pur en deçà jusqu’à l’absolu de l’au-delà. Ces trois niveaux d’unité sont les trois hypostases de Plotin (du grec hypostasis, ce qui est en-dessous, réalité aussi selon Aristote ce qui conforte la rationalité de la pensée de Plotin)
- L’Un absolu ineffable.
- L’Intellect qui émane de l’Un.
- L’Âme du monde et l’Âme humaine dont la « vocation » est de descendre dans les corps.
« L’on peut comparer l’Un à la Lumière, l’être qui suit l’Un, l’Intellect au Soleil et le troisième l’Âme à l’astre de la Lune qui reçoit sa lumière du Soleil. » Plotin- Ennéades Traité 24-V, 6.
Que voyez-vous dans votre Loge ? La Lune, le Soleil et le Delta Lumineux au-dessus du Maître de la Loge.
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La structure ternaire de Plotin, passe du deux, à l’un revient à l’unité grâce à la Force, la puissance de l’Un fait penser à la Franc-maçonnerie, la Force étant le Masson Word le premier mot de Maçon. Je cite encore Plotin :
« Il faut que l’Âme se détachant des objets extérieurs rentre en elle-même et examine sa propre nature, par là elle voit qu’ayant une étroite affinité avec les choses divines, elle peut, et elle doit chercher à les connaître. »
Selon Plotin l’Âme doit s’affranchir de ses liens avec le corps. Elle peut alors réfléchir à l’Âme universelle, la grande Âme qui communique, la forme, le mouvement, la vie de toutes choses. Cette Âme est Une et indivisible.
« L’Âme elle-même…procède d’un principe supérieur dont elle tient sa puissance intellectuelle, ce principe est l’intelligence divine, parfaite, immuable, éternelle qui renferme toutes les idées, et est ainsi l’archétype du monde sensible : car la nature de l’intelligence est de penser, et en pensant elle-même, elle pense toutes les essences intelligibles parce qu’elles ne font avec elle qu’une seule et même chose. »
Plotin voit dans l’intelligence que le sujet pensant et l’objet pensé sont identiques. Mais il reste là encore une dualité. L’Âme doit donc remonter de cause en cause et ne s’arrêtera que quand elle rencontrera un principe simple. Elle atteindra ce principe en regardant son être intérieur. Elle s’élèvera ainsi de l’intelligence à l’Un absolu. On peut oser une comparaison avec l’intelligence du cœur dont parlent souvent entre eux les Francs-maçons, qui dépasse l’intellect et est une émanation des Âmes pures, des belles Âmes.
Plotin atteint l’Un absolu principe suprême, père de l’intelligence. Cette intelligence devient puissante grâce à la Force de l’Un. Il en conclut :
« Il y a donc trois hypostases divines qui sont dans leur ordre de perfection l’Un, l’Intelligence, l’Âme ; de toute éternité l’Un engendre l’Intelligence et l’Intelligence engendre l’Âme parce que aucune puissante parfaite ne saurait rester stérile. »
De plus, selon Plotin les trois principes n’existent pas seulement dans l’univers mais ils constituent en nous l’homme intérieur. Nous jouissons en quelque sorte de ce système, nous jouissons de la présence de l’Un en nous d’où nait notre intelligence et les qualités de notre Âme. Aussi, il nous faut pour en jouir nous renfermer aux influences extérieures, nous concentrer sur notre homme intérieur, je dirais notre Maitre intérieur qui est notre Maitre Secret que nous pouvons faire vivre en tournant notre regard vers le haut, en nous élevant spirituellement ; en passant de l’horizontale à la verticale mouvement ascendant, maitrise du Maître Maçon qui a trois et plus. Capable aussi de faire exploser son être intérieur à l’extérieur de la Loge sinon à quoi lui servirait la construction de son être intérieur pour affronter le monde et donner dans un élan d’amour la lumière qu’il a reçue.
Je vois dans cette pensée de Plotin un dynamisme incessant une volonté de perfectionnement sans fin. On constate que l’Un engendre l’intellect, qui engendre à son tour l’Âme, qui engendre le cosmos, c’est une animation constante du monde en partant d’un point culminant où l’Un ruisselle, dans l’Intellect comblé qui ruisselle à son tour dans l’Âme qui débordant d’amour dans le monde génère son harmonie. L’amour de l’Un Bien in fine, se transforme en amour du monde en amour de l’autre. Cette construction intérieure apporte la joie dans tous les cœurs.
Plotin voyait en nous une immensité d’auto créateurs de bien, sa pensée est éternelle « procession ». Initiation, mouvement scalaire ascendant diraient les Francs-maçons, le mot procession étant employé par les philosophes.
Lucien Jerphagnon écrit à ce propos : « …cette éternelle procession, correspond inversement à un universel retour. Le cosmos en entier est travaillé de l’intérieur par un irrépressible désir d’unité, par un besoin incoercible de coïncider avec sa source et de proche en proche avec l’Un au-delà de tout. »
Ce constat interroge sur notre propension en Loge symbolique à tourner notre regard vers le centre de la Loge, vers le fil à plomb. Notre regard fait mouvement entre la terre et la voûte étoilée et inversement, c’est notre désir de faire coïncider ce qui est en bas avec ce qui est en haut.
Plotin l’Alexandrin initié aux mystères isiaques a forcément contemplé les pyramides. Cette procession plotinienne se concrétise aussi dans la symbolique des échelles mystérieuses de Jacob et Jean Climaque, dans les escaliers tournants des tableaux de Loge ou les ascensions spiralées, autant de processus d’ascensions spirituelles.
Jerphagnon poursuit : « Les êtres matériels aspirent à faire coïncider l’âme du monde pour s’unifier d’avantage l’âme du monde désire ne plus faire qu’un avec l’intellect dont elle se voit procéder, et l’intellect lui-même n’est qu’amour de l’Un absolu qui le pose et à partir duquel il se pose. Tels sont donc les deux mouvements dont palpite le monde : émanation et conversion, éternel aller et retour. »
Je rajouterais vu sous le prisme de la pratique maçonnique ainsi palpite le cœur des Sœurs et des Frères dans leur recherche d’Unité et d’Harmonie en eux et dans le monde, ils expriment leur volonté de recherche de l’Un Bien.
L’on comprend dès lors la fascination, je dirais naturelle de certaines Sœurs et de certains Frères pour la pensée plotinienne, leur conscience de la réalité de l’Un au-delà de l’intellect. On ne dira jamais assez l’émotion en Loge, mise à nue par les plus grands intellectuels lors de leurs travaux en Loge, on entend et voit les balbutiements d’apprentis maçons, qui sont des professeurs d’université, des chefs d’entreprises, des politiques, des grands médecins, des intellectuels en général qui déclarent : ne savoir ni lire ni écrire qu’a peine épeler en toute sincérité, sans rire !
Plotin lui-même paraît-il était un piètre orateur il balbutiait coïncidence !
Bien sûr l’homme n’est pas qu’une âme, il est aussi un corps, que cette âme anime, un corps sensible dans lequel cette âme se répand et est assaillie sans cesse au risque de disparaître, de se dégrader. Elle doit se mettre de temps à autre « à couvert » pour se recueillir en silence, se purifier des attaques extérieures, elle doit fermer les fenêtres pour se protéger des lumières extérieures artificielles. On remarque que les fenêtres de la Loge sont occultées, que les Sœurs et les Frères travaillent à couvert. Que les tenues, sont les leviers de leurs resourcements périodiques, la sève spirituelle qui se déverse dans leurs cœurs.
L’homme intérieur se délivre peu à peu des scories, des lourdeurs de la chair. L’âme purifiée, se rapproche de l’âme du monde dont elle participe. Cet effort cet élan vers l’âme du monde influence notre l’intellect. Elle est dans l’abstraction qui est la porte de la pure connaissance. Elle est, je dirais débarrassée vidée, des encombrants de ses certitudes, de ses préjugés. Dans un état de vacuité nécessaire pour recevoir le vrai le réel et contempler la beauté de l’Un. Cette Beauté qui est la colonnette ultime de la Loge, l’âme est ciselée en Force, Sagesse et Beauté.
Selon Plotin on ne peut pas parvenir à cet état, à cette capacité de contempler la Beauté de l’Un Bien, sans effort, sans la Force (qui je le rappelle encore est le premier mot de maçon). Est-ce l’ultime étape, l’ultime ascension où il y a fusion entre l’âme et l’intellect, cet au-delà de tout, cette joie de l’émanation, qui atteint l’Unité pure, la simplification ultime. L’âme ne peut cependant s’installer dans cet état en permanence, elle peut au mieux y faire de courts séjours. Ce sont les moments extatiques. Peut-on parler d’éclairs de lumière, de moments d’extases où le Maître est plus radieux que jamais, moments où le Maître Secret, le Maître intérieur se glorifie, où le Chevalier de l’esprit déclare j’ai ce bonheur ?
Cet état est-il celui où l’homme atteint les hautes sphères de la spiritualité, le moment où les Sœurs et les Frères ouvrent sans pudeur leur cœur, le moment ou vibre la chaîne d’union fraternelle quand elle accueille en son sein les Sœurs et les Frères passés à l’Orient éternel.
Porphyre relate que Plotin connu seulement cinq fois en cinq ans ce moment d’extase, et que lui n’en fût atteint qu’une seule fois.
Émanations, processions, extases ces mystères nous ont été rapportées dans les Ennéades par Porphyre. Les Ennéades peuvent t’elles constituer un corpus pédagogique pour le travail maçonnique, complétant les dialogues de Socrate et Platon, les éthiques à Eudème et Nicomaque d’Aristote, les lettres à Lucilius de Sénèque, ou la citadelle intérieure construite par Marc Aurèle… ? On t’elles inspirées les rédacteurs des premiers rituels maçonniques ?
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« La beauté ne nous émeut que quand elle est devenue intérieure à nous, en passant par les yeux ; or, à travers nos yeux, seul passe la forme. » (Ennéades V,8,2, 25-26).
Valence Espagne le 6 février 2022.
Jean-François Guerry.
À SUIVRE…
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