LE RISQUE DE COUPURES
Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler des éventuelles coupures de courant électrique, ni faire de la polémique sur l’entretien des centrales nucléaires. J’en suis bien incapable, je ne sais sans doute pas comme vous où est la vérité sur ce sujet. Je vais vous parler des Lumières, du siècle des Lumières, de l’esprit des lumières. De cette obligation de « Pluraliser » les Lumières condition de leur survie et de leur universalisation. Un article du journal Le Monde du samedi 10 décembre rédigé par Antoine Lilti et qui fait écho à son livre L’héritage des Lumières édité en septembre 2019 dans la Collection Hautes Études, de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales des Éditions Gallimard et du Seuil. Un essai qui à mon sens, non pas en cause la valeur des Lumières, mais en question leur caractère occidental, voir franco français suivant la formule : « France pays des Lumières » ce qui peut être un paradoxe si l’on veut consacrer leur caractère universel, bien que l’universel n’aboli pas l’individuel. Pourtant on constate qu’aujourd’hui l’on parle plutôt d’esprit des Lumières, plutôt que des Lumières, comme une tendance à l’oubli ou à la dégradation. Ou est-ce un effet de prudence pour ne pas choquer, cliver une société et un monde qui l’est déjà suffisamment.
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Antoine Lilti, historien spécialiste de l’histoire sociale et culturelle des Lumières est titulaire de la chaire Histoire des Lumières du XVIIIème au XXIème siècle au Collège de France, a donné, sa leçon inaugurale au Collège de France sous le titre « Actualités des Lumières » elle paraîtra en juin 2023.
Notre époque qui cède au Wokisme, à La Cancel Culture, qui remet en cause les traditions, l’histoire, les religions, il faut que tout change sans limites et parfois sans raisons. Les Lumières mêmes n’échappent pas à ce courant destructeur de déconstruction. Les enfants de la veuve, les enfants des Lumières, bientôt hésiterons à revendiquer leur filiation.
Antoine Lilti nous propose une réflexion sur ces Lumières, voir une remise en cause de nos idées sur celles-ci, une démarche qui s’inscrit dans l’esprit des Lumières et non dans un Wokisme ambiant bien entendu.
En 1784 c’est la fin de l’apogée des Lumières allemandes. Emmanuel Kant le philosophe de Königsberg, emblématique des Lumières et ami des Francs-maçons, comment pourrait-il en être autrement quand pour lui, comme pour les sœurs et les frères il est question de la construction de la société des hommes, une société qui surpasse celle des nations, une société universelle. La Franc-maçonnerie, enseigne une méthode scalaire de l’élévation de la conscience, de la liberté de conscience et de la liberté d’expression. Kant dans la Revue mensuelle berlinoise dirigée par son ami Biester en 1783 tente de répondre à la question : Qu’est-ce que les Lumières ? Kant ne pouvait ignorer les articles de Mendelssohn et Lessing, ils lui servirent de base pour élever au plus haut la perfection de sa réponse. Faisant d’abord le constat que l’homme dispose d’une raison qui lui permet par lui-même de découvrir des vérités, de s’affranchir des dogmes. Mais, il considère aussi que cette raison a besoin d’être éduquée, sublimée, éclairée pour se révéler au mieux. La Franc-maçonnerie ne fait pas autre chose, actant l’autonomie de l’homme et sa perfectibilité infinie qui lui permet de découvrir et de développer les Lumières de sa raison, les Lumières qui sont en lui. (À ne pas confondre avec la Grande Lumière.)
Ainsi quand Kant répond précisément à la question de Biester : Qu’est-ce que les Lumières ? C’est la sortie de l’homme hors de la minorité où il se maintient par sa propre faute. » On y voit le renoncement de l’homme à sa paresse intellectuelle, ses préjugés, les dogmes qui lui sont imposés, pour réaliser ce renoncement encore faut-il qu’il s’impose la volonté de travailler à se perfectionner. Les Lumières lui permettront alors de se libérer de toutes les tutelles, dans une démarche d’accomplissement de l’être, et je dirais pour ma part avec l’aide du Grand Architecte de l’Univers, principe unique. Cette démarche est parfaitement en rapport avec la démarche maçonnique. Acquérir la liberté de penser par soi-même, c’est la devise des Lumières. Faire le choix de la justice et non de la violence, de la tolérance et non du fanatisme. Les Lumières, c’est donc la liberté de conscience, la liberté d’expression. C’est le progrès de l’homme et de l’humanité, le courage de s’exonérer de toutes les tutelles, le refus de l’arbitraire.
Dès le début de son introduction dans son livre L’héritage des Lumières Antoine Lilti, évoque l’attentat du journal Charlie Hebdo en Janvier 2015 et le slogan : « Je suis Charlie »associé à la citation attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je ma battrais pour que vous puissiez le dire. » Les Lumières brillaient dans ce moment douloureux d’un éclat infini, quasi universel, comme un élan de fraternité humaine. Ces Lumières ranimées semblaient devoir briller à jamais et éclairer le destin des hommes, leurs sociétés, les démocraties. L’intégrisme religieux condamné aux oubliettes de l’histoire ancienne. Notre président Emmanuel Macron dans son discours du 7 juin 2017 déclarait, comme le rappelle Antoine Lilti : « L’Europe et le monde attendent que nous défendions l’esprit des Lumières. » emphase du discours, louables intentions, mais associer exclusivement l’esprit des Lumières en creux à l’Europe était-ce judicieux ? Parler d’esprit des Lumières et non des Lumières dans leur globalité, n’était-ce pas en réduire la portée ? Je manque sans doute de tolérance. Antoine Lilti plaide pour une pluralisation des Lumières, comme la garantie de leur universalisation, les lumières sont inhérentes à l’homme à tous les hommes pas seulement aux occidentaux. L’actualité des dernières années semble lui donner raison. Nous, nous devons de réfléchir avec lui sur ses Lumières et leur histoire, pour vivre mieux notre présent, et éclairer notre avenir.
Réfléchir et penser librement mais comment ? Kant nous donne une boussole : « Il faut orienter notre pensée qui n’a ni objet, ni forme déterminée, ni règle prescrite. Elle produit son effet en même temps qu’elle invente la manière de penser… comment, il lui faut des indications, des indices, des signes pour s’orienter dans cet espace vide et indistinct. » Ces indices peuvent provenir de son éducation, comme de notre intuition de notre conscience du bon, du vrai, du beau. Kant poursuit : « Comment s’orienter, qu’est-ce que s’orienter d’une manière générale, c’est déterminer son Orient. » Je dirais faire des choix, le bien de la justice et de l’amour plutôt que la haine et la vengeance. Comment, mais comment enfin précisément ! Kant répond : « Nul ne cherche son Orient, s’il peut ou doit suivre un chemin déjà dégagé ou balisé. Seul celui qui s’est égaré ou se trouve dans l’obscurité cherche un point donné de l’espace par rapport auquel se situer. » Maître Eckhart et Angelus Silesius disent à peu près la même chose, c’est les ténèbres que l’on trouve la Lumière, c’est par le labyrinthe que l’on parvient au centre. Le profane ne lui aussi dit : j’étais dans les ténèbres, j’ai cherché, j’ai demandé, j’ai frappé, j’ai demandé la Lumière.
Jean-François Guerry.
Les Lumières d’Antoine Lilti dans la presse :
Louées parce qu’elles seraient le fondement de l’esprit critique et de la démocratie, critiquées parce qu’elles seraient à l’origine de tous nos maux environnementaux, du rabaissement des femmes, de la minorisation des peuples « lointains », les Lumières restent le cœur battant de beaucoup de nos débats. L’historien Antoine Lilti, qui se promène depuis longtemps sur ce continent historique, va s’occuper de la chaire « Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle » au Collège de France.
Le Nouvel OBS.
L’actualité des Lumières ne se dément pas. Elles sont prônées comme la source vive des valeurs modernes de liberté, de tolérance et d’égalité, ou, à l’inverse, dénoncées comme l’idéologie de l’impérialisme occidental et l’origine d’un culte irréfléchi du progrès technologique. Comment comprendre qu’un mouvement intellectuel, si profondément inscrit dans les transformations sociales, culturelles et politiques du XVIIIe siècle, puisse susciter aujourd’hui encore tant de débats ? Comment échapper aux caricatures pour penser, sans fétichisme ni anachronisme, l’actualité des Lumières ?
Les études historiques ont profondément renouvelé notre compréhension de ce que nous appelons les Lumières. Celles-ci ne sont plus perçues comme une doctrine homogène ou comme le programme théorique d’une modernité triomphante, mais comme un ensemble de débats, comme une réflexion polyphonique et critique portant sur les ambivalences des sociétés modernes. Nous évoquerons en particulier la question de l’autorité savante dans l’espace public, qui fut un des enjeux principaux de la réflexion des philosophes du XVIIIe siècle, confrontés aux nouveaux mécanismes de production de l’opinion.
Penser historiquement les Lumières implique de restituer leur pluralité. Leur héritage n’est pas un trésor européen, encore moins national. Les Lumières, dont les sources mêmes sont multiples, ont été appropriées et réinterprétées dans différents espaces culturels. Une histoire comparée des Lumières doit permettre de repenser la question de leur universalité.
Commentaire leçon inaugurale Collège de France.
Antoine Lilti, historien, titulaire de la chaire Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle, au collège de France, est l'invité du Grand entretien.
Quelques heures avant sa leçon inaugurale au Collège de France, l'historien Antoine Lilti revient sur la définition des Lumières. "C'est à la fois une période historique, le XVIIIe siècle, considérée comme révolue, et un courant philosophique, un ensemble de valeurs et d'idées : la liberté, la raison, l'émancipation, le savoir", explique-t-il. S'y intéresser permet de mieux penser les défis actuels. "On voit que la plupart des défis auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés nous renvoient à l'état du débat sur ces questions, que ce soit la liberté d'expression, la crise écologique. Le problème, c'est que nous manquons de profondeur historique".
Avec ses cours, et à travers une réflexion historique sur le XVIIIe siècle, Antoine Lilti veut donc donner "une compréhension de la façon dont cet héritage a été travaillé, redéfini, contesté, jusqu'à aujourd'hui". Au cours de l'entretien, il évoque par exemple la figure du charlatan, qui hante les Lumières, comme figure du faux médecin et "comme celui qui utilise la liberté pour tromper le public au lieu de l'éclairer".
Entretiens Radio France.
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