RECENSION : CAHIER DE L’ALLIANCE N°15 – La Franc-maçonnerie de Tradition – Une fraternité pour notre temps – Part II-

RECENSION : CAHIER DE L’ALLIANCE N°15 – La Franc-maçonnerie de Tradition – Une fraternité pour notre temps – Part II-

Le principal article de ce quinzième cahier nommé spécial est rédigé par un contributeur, historien reconnu de la Franc-maçonnerie Roger Dachez également Grand Maître des Loges Nationales Françaises Unies.

Il s’interroge dans son article sur L’avenir de la Franc-maçonnerie en France. Il reconnaît humblement dès le début de ses propos, la difficulté d’être devin, de prédire l’avenir de la Franc-maçonnerie française et qui plus est celle du monde en général dans leurs diversités.

La naissance de la Franc-maçonnerie du moins dans sa forme spéculative telle qu’elle est encore pratiquée de nos jours, a eu lieu outre-manche soit en Angleterre soit en Écosse (à titre personnel je pencherais plutôt pour l’Écosse) suivant les historiens. En tout cas aujourd’hui, cette grande dame tricentenaire est polymorphe. Roger Dachez avec justesse identifie trois grandes caractéristiques de celle-ci. D’abord une sociabilité fraternelle, ensuite un engagement intellectuel, enfin un cheminement spirituel.

À propos de la sociabilité fraternelle, Roger Dachez évoque un lien philadelphique, c’est-à-dire un amour fraternel ou sororel visant un objectif de paix et d’harmonie donc d’unité. Un lien certes essentiel, qui pour ma part ne réduit pas exclusivement son origine toujours dans sa forme spéculative à une source opérative. Il précise d’ailleurs, qu’elle dégagée, autonomisée de cette source opérative. Les compagnons de métier le revendique eux-mêmes avec vigueur, il suffit de les interroger pour s’en convaincre. Les sources et les racines profondes sont à rechercher d’abord dans l’Égypte ancienne, puis dans l’antiquité grecque et romaine, et sans aucun doute dans le judaïsme et le christianisme, puis de la Renaissance, qui déboucha sur les Lumières, la lecture attentive des rituels en témoigne. Quand on parle d’une source opérative, on se réfère aux analogies entre les catéchismes des guildes des bâtisseurs et les premiers statuts maçonniques. Personnellement, j’aurais préféré le terme de corporations pour la Franc-maçonnerie opérative et non de confréries, mais cela reste un avis personnel donc totalement subjectif. Ce qui n’enlève, ni ne diminue rien à la caractéristique d’une sociabilité fraternelle par ailleurs réelle. Roger Dachez, nous indique que cette sociabilité s’est transformée outre-manche peu à peu en bienfaisance à la limite d’un Charity-business, un mécénat parfois opaque, qui évoque chez les profanes des critiques, ils assimilent souvent à tort ces actions comme du réseautage au mieux et du complotage au pire ; le bien est malheureusement souvent mal considéré. J’ajouterais que les amicales des anciens élèves de l’ENA ou de HEC ou autres grandes écoles, ne « bénéficient pas » du même soupçon de la part des profanes.

Mais ce qui semble avoir sonné le glas de cette sociabilité fraternelle, c’est plutôt le développement des ONG et des Associations humanitaires et caritatives, beaucoup plus efficientes. L’on rencontre d’ailleurs, et c’est bien, dans ces associations un certain nombre de Francs-maçons par exemple dans les Resto du Cœur, ou le Secours Populaire ou Catholique, même les mutuelles et certaines banques incarnent beaucoup mieux aujourd’hui cette sociabilité, ce qui provoque parfois de l’amertume chez certains Francs-maçons qui regrettent le caractère trop théorique des travaux maçonniques. C’est à mon sens se tromper d’objectif, les portes de ses associations ne sont pas fermées aux Francs-maçons qui peuvent y apporter les valeurs et les vertus acquises dans leurs loges.

Roger Dachez déplore en creux la désaffection dans la société de la Franc-maçonnerie qui voit ses « effectifs » au mieux stagner, au pire diminuer. Je pense que c’est un phénomène général de notre société mondialisée, qui a poussé les individualités à se désengager des grands groupes de pensées, partis politiques ou autres au profit soit de l’individualisme, soit de micro-associations plus proches, plus efficaces, plus lisibles dans leurs actions. L’universel n’est plus aussi idéalisé, il n’est plus un espoir, mais une espérance inatteignable ou naïve pour certains puisque mis à mal par des injustices criantes et médiatisées à outrance. La réussite de sa vie se mesure par le port d’une Rolex au poignet, ou l’espoir de devenir milliardaire ! Après la faillite des religions, c’est celle des idéologies politiques. Roger Dachez ne succombe pas pour autant à un pessimisme ambiant. Il voit dans l’adhésion à la Franc-maçonnerie toujours une appartenance libre, mais signifiante, ouvrant à l’universel sans annuler l’individu, autour d’une esthétique symbolique. » À nous de faire passer ce message, comment c’est là le problème, les trompettes de la renommée sont parfois mal embouchées.

Il aborde ensuite l’engagement intellectuel. Si le rôle de la Franc-maçonnerie « n’est plus de se faire des nouveaux amis » parce que ce n’est pas un réseau social comme Facebook ou alors les résultats du réseau sont médiocres ! Est-ce un projet de perfectionnement philosophique et intellectuel. Personnellement j’en doute ou alors le projet est obsolète, qui peut croire aujourd’hui que la Franc-maçonnerie à une influence directe sur la société ? Cette influence ne se concrétise que par l’exemplarité de ses membres, d’ailleurs en a-t-il pas toujours été ainsi ? Roger Dachez, précise que la Franc-maçonnerie n’est plus une société savante au sens strict du terme. Il constate que peu d’intellectuels la rejoigne ou s’enorgueillissent d’en être. Pourquoi ? Parce qu’elle se caractérise trop souvent par la médiocrité intellectuelle de ses travaux. À sa décharge, c’est une caractéristique qui ne lui ai pas exclusive, il suffit d’observer l’état de déliquescence de notre enseignement en général.

Et puis je rajouterais comment pourrions-nous dans nos travaux de loge embrasser des sujets lors de nos interventions qui ne doivent pas excéder plus de dix minutes, même si, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et de manière concise ! L’on craint trop souvent l’endormissement des auditeurs, le prolongement des tenues, ou la réduction des agapes. Tout doit aller vite à l’image de la société, même l’état prétend pouvoir se réformer ou répondre à des questions complexes et majeures pour l’avenir dans des séquences de 100 jours !

Roger Dachez écrit que la Franc-maçonnerie n’est pas un vagabondage intellectuel et de plus l’herméneutique peut et doit être autre chose qu’un délire d’interprétation. Chercher l’idée sous le symbole, ce n’est pas faire du syncrétisme en permanence. Même si le savoir n’est pas la Connaissance, il est le chemin de celle-ci induisant une persévérance dans le travail. Roger Dachez insiste : « La réflexion sur les sources culturelles (De la Franc-maçonnerie) et ses fondements intellectuels sont autant de sujets qui peuvent éclairer puissamment la démarche maçonnique, en lieu et place d’une exégèse symbolique souvent débridée. » J’ai remarqué personnellement que les loges qui travaillent beaucoup, et où les instructions des jeunes et des moins jeunes maçons sont faites régulièrement vivent mieux, l’assiduité est meilleure et les visiteurs nombreux qui témoignent souvent leur satisfaction d’avoir reçu leur salaire. À l’inverse celles où l’on congratule trop le travail des frères qui ne font après tout que leur devoir, ainsi que celles qui sont plus préoccupées par des travaux sociétaux toujours à la limite de la politique n’ont pas le même ‘résultat’, en effet les loges ne sont pas des lieux d’expressions de la politique il y a des partis pour cela. Elles doivent rester des athanors où l’homme s’accomplit, se transforme à la recherche de sa plénitude et de son unité. Un lieu de conversion du regard, par des exercices spirituels de formation et non d’information, puis des exercices d’application dans sa vie personnelle et dans la société.

Le chapitre suivant de l’article de Roger Dachez traite du cheminement spirituel. En préambule l’auteur rappelle la confusion qu’il ne faut pas faire entre la pure spiritualité et la spiritualité religieuse. La majorité des Francs-maçons reconnaissent leur foi en un être suprême, un principe créateur, il affirme que la Franc-maçonnerie est donc majoritairement déiste, elle laisse à chacun le libre choix de nommer ce principe créateur. Je rajouterais pour ma part que la spiritualité n’est ni religieuse, ni laïque elle est une, et bien sûr elle concerne toutes les femmes et les hommes, elle est sans dogmes, elle est universelle. Roger Dachez constate l’hostilité persistante bien qu’atténuée de la religion catholique vis-à-vis de la Franc-maçonnerie, à l’inverse des mouvements religieux protestants plus ouverts et tolérants depuis la création de la Franc-maçonnerie, jusqu’à aujourd’hui. Il note aussi que la vraie tolérance n’est pas nécessairement liée à un agnosticisme obligatoire.

Je conclu temporairement aujourd’hui, je reviendrais sur cet article très dense avec ses derniers chapitres qui traitent du :

• Destin de la Franc-maçonnerie dans le monde.
• De l’évolution du modèle français ?
• De la maçonnerie multipolaire.

Et pose la question cette question en conclusion :

• L’initiation maçonnique a-t-elle un avenir ?

Jean-François Guerry.

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