SCULPTER, FAÇONNER LA MATIÈRE

SCULPTER, FAÇONNER LA MATIÈRE

« Ne cesse pas de sculpter ta propre statue jusqu’à ce que l’éclat divin de la vertu se manifeste. »

                                                     Plotin – Ennéades I-6,9.

Se sculpter, c’est devenir et être au-delà de soi-même. Le poète Pindare nous incitait à devenir nous-mêmes : « Deviens ce que tu es, quand tu auras appris… » Il fait naître en nous le désir de devenir, non pas un autre homme, mais le même et différent à la fois. Car je suis, ce que je suis le même et autre en devenir. La religion chrétienne nous montre que jésus s’est fait homme, lui qui était baigné de lumière, a été le plus prophète le plus humble de tous, il s’est rapproché des hommes. Il est passé du Nec plus ultra, du haut de l’échelle mystique il est venu dans le monde, porté son message, sa loi d’amour, pour tous les hommes.

La pensée de Pindare a été reprise par Nietzsche, puis aussi par le frère Goethe dans son Divan Occidental ; dans sa vision des collines éternelles.

La Franc-maçonnerie qui envisage de changer l’homme, de le métamorphoser, de le rendre meilleur, différent et indifférent aux sirènes des apparences. Elle lui propose de devenir lui-même, intimement soi. Mais comment y parvenir ? En sculptant encore toujours notre être intérieur, en ôtant chaque jour nos écorces pour atteindre notre noyau, le centre de nous-mêmes. En tournant notre regard vers l’unité, le principe d’unité.

Comment enfin ? En toute simplicité et humilité, en recherchant dans les sources, les racines vives qui nous été transmises par nos anciens sur le chemin de la Connaissance, ces sources intemporelles toujours présentes dans l’espace universel, qui nous incitent à aller au-delà vers la beauté absolue, celle décrite déjà par Diotime de Mantinée la prêtresse dans le Banque de Platon, qui voyait l’immortalité dans l’amour, elle disait : « Il faut commencer par reconnaître la beauté visible et sensible qui se trouve dans les corps (Un travail d’apprenti et de Compagnon), puis la dépasser pour découvrir la beauté de l’âme vertueuse et finalement s’élever pour atteindre la Beauté transcendante qui est le principe de toutes les beautés. »

(L’illumination du Maître).

Le travail maçonnique est un travail de constructeur et de sculpteur, on se sculpte pour s’initier. Plotin en parle ainsi : « Reviens en toi-même et regarde. Si tu ne vois pas encore ta propre beauté, fais comme le sculpteur d’une statue qui doit devenir belle (…) Enlève tout ce qui est superflu, redresse ce qui est oblique (…) Ne cesse de sculpter ta propre statue, jusqu’à ce que brille pour toi la clarté divine de la vertu (…) Si tu es devenu cela, si tu vois cela, si tu as de toi-même un commerce pur, sans obstacle à l’unité intérieure, sans que rien d’autre soit mélangé intérieurement à toi-même (…) si tu es devenu tout entier lumière sans limite (…) si tu te vois devenu cela, alors regarde en tendant ton regard. Car seul un tel œil peut contempler l’immense beauté. » Plotin – Ennéades V, 8,2,25 et 26.

Ce travail en Force, Sagesse et Beauté est bien un travail de sculpteur. Un travail que le sculpteur, qui à chaque coup de maillet sur le ciseau s’efforce de débarrasser l’œuvre de ses impuretés et l’élever au-dessus, au-delà de lui-même.

Il y a, en Bretagne centrale, un lieu magique où des sculpteurs venus du monde entier font naître sous leurs maillets et leurs ciseaux des œuvres gigantesques de la pierre éternelle.

« Mon attirance pour la pierre est liée à l’éternité de ce matériau. Il est magique de se dire que ces rochers sculptés perdureront beaucoup plus longtemps que soi-même… Il me plaît de m’imaginer comme un petit chaman se battant contre une fractale. » Goulven Jaouen – Sculpteur La Vallée des Saints. A Carnoët 22.

De la pierre brute, à la pierre taillée puis polie, jusqu’aux Roses de dentelles qui laissent pénétrer la lumière dans les temples matériels, puis dans nos Temples intérieurs. « J’éprouve toujours le même bonheur à la création. Chaque étincelle de départ provoque une aventure, une histoire à vivre intensément. On se sent tout seul au début, on ne le reste pas longtemps. » Christophe Antoine – Sculpteur- La Vallée des Saints à Carnoët 22.

La sculpture est une union harmonieuse entre une spiritualité solaire qui explose sous nos yeux, une lumière vive éternelle et un amour humaniste charnel de la nature et des hommes. La pensée spirituelle et la matière se mélangent et s’unissent, la terre et le ciel se rapprochent et communient dans la pierre image du sacré et de l’humain.

                                            Jean-François Guerry.  

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