NOTRE HUBRIS
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’Hubris, le plus grand des maux selon les grecs est de plus en plus présent dans notre société matérialiste et individualiste, il règne sur notre quotidien dénature nos rapports sociaux. L’exemple affligeant de nos politiques, leurs outrances sont autant d’outrages à tous les citoyens.
Cette hubris, est en rapport avec les fameux oracles de la Pythie de Delphes : Connais-toi, toi-même… et surtout Rien de trop, qui devrait nous incliner à la mesure. C’est au sophiste Protagoras que l’on attribue la formule : l’homme est la mesure de toute chose, formule qui sera reprise par Platon dans le Théétète, et qui précède la devise des Lumières de Kant Sapere Aude ose penser par toi-même. L’homme est donc responsable de son hubris, de sa démesure.
Je laisse à votre réflexion, les analogies avec le but de l’initiation maçonnique l’amélioration de l’homme en vue de l’amélioration de la société, un but qui passe par le combat contre l’hubris, contre notre égoïsme, nos outrances, nos viles passions. La méthode maçonnique et ses travaux doivent nous permettre de réduire notre hubris, et de faire croître notre humilité. Dans certains lieux clos et couverts l’on s’efforce de pratiquer les vertus en silence sans ostentation avec fraternité, c’est par ses douces habitudes qui doivent être la normalité pour les Maçons que se combat le mieux l’hubris. Dans ces lieux, pas de compétition mais l’enrichissement personnel dans un cadre collectif et bienveillant asile de la tolérance. Dans ces lieux règne le silence qui est le début de la connaissance. Les estrades où l’homme se gonfle d’orgueil ne sont pas connues des vrais maçons, car ils sont au pied des murs pour aider leurs sœurs et les leurs frères. Le meilleur de l’homme se développe quand son regard se tourne vers les astres qui illuminent la voûte étoilée, et la beauté de la nature. C’est dans ces instants que l’homme prend conscience qu’il n’est qu’un point lumineux dans l’univers en comparaison de son immensité.
L’homme qui pratique la démesure, se soumet à son hubris défie la grandeur des dieux et de la nature, c’est le même homme qui se prend pour Jupiter ou Icare aveuglé par son orgueil, il se compare aux dieux et méprise les hommes ses frères. Les grecs savaient que l’hubris était inséparable de la déesse Némésis la déesse de la vengeance. Ce couple infernal ne génère que la haine et la souffrance. C’est pourquoi la Franc-maçonnerie demande à ses membres de défendre la justice et de pratiquer les vertus qui ennoblissent l’homme. Certains grades maçonniques sont dits de Vengeance, mais aussi d’élection, ils ont pour but de faire comprendre à l’homme que c’est en lui que naît la vengeance qu’il doit combattre afin de pouvoir faire régner la justice à sa place. L’univers s’est transformé quand la déesse Thémis qui symbolise la justice s’est assise à côté de Zeus, l’association de la Force et de la justice peut transformer le monde.
Mais, à notre niveau d’homme, les choses ne sont pas si simple toute notre brève vie sur terre doit être un combat contre nous mauvais penchants. Les grecs le savait aussi, il faut accomplir son destin la moïra, tenir sa place dans l’univers. Les rituels maçonniques le répète inlassablement prenez place mes frères, frères officiers remplissez vos offices !Depuis le jour où nous avons franchi la porte basse, choisi la voie étroite du Jambium du Y pythagoricien et non la facilité des chemins les plus larges qui incitent au sommeil de l’esprit. Depuis ce jour là nous combattons notre hubris conscient de la dualité qui est en nous et dans le monde. Cette dualité qui sans relâche nous poursuit en noir et blanc jusqu’au Nec Plus Ultra de l’initiation et jusqu’à la porte de l’Orient éternel. Mais notre victoire sur l’hubris est la conscience que nous en avons. Alors, seul ou collectivement notre destin prend forme nous rendons grâce au principe, à la nature et aux hommes de bonne volonté. Nous devenons plus capables au gré des fortunes et des infortunes de la vie de ne pas nous laisser emporter vers des extrémités destructrices, plus capables de rester dans la médiété qui est nécessaire à la reliance entre les hommes. L’hubris et l’histoire de l’homme et de l’humanité sont liées, ce n’est pas un alibi pour baisser le glaive et la force de l’Amour, le combat contre celle-ci est notre Force et notre devoir. Le Franc-maçon, qui a pris conscience de son hubris, a entrepris sa purification il accepte toutes les épreuves qui sont les portes les passages vers l’harmonie, c’est ainsi qu’il devient peu à peu lentement un homme libre et de bonnes mœurs. Il sait que l’harmonie ne peut pas régner sans le concours de ses Sœurs et de ses Frères, il doit échapper à la paranoïa de vouloir tout régler par lui-même, tout régenter par lui-même. L’homme le plus intelligent, le plus instruit, n’est qu’un brin d’herbe dans le vent de l’univers, s’il a la faiblesse de se croire au-dessus des autres il tombe dans le despotisme et l’intégrisme qui se pare des atours les plus beaux. Les remèdes à l’hubris sont la tolérance sans faiblesse, la tempérance dans les mots. Les manifestations de l’hubris dans notre société sont les mêmes que celles de l’antiquité elles ont pour nom l’arrogance, l’insolence, les outrages, mais aussi l’assistanat permanent qui fait perdre à l’homme sa dignité. Il n’y a pas que deux catégories d’hommes ceux qui reçoivent et ceux qui donnent, c’est dans l’échange et le respect d’autrui que se construit l’harmonie. Laissez notre hubris nous gouverner c’est faire offense à nos Frères les plus fragiles. Comment atteints par la démesure pourrions-nous, prendre de justes mesures avec mesure. Il faut toujours apercevoir l’exacte mesure [1] Il faut mettre fin dans notre société à ce couple infernal hubris-némésis démesure et vengeance, orgueil et vengeance. La justice triomphe de la démesure quand son accomplissement est venu : le sot ne le comprend qu’en l’éprouvant.[2] C’est fou comme les poétes ont raison et ont plus de jugement que les autres hommes, ils sont plus humains.
Ce que la Franc-maçonnerie nous demande depuis la première initiation, jusqu’au Nec plus Ultra c’est de pratiquer la justice. Il est constant d’observer que l’hubris, la démesure frappe plus durement, « les gros » selon l’expression populaire, les riches et les puissants. Pourtant, les Sœurs et les Frères apprennent à garder la mesure dans leurs jugements ils sont les amis des riches et des pauvres pourvu qu’ils soient vertueux.
Ce n’est pas par hasard aussi que les Francs-maçons dans leurs rites et rituels s’inspirent du symbolisme de la construction, et en particulier de celle du Temple du Roi Salomon reconnu pour sa justice légendaire. Les grecs considéraient aussi l’hubris comme un outrage aux lois de la cité, à la sociabilité ce que nous appelons le vivre ensemble. Un outrage qui se manifeste par toutes les irrespects des lois démocratiques et toutes les incivilités. Ainsi dans les procès de ‘l’Aréopage’, les pierres brutes sur lesquelles se tiennent les accusés et les accusateurs étaient appelées pierres de l’hubris et de l’implacabilité.[3] Tout rapport avec le travail maçonnique sur la pierre brute et le symbolisme maçonnique me semble néanmoins démesuré ou pas ?
Pour Aristote la pratique de l’outrage qu’il assimile à l’hubris vis-à-vis de quelqu’un va provoquer chez celui-ci, de la honte et sera ressenti comme une humiliation. L’outrage (hubris) consiste en des actes ou des paroles qui suscitent la honte de la victime, sans autre but que celui-ci et par plaisir (…) la cause du plaisir chez ceux qui outragent, est leur pensée qu’ils affirment, leur supériorité par leurs mauvais traitements. C’est pourquoi les jeunes et les riches sont enclins à l’outrage. Ils croient être supérieurs en outrageant. [4] Si les grecs anciens associaient l’hubris à la vengeance, notre société y associe en plus l’individualisme exacerbé par le plaisir de la célébrité, la propension à l’humiliation des plus faibles, ceux pour qui la mondialisation n’est que souffrance. Notre société de plus en plus archipelisée suivant le mot à la mode encourage l’hubris, les groupes se comparent, se jaugent, entre en compétition et pratiquent les uns envers les autres les outrages et les outrances jusqu’à l’irrespect même dans les titulatures nous appelons nos élus par leur prénom par exemple. Quand on se réfère aux enseignements du passé aux vertus intemporelles et universelles pour vivre au présent et éclairer l’avenir, nous devenons moins orgueilleux et plus humbles. L’antiquité grec c’est avant tout Platon, l’image du ‘Miracle Grec’ de la sagesse antique. La philosophie européenne n’est qu’une suite de notes de bas de page aux dialogues de Platon.[5] À propos de l’hubris Platon disait :
Amis, le dieu qui a dans ses mains, suivant l'antique parole, le commencement, la fin et le milieu de tous les êtres, va droit à son but parmi les révolutions de la nature; et il ne cesse d'avoir à sa suite la Justice, qui venge les infractions à la loi divine et à laquelle, modeste et rangé, celui qui veut le bonheur s'attache pour la suivre, tandis que tel autre, gonflé d'orgueil, exalté par la richesse, les honneurs ou encore la beauté physique attachée à la jeunesse et à la folie, enflamme son âme de démesure (μεθ᾽ὕβρεως); à l'en croire, il n'a besoin ni de maître ni de chef d'aucune sorte, mais se sent capable même de conduire autrui; celui-là reste abandonné de Dieu, et, à cause de cet abandon, il s'en adjoint d'autres qui lui ressemblent pour bondir désordonnément et tout bouleverser; beaucoup le prennent pour quelqu'un, mais il ne se passe pas longtemps avant qu'il donne à la Justice une satisfaction d'importance et se ruine de fond en comble avec sa maison et sa cité. (...) Quelle est donc la conduite qui plaît à Dieu et qui lui fait cortège ? Il n'y en a qu'une, un proverbe antique suffit à l'exprimer : au semblable, s'il garde la mesure, le semblable sera un ami, tandis que les êtres démesurés ne le sont ni entre eux ni aux êtres qui ont de la mesure. Or pour nous, la divinité doit être la mesure de toutes choses, au degré suprême, et beaucoup plus, je pense, que ne l'est, prétend-on, l'homme.[6]
La Franc-maçonnerie quant à elle, malgré son âge vénérable a su garder les précieux secrets que sont l’amélioration progressive et humble de l’homme pour en faire un humain capable de trouver sa place dans la société sans humilier ses Sœurs et ses Frères en maitrisant au mieux son orgueil conscient, conscient que le perfectionnement est sans fin que c’est donc une espérance qui dépasse l’espoir. C’est pourquoi, elle se déclare avec constance pour la défense de la justice, l’Amour de Dieu principe créateur et des hommes.
Jean-François Guerry.
[1] Pindare- Theognis V 694 Pythiques II-V34
[2] Hésiode- Les Travaux et les Jours V 213-218.
[3] Démosthène contre Midias 47.
[4] Aristote – Rhétorique 1378b 23-29.
[5] Alfred North Whitehead – Procès et Réalité.
[6] Platon- Lois IV- 715 e – 716 b Dans traduction Edouard des Places Professeur à l’institut Biblique Pontifical (CUF Paris Les Belles Lettres 1951-1975.)
Les dépenses s’élèvent pour faire face aux revenus …
Une loi d’airain des finances publiques sur un sujet d’actualité
C’est une loi qui relève de l’expérience quotidienne ; son évidence éclate sitôt qu’on l’a énoncée, elle est aussi claire qu’elle est simple. Quand l’individu a une augmentation de salaire, sa femme et lui sont enclins à décider comment dépenser ce revenu supplémentaire : tant pour une police d’assurance vie, tant à verser au compte en banque, tant à former un capital pour les enfants. Ils feraient aussi bien de s’épargner cette peine, car aucun surplus n’apparaît jamais. Ce supplément de salaire est silencieusement absorbé, laissant la famille à peine à flot, et souvent, en fait, affligée d’un déficit qui a même augmenté. Les dépenses individuelles non seulement s’élèvent pour faire face au revenu mais tendent à le dépasser, et ont toutes les chances d’y parvenir.
On reconnaît moins généralement que ce qui est vrai des individus est également vrai des gouvernements. Quel que puisse être le revenu, il y aura toujours le besoin impérieux de le dépenser. Mais entre les gouvernements et les individus, il y a cette différence essentielle, que le gouvernement prend rarement la peine de se demander même quel est son revenu. Si nous nous mettions à adopter dans les affaires privées les méthodes des finances publiques, il nous faudrait ignorer le total de notre revenu et ne considérer que ce que nous aimerions dépenser. Nous pourrions décider d’agrandir la maison, de faire l’acquisition d’un yacht et de longues vacances aux Bermudes. Tout cela, devrions-nous nous dire, constitue l’indispensable. Il ne resterait plus qu’à ajuster notre revenu pour faire face à ces simples nécessités ; et si nous faisons quelques économies, ce sera en ce qui concerne les impôts. Au contraire, un gouvernement qui appliquerait les méthodes des finances individuelles aux dépenses publiques commencerait par calculer ce que devrait être son revenu. Ayant tant à dépenser, combien faudrait-il allouer et à quelles et quelles dépenses ? Un gouvernement qui adopterait cette nouvelle méthode instaurerait une révolution dans les finances publiques.
Mais il ne faudrait pas imaginer que la réforme des finances nationales ne rencontrerait aucune opposition. Le réformateur se heurtera, inévitablement, à une phalange aux rangs serrés de fonctionnaires des différents ministères. Leur opposition, bien que passive, sera redoutable. A toutes propositions d’un système de comptabilité acceptable, ils répondront avec un sourire apitoyé qu’on l’a essayé jadis, qu’on l’a trouvé sans intérêt et abandonné depuis longtemps. Ils se retireront alors devant un écran de fumée de mystères techniques, murmurant enfin que les finances publiques sont quelque chose de bien plus complexe que ce qu’on croit généralement. Les comptes ne peuvent pas mentir, mais les menteurs peuvent conter.
Les attitudes hiératiques et ésotériques que l’on observe au Ministère des Finances ont amené à créer un terme spécial pour décrire leur culte : ésoterrorisme. Les fidèles de ce culte sont les ésoterroristes du Trésor. Au 18ème siècle, ces mêmes gens dissimulaient les mystères des finances derrière les complications du latin médiéval et des procès-verbaux calligraphiés au point que, déplorant « une façon si obscure de tenir les livres des comptes publics », le malheureux Turgot s’exclamait : « Je suis stupéfiait qu’à une époque aussi brillante, tout soit plongé dans de telles ténèbres ». Les ténèbres sont devenues, si tant est que la chose soit possible, plus sombres encore, car à la confusion originelle des comptes se sont ajoutés le babil des experts et le jargon de l’ENA. Après n’avoir été qu’un inconvénient, l’ésoterrorisme est en train de devenir rapidement une religion.
Les forteresses de l’ésoterrorisme sont imprenables depuis le temps de Turgot. Parmi les broussailles qui entourent leur position, se trouvent les tombes de leurs attaquants de jadis, le baron Louis (1755-1837), Raymond Poincaré, ou plus récentes, celles d’Antoine Pinay, de Raymond Barre. Il y a également la tombe mutilée du contribuable inconnu en souvenir duquel, à chaque anniversaire de sa mort, les principaux ésoterroristes échangent encore une flèche empoisonnée. Qu’on n’aille pas croire que cette citadelle cèdera au premier assaut. Qu’on ne doute cependant pas qu’elle ne résistera pas au dernier.
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Notes de lecture à partager - été 2024
Régis Debray ; Bilan de faillite ; Gallimard ; 2018
"Bilan de faillite", gauche droite rompez !
Par ces temps politiquement agités, un homme de mon âge a des idées de testaments. J'ai donc dévoré Bilan de faillite, bijou d'écriture ciselée de Régis Debray, où l'humour et la mélancolie s'enroulent autour des aphorismes du ci-devant intellectuel-guérillero devenu Candide à sa fenêtre.
A quoi s'intéresse cet excellent esprit ? A la transmission et à la mort ensuite. On me dit que Regis Debray est un homme de gauche. Je n'en doute pas, mais alors moi aussi, car je souscris entièrement à ses vues sur la transmission et la mort. Or je suis de droite, semble-t-il. Trouble sur la taxinomie. Ou alors c'est un homme de gauche de droite, et moi un homme de droite de gauche. Et si cela n'avait aucune importance, du point de vue de la vie de l'esprit politique ? S'il ne reste pour se classer à gauche ou à droite que les coordonnées socio-culturelles de chacun, être de gauche ou de droite relève d'une sorte de donnée sociologique qui ne forge ni le destin ni les conceptions politiques. Bouliste donc de gauche, golfeur donc de droite, ces différences pacifiques ne peuvent accoucher de grands drames historiques. La bipolarisation est devenue une respectable foutaise, à laquelle s'accrochent encore quelques identitaires de la guerre froide.
La jonction opérationnelle se fait dans l'idée de transmission, de paternité, d'héritage. Ce qui nous reste des morts est vénérable, à conserver. La paternité, dont Régis Debray traite dans son Bilan de faillite, est cet art de la transmission qui n'est ni de gauche ni de droite : l'exercice d'être soi-même un objet d'histoire pour son enfant. Exercice compliqué, dans lequel il faut être une sommité légère, un ponte tout en finesse, un homme qui, tel le comte Mosca dans la Chartreuse, a "honte de son importance".
YANN .
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