Jean-François Guerry.
Du Sacré
Sur un plan purement anthropologique, l’homme contemporain, qui est le résultat d’un long lignage, est paradoxalement fragile : nous sommes en effet les descendants d’individus qui ont su écouter leur peur, leur stress et leur intelligence afin d’éviter et de contrecarrer maladies, famines, guerres et autres cataclysmes. Même si le monde actuel paraît plus doux, ce souvenir génique va nous obliger, si nous voulons nous spiritualiser, à offrir des endroits dans lesquels nous semblons préservés, ne serait-ce que d’une crainte diffuse, ou parfois d’un risque réel – je pense aux régimes totalitaires. Définir alors un espace-temps codifié, délimité, cantonné limitera de fait les avatars de toute perte, blessure, fût-elle narcissique ou entropique. L’espace sacré y sera, si l’on paraphrase Nietzsche, une “corde tendue sur l’abîme”. Des conditions seront nécessaires, car le lieu d’exercice de cette pratique ne peut se faire que dans un milieu protégé, séparé du commun, possédant ses propres règles de fonctionnement : ce lieu sera, pour le franc-maçon, l’espace sacré de la loge ou du Temple. De même que les balances de très haute précision se doivent d’être préservées de l’extérieur par des parois hermétiques, protégeant des fluctuations de lumière, de température et de pression, l’espace sacré maçonnique nécessitera 2 « parements » symboliques. D’abord une codification absolue de ses mécanismes intérieurs : on parlera de rite et de rituels, à même de structurer tout évènement, et ensuite une « instruction maçonnique », aliment métaphysique destiné à nourrir dans cet espace particulier le franc-maçon, afin d’y pérenniser sa pensée et son action.
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L’espace maçonnique est cependant plus subtil qu’un simple vase clos, car ses limites, contrairement audit vase, ne sont pas précisément marquées et définissent plus des directions que des jalons précis, nous en reparlerons plus avant, et d’un espace-temps caractérisé plus par sa négation que par sa vision intuitive habituelle. Je citerai à cet égard Mircea Eliade qui parle, pour l’espace sacré, d’un temps dit « anhistorique ». L’homme se vit dans un monde foncièrement binaire. Ainsi chaque acte de la vie est-il scandé, pulsé, à la façon des battements du cœur, faits de travail et de repos, des mouvements pulmonaires, faits d’expir et d’inspir, de la morale, faite de bien et de mal ou même de la pensée, mimétisée par les « zéros » et les « uns » du langage informatique classique. Il s’ensuivra que tout sera fondamentalement dual, y compris les moyens artificiels par lesquels accommoder notre entendement à l’incommensurabilité du temps et de l’espace. 2 leviers existentiels et métaphysiques s’offriront ainsi à nous pour que l’on arrive à supporter l’infini et l’intemporel sans devenir fou. Ces leviers seront l’eschatologie et le sacré. L’eschatologie est une forme de discours qui lie l’individu à ce que l’on nomme en grec l’eschatos, c’est-à-dire le dernier, que ce dernier soit un homme, on parlera alors de prochain, ou bien une date, une époque ou un lieu, et l’on parlera alors de fin des temps. Énoncer le prochain ou la fin des temps, c’est fabriquer une échéance ultime qui va s’ajouter à l’échéance minime que constitue le moment où l’on en parle. Quoi de mieux, dans ce cas, qu’un mécanisme qui inclut en son sein l’Alpha et l’Oméga, la naissance et la fin d’une idée, d’un être ou d’un monde, faisant de nous des maçons à qui « rien n’est inconnu ». Cette petite phrase, puissante et sibylline, extraite d’un rituel maçonnique, ne signifie pas que nous savons tout, mais nous aide paradoxalement à accepter l’idée d’être cantonné à des limites qui nous sont toutes personnelles. Cet artifice suffit à nous faire prendre conscience que la perception de l’Univers passe sur le plan macrocosmique par le prisme de l’eschatologie : sans celui-ci, il est impossible d’avoir une vision supportable de son immensité. En incluant d’emblée toutes les modalités imaginables, le discours au dernier permettra de ne rien s’interdire, de ne se priver d’aucune des composantes bénéfiques ou maléfiques à retirer d’une confrontation avec nos semblables. Le mode de pensée qui découlera de cette relation deviendra médiateur, puisqu’il sera disposé entre début et fin : il aura une fonction régulatrice, pondératrice qui siéra à cet être rationnel qu’est l’initié maçon. Si l’on pousse le raisonnement, cette approche incitera, par transposition, à nous confronter aux confins de nous-mêmes. C’est pourquoi l’homme a inventé, à côté de l’eschatologie, l’espace sacré, morceau cantonné qui permet de ressentir ou d’imaginer un tant soit peu cet embryon d’éternité, en le circonscrivant le plus précocement et le plus confinant possible. Le sacré sera une façon de créer au sein du monde tangible, qui est celui où nous vivons objectivement, un espace-temps particulier, distinct du monde profane. La sacralisation sera donc une méthode, une procédure, un biais qui favorisera pour le coup notre retrait de ce monde végétatif qui est celui de notre fonctionnement ordinaire.
Thierry Didier - À SUIVRE....
De l'homme profane au chevalier Kadosch ou Comment intriquer nature et individu
Après avoir abordé dans son ouvrage précédent comment mêler réflexion et initiatique à travers l’étude de thèmes généraux, de personnages et de concepts variés, l’auteur a été tout naturellement amené à s’interroger sur les relations qui existent entre chaque degré du Rite Écossais Ancien et Accepté, et de voir combien ce « patchwork » apparent constituait en fait un continuum d’idées, de symboles et de principes constructeurs. L’auteur a donc décidé de décrypter les rouages sémantiques, les articulations symboliques et les engrenages philosophiques qui permettent de comprendre ces notions fondamentales en franc-maçonnerie que sont la gradualité et la progressivité de l’enseignement et l’apport essentiel de ce que l’on nomme l’ésotérisme. Ce dernier terme n’a rien de nébuleux, au contraire, il permet d’affiner, de prolonger et d’améliorer le message initiatique, qui veut que l’Homme puisse et doive puiser dans la Nature un supplément d’âme et de Raison. Cette Nature n’est pas seulement celle portée par les règnes minéral, végétal et animal telle que le pressentaient les alchimistes d’antan et les philosophes des Lumières. Elle est plus sûrement le domaine de ce qui échappe à l’homme au moment où celui-ci se livre au moindre exercice mental, voire physique, qu’il formalise la plus infime pensée, le sentiment le plus ténu. Car il y a 2 façons d'aborder l'initiatique, la première est de considérer le corpus de chaque degré, ce qui fait donc leur spécificité, en traitant tout leur contenu propre, que l'on appelle l'instruction du grade : le risque encouru est d'établir une sorte de compilation, soit, nécessaire à une première appréhension, mais qui a maintes fois déjà été décrite dans la littérature.
Les articulations que l’auteur définit dans ce livre prennent naissance en partie dans un contenu particulier, situé à mi-chemin entre la simple déclamation descriptive de signes, mots et attouchements, et leurs projections en termes de caps, propres à chaque grade. C’est pourquoi, lorsqu’il entrera dans le narratif particulier d’un degré, il privilégiera des éléments, soit, constitutifs du grade, mais en cherchant aussi à retrouver en leur sein ces mêmes articulations déjà mises en évidence entre les grades.
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