"L’action, la seule activité qui mette directement en rapport les hommes, sans l’intermédiaire des objets ni de la matière, correspond à la condition humaine de la pluralité, au fait que ce sont des hommes et non pas l’homme qui vivent sur terre et habitent le monde". Hannah Arendt
LA QUESTION DE LA BANALITÉ DU MAL. Part I.
Où il sera question de Adolf Eichmann, de Hannah Arendt, de Eichmann à Jérusalem, de l’éthique maçonnique, du mal de la bureaucratie selon Emmanuel Levinas.
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dolf Eichmann adhéra au Parti National Socialiste Autrichien et à la SS en avril 1932. Il sera un « bureaucrate zélé » toute sa carrière. Chef de bureau il se dévoua à la coordination et au massacre des millions de juifs à travers l’Europe jusqu’en mai 1944 où il se déplace personnellement à Budapest pour mettre en œuvre la déportation et le meurtre de 440 000 juifs hongrois à Auschwitz-Birkenau. Il s’enfuit en 1945 en Italie puis en Argentine. En 1960 repéré par les services secrets israéliens, il est enlevé et jugé à Jérusalem en décembre 1961, condamné à mort et exécuté le 31 mai 1962.
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annah Arendt est née le 14 octobre 1906 à Hanovre Allemagne, elle est décédée à 69 ans à New-York États-Unis. Politologue, philosophe, elle fuit le nazisme. Exilée d’abord à Paris elle milite pour un état Judéo-arabe en Palestine considérant que l’exiguïté de ce pays ne permettrait pas l’instauration de deux états. Fuyant encore la France occupée elle passe par Lisbonne au Portugal et finit par rejoindre New-York aux États-Unis. Érudite elle fera une carrière universitaire, elle est reconnue pour ses travaux, elle publie : Origines du totalitarisme, La condition de l’homme moderne… Elle se reconnaît plus comme politologue que philosophe, néanmoins elle s’inspira de Platon et surtout d’Aristote elle associa les fondements théoriques aux moyens pratiques dans ses ouvrages. Comme Cicéron, je dirais quelle n’eut pas d’école de pensée, mais s’inspira de toutes les écoles des antiques, elle était donc profondément humaniste. Ses mentors ont été successivement Martin Heidegger, Edmund Husserl, et surtout Karl Jaspers. En 1961 elle écrit dans le journal le New-Yorker qui la charge de couvrir le procès de Adolf Eichmann à Jérusalem, elle publie ses articles accompagnés de ses réflexions : Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal. Naît alors une polémique sur cette pensée interprétée comme une excuse ou une atténuation de la culpabilité d’Eichmann, coresponsable de la Shoah. Elle subira même les plus vives critiques de ses amis dont Gershom Scholem qui lui écrira dans une lettre personnelle : De l’amour pour les juifs on ne perçoit rien chez vous, chère Hannah.[1] Elle répond à son ami : La question que j’ai soulevée est celle de la coopération des fonctionnaires juifs… Il n’existait pas de possibilité de résister, mais une possibilité de ne rien faire. Et, pour ne rien faire, il n’était pas nécessaire d’être un saint, il suffisait de dire : je suis un juif (un simple juif) et je ne veux pas être davantage.[2]
Plus loin dans cette lettre elle précise sa pensée : J’estime effectivement aujourd’hui que seul le mal est extrême, mais jamais radical, qu’il n’a pas de profondeur, et pas de caractère démoniaque. S’il peut ravager le monde entier, c’est précisément parce que, tel un champignon, il se propage à sa surface. Ce qui est profond en revanche et radical c’est le bien et lui seul. Si vous lisez ce que Kant écrit du mal radical, vous verrez qu’il ne désigne pas beaucoup plus que la malignité ordinaire. Or il s’agit d’un concept psychologique, pas métaphysique…[3]
La pensée de Hannah Arendt résulte d’un constat du réel quelle fait en regardant Eichmann, elle voit un clown, nous pourrions dire une marionnette dans les mains d’un dictateur, d’un despote obscur. Pour Arendt donc le mal n’est pas banal, mais peut être commis banalement, par une obéissance aveugle, une soumission, une absence de pensée autonome, de libre arbitre.
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’éthique maçonnique, nous fait prendre conscience du concept de dualité qui est en l’homme. De la difficulté de bien penser et bien agir, de penser par soi-même, et de combattre ses viles passions. De sortir de ce que Kant appelait « notre état de minorité », de s’initié pour élever sa conscience et être dans un état de maturité. Conscient de la difficulté de reconnaître ses ténèbres intérieures et de passer vers la lumière avec l’aide de la foi et de la raison. C’est ce combat contre la banalité du mal que nous propose l’initiation maçonnique et définie son éthique. Dès le premier degré, le postulant à l’initiation est mis en contact avec cette banalité du mal en posant ses pieds sur le pavé mosaïque noir et blanc. Cette dualité se prolongera jusqu’au Nec Plus Ultra de son initiation, l’initié sera poursuivi par deux Chevaliers un Blanc et un Noir et invité à choisir sa monture seul en conscience.
Hannah Arendt précisera encore sa pensée : Je n’ai absolument pas voulu dire : il y a un Eichmann en chacun de nous.[4]
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onclusion provisoire : Concernant Eichmann nous pouvons me semble-t-il penser qu’il fut à la fois ignoble meurtrier et un zélé bureaucrate, Hannah Arendt aurait-elle été abusée par la ligne de défense de Eichmann comme le prétendent certains auteurs ? Il n’en demeure pas moins que nous devons porter notre attention sur les méfaits et les conséquences de la bureaucratie. De cette bureaucratie dont Emmanuel Levinas disait à peu près ceci : Elle est un des plus grands dangers pour la démocratie. Cette bureaucratie qui tisse des chaines pour enfermer nos libertés. Levinas encore nous mettait en garde de la bureaucratie en temps de guerre, de cette guerre : qui suspend toute morale.Alors, si l’on associe les horreurs de la guerre et la bureaucratie nous pouvons parler de banalisation du mal. Levinas pour finir parlait de mal élémental à propos de la philosophie de l’hitlérisme qui consiste à regarder les hommes comme des choses. Toutes ces choses méritent de poursuivre la réflexion avec Hannah Arendt.
Jean-François Guerry.
Conseil de lecture : L’Éthique Maçonnique de Josselin Morand. Éditions Numérilivre.
L’Éthique Maçonnique – Josselin Morand.
À l’heure des crises sociales et environnementales, trois questions fondamentales se posent : qu’est-ce qu’une vie bonne, qu’est-ce qu’une société bonne et qu’est-ce qu’une action bonne ? L’éthique, qui est au cœur de ces questions, peut y apporter des réponses de fond. Elle peut également proposer des outils pour que chacun puisse agir à son niveau, en résonance avec ses valeurs. Mais le questionnement d’éthique ne pourrait être complet sans une réflexion sur le mal et sa nature. Si Hannah Arendt a mis en lumière la banalisation du mal dans la société industrielle par la perte de responsabilité, la légende maçonnique nous rappelle que le mal est bien présent en chacun de nous. L’initiation maçonnique, par les outils et l’éclairage qu’elle offre au récipiendaire, permet alors à chaque Frère ou Sœur d’agir en toute connaissance de cause et ainsi d’orienter son action en toute liberté et responsabilité.
Destiné aux Francs-maçons comme aux profanes intéressés par la pensée maçonnique, cet ouvrage se propose, dans un langage clair, de lever le voile sur l’éthique de la Franc-maçonnerie ainsi que sa construction non seulement à partir de ses mythes fondateurs mais aussi des apports de différentes pensées. Il déconstruit les idées fausses sur l’éthique en redonnant aux mots et valeurs leurs sens précis. Il met également la lumière sur le mal inhérent à chacun d’entre nous, qui peut nous pousser à choisir le pire. Mais il propose aussi, pour le meilleur, un viatique maçonnique pour aider chacun, profane ou Initié, à agir avec éthique, discernement et fraternité.
Josselin Morand est fonctionnaire territorial, et spécialiste d’éthique. Il est également pratiquant expérimenté d’arts martiaux. Entré en Franc-maçonnerie en 2010 à la Grande Loge de France. Très impliqué dans la vie maçonnique, il est membre de la Loge de Recherche Jean Scot Érigène et membre fondateur de l’université populaire.
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