De la nation armée à la société défendue
Que reste-t-il de l’esprit de défense ?
Plusieurs États d’Europe recensent leurs bunkers. La crainte d’un conflit généralisé et de bombardements russes pousse certains pays européens comme l’Allemagne, la Suisse, la Pologne et la Suède à rénover les anciens bunkers.
Ouest-France 28 novembre 2024
Tenir Machiavel en respect, à contre-courant de ce monde meurtrier, cela n’implique pas que nous renoncions à nous défendre contre les fauves, ni que nous méconnaissons les lois de la jungle. Il faut à la fois sauvegarder son espérance et ne pas se laisser dévorer.
François Mauriac – Mémoires politiques 18 février 1945
Le 22 février 1996, Jacques Chirac, président de la République a lancé une réforme globale du système de défense de la France. Tranchant dans le vif, il a défini le cadre futur de notre dispositif en tenant compte des innovations opérationnelles et des transformations géopolitiques récentes. Parmi les volets de la réforme, il en est un qui a touché au lien qui attache, au moins symboliquement, la société française à sa défense : l'abandon de la conscription.
Il n'est pas inutile, pour donner la mesure du changement qu'a constitué la fin du service national, de rappeler sa contribution à la formation du citoyen français. Il constituait d'abord une étape importante dans la formation du caractère, véritable rite de passage à l'âge adulte, permettant au citoyen en devenir de connaître et comprendre une institution forgée par des valeurs et une discipline préparant non seulement à la vie militaire mais aussi à la vie en général. Au-delà, le service militaire manifestait le lien unissant tout citoyen au destin de la nation, et à son histoire vivante.
Le service national représentait bien plus qu’une simple modalité de l’organisation de la défense de la France. Il était d’abord l’héritage direct de l’idée que l’armée incarnait la nation dans son entier. Pas seulement outil mais aussi symbole de la cohésion nationale, il délivrait à chacun son brevet de citoyenneté en manifestant l’acceptation d’une contrainte au service de la collectivité. On connaît la suite : trois décennies plus tard, dans une nation multiple et fracturée – les Américains ont de l’avance mais nous sommes confrontés au même mécanisme – le citoyen lambda apparait comme un "hédoniste politique" qui se sert de l’État comme d’un moyen de maximiser ses plaisirs et de minimiser ses douleurs1.
Il est important de prendre conscience que la suspension du service militaire n'est pas intervenue à un moment quelconque de l'histoire de France, mais dans un climat de fragmentation croissante de la cohésion nationale, du sentiment patriotique et de l'esprit de défense. Le service national, érigé en mythe intégrateur alors même que son effet réel, notamment sur les populations d'origine immigrée, devenait chaque jour de plus en plus incertain, ne pouvait être supprimé sans provoquer des interrogations profondes et malheureusement silencieuses sur l'avenir de notre modèle d'unité nationale. Dans un tel contexte, la suspension du service national n'avait rien d'un hasard : elle était nécessaire à la préservation du mythe de l'unité de la nation, en maintenant l'illusion de l'innocuité de la fin du service national au regard de l'esprit de défense.
Comme le souligne l'essayiste Etienne Barilier (Nous autres civilisations… Amérique, Islam, Europe, Edit. Zoé, 2004), il nous est devenu quasiment impossible de penser que l'Autre puisse être non pas toujours celui qu'il faut comprendre et accepter, mais aussi l'Ennemi, celui qui éventuellement veut nous combattre. La force continuera de régler dans une large mesure les relations internationales, plus encore dans les années à venir avec l'irruption d'acteurs parfaitement imperméables au jeu diplomatique classique. Plus qu'un outil au service du politique, le soldat reste le garant ultime de la sécurité et de l'indépendance de la collectivité qu'il défend. Contrairement à ce que laisse généralement penser le terme "lien armée-nation", ce n'est pas l'armée qu'il faut sortir de son isolement, mais bien aujourd'hui le monde civil qu'il faut éveiller aux réalités du monde.
Yann – Blog.
1 Au palmarès des récriminations tonitruantes de l’hédoniste politique figure aujourd’hui le pouvoir d’achat. Sans occulter les difficultés récentes de nombreux salariés dont les revenus ne sont pas indexés sur l’inflation, la réalité ne correspond pas à l’idée que s’en fait l’opinion publique. "Au risque de surprendre par rapport à la perception de nos concitoyens, le pouvoir d’achat du revenu disponible par habitant a significativement progressé en France, de 26% en cumulé depuis 1999, contre 17% seulement dans l’ensemble de la zone euro… " souligne le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, dans sa "Lettre au président de la République 2024".
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