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la Franc Maçonnerie au Coeur

la Franc Maçonnerie au Coeur

Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.

Publié le par Jean-François Guerry
COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

 

 

Le commentaire pertinent d’un lecteur du blog sur la brièveté, le manque de profondeur de ma réflexion sur la spiritualité, m’amène à rédiger un complément à cet article dont le but essentiel était de susciter votre réflexion. Je précise donc à travers les extraits de deux ouvrages : le premier celui de Robert de Rosa Laïcité, Tolérance & Franc-maçonnerieparu aux Éditions Numerilivre et en second celui Monique Canto-Sperber L’inquiétude morale et la vie humaine paru aux Édtions PUF, j’en profites pour vous signaler que Monique Canto-Sperber a dirigé la rédaction du Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale (2 tomes).

Sous la plume de Robert de Rosa l’on peut lire :

Il évoque ceux qui sont gênés par le matérialisme radical et qui évoquent une « spiritualité laïque ». Ils associent deux termes qui n’ont rien à faire l’un avec l’autre. Accoler un adjectif à « spiritualité », c’est en réduire la portée universelle. La propension à s’interroger sur le sens de sa présence dans au monde, à penser l’infini, l’éternité, dépasse et englobe les religions. Elle ne reste pas emprisonnée dans un domaine d’où on chasserait les croyances comme celui des Fois particulières. Est véritablement spiritualiste celui peut engager le dialogue avec toutes les âmes éprises d’absolu. La spiritualité n’a besoin d’aucun qualificatif. La présenter comme opposée aux religions, (en la qualifiant de laïque) c’est ne pas avoir son ampleur et la réduire à une autre forme de croyances, ce comportement que l’on prétend condamner. À l’appui de son raisonnement Robert de Rosa rappelle ce qu’est la laïcité, ce qui n’en n’obère ni les qualités, ni même les vertus, mais l’on n’est pas sur le même plan, c’est là, la différence entre l’horizontalité consubstantielle à notre devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité et la spiritualité plus verticale, plus transcendantale. L’amorce de cette transcendance commence si j’ose dire en Franc-maçonnerie avec le grade de Maître 3ème degré de l’initiation, le Maître réapparait plus radieux que jamais. On remarquera aussi que ce sont des outils matériels, non sans quelques qualités qui ont servi à l’assassinat du Maître Architecte. Dans un autre plan, un autre cycle le Maître va s’élever les hautes sphères de la Connaissance spirituelle. Ainsi Robert de Rosa précise : la laïcité ne situe pas sur ce plan. C’est une disposition législative qui doit préserver l’exercice de toutes les formes de spiritualité.

Il est factuel d’observer et de dire que l’objectif des créateurs de la laïcité, les initiateurs de la Loi de 1905 qui la fonde, n’avaient pas pour intention la création d’une spiritualité laïque. Robert de Rosa avec justesse et pertinence souligne la vertu ou pour le moins la qualité essentielle de la laïcité c’est qu’elle crée un centre d’union dans notre république. Il s’agit surtout d’un sentiment d’unité nationale, le seul à dépasser les communautarismes de toutes origines. [1] En ce sens elle offre chez nous, un cadre propice à la vie spirituelle, au respect des croyances de chacun à la condition que celles-ci n’interfèrent pas dans l’espace public, ce qui serait contraire à l’esprit de la Loi de 1905. Les Francs-maçons qui veulent que leur institution soit une centre d’union de tous les hommes ont bannis de leurs travaux de loge toutes les discussions politiques ou religieuses, leurs travaux sont des exercices spirituels propices à leur amélioration personnelle à la conversion de leur regard sur le monde pour qu’il soit un vaste espace de fraternité universelle.

Regardons maintenant dans l’ouvrage de Monique Canto-Sperber, elle évoque dans un sous chapitre : l’éthique, le sens, le sacré, les réconforts impossibles du chapitre principal consacré à l’éthique et les défis de la philosophie morale ; la démarche de Luc Ferry énoncée dans son livre L’homme-Dieu ou le sens de la vie. Luc Ferry trace un portrait de l’homme moderne athée ou agnostique averti, privé des mythes, affranchi des superstitions, mais confronté à un désarroi une crise de sens structurelle. L’univers laïc et démocratique abolit la religiosité traditionnelle.[2]  1996.

Luc Ferry constate le retour à la morale. Il y a un profond sérieux, dit-il, dans ce souci éthique, qui suffit à réfuter le crépuscule du devoir. Il rajoute que la morale moderne a perdu son caractère sacré : elle est maintenant fondée sur l’homme (…) marquée par l’idéologie des droits de l’homme. Il nous faut autre chose, mais quoi ? L’espoir sous-jacent est qu’une spiritualité laïque, une certaine idée du sacré, conçue entièrement à partir de l’homme, viendra se loger dans l’espace défini comme étant celui de la religion. (…) Il reste besoin de transcendance « par-delà le bien et le mal » Il revient à la spiritualité laïque « enracinée dans l’homme » (…) double mouvement humanisation du divin et de divinisation de l’humain. Monique Canto-Sperber critique l’argument « d’humanisation de la transcendance ». Elle écrit : une transcendance humanisée ne peut plus être une transcendance par rapport à l’humain, à moins de donner à la transcendance un sens si minime qu’on ne voit plus ce qu’il apporte de spécifique.

Luc Ferry précise qu’une telle transcendance consiste en l’extériorité « des autres hommes par rapport à moi » donc autrui est distinct et différent de moi c’est tout simplement l’altérité ! Si autrui est l’autre du moi, une projection du moi, il est toujours en moi donc où est la transcendance ? Si la conception d’autrui comme « Autre en général » est ce qui définit la transcendance horizontale, une telle transcendance ne sera qu’une hypothèse philosophique parmi d’autres.

Monique Canto-Sperber s’oppose à la thèse de Luc Ferry qui dit : l’humanité divinisée, nous dit-on, a pris la place du sujet absolu.[3] Elle répond : l’idée que les hommes devenus des dieux feront régner le bien, la raison et la loi est un vœu pieux ou une folie. La Rochefoucauld, Rousseau et Nietzsche étaient plus perspicaces ; si les hommes deviennent des dieux, ils s’envieront et n’auront de cesse de se détruire.

Le mythe de cette modernité de la morale et de l’éthique qui seraient une transcendance absolue paraît dangereuse mise entre les mains exclusive des hommes, c’est du moins mon avis et vous qu’en pensez-vous ?

 

                                            Jean-François Guerry.  

 

[1] Robert de Rosa- Laïcité, Tolérance, & Franc-Maçonnerie. Pages de 36 à 39. Ed des Bords de Seine Numerilivre.

[2] Luc Ferry – L’homme-Dieu.  Page 19.

[3] Luc Ferry L’homme-Dieu Page 180

COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

RÉSUMÉ

Le concept de laïcité est aujourd’hui l’objet de nombreuses confusions. Détourné de sa fonction, survalorisé ou amoindri, il est souvent instrumentalisé pour servir des choix politiques qui en réduisent la portée. L’auteur offre dans cet ouvrage un témoignage et un regard, élaborés par une longue pratique de l’enseignement et tout aussi longue de la franc-maçonnerie. En retraçant l’évolution de la société française, de l’enseignement public, laïc et gratuit (1881) à la séparation de l’Église et de l’État (1905), il restitue le climat des loges maçonniques et met en évidence les deux courants qui s’y confrontent. Pour l’auteur, si la laïcité n’est pas une valeur mais un principe législatif, elle doit cependant son efficacité à la pratique de valeurs, au premier rang desquelles la liberté de conscience (et de croyance), inséparable de la tolérance. Deux valeurs qui méritent d’être précisées pour sortir de la confusion actuelle. Robert de Rosa termine son essai critiquant les thèses actuelles qui voient germer la laïcité dans le christianisme. Sans polémique mais avec une argumentation solide, il montre que les pouvoirs temporel et spirituel ont pu être distingués mais sans être séparés… Et que le second a toujours voulu conserver une suprématie.
COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

RÉSUMÉ

Luc Ferry réfléchit, dans ce livre, aux conditions dans lesquelles s'organise un nouvel ordre éthique dans des sociétés qui ont accompli leur "révolution religieuse". A distance des interprétations trop étroites de la morale laïque, il montre comment le long processus par lequel le divin se retire de notre univers social et politique s'avère être, en fin de compte, un processus de sacralisation de l'homme lui-même qui conduit vers de nouvelles formes de spiritualité. On peut repérer ce mouvement dans bien des domaines. Le développement de l'action humanitaire témoigne par exemple, de l'émergence d'une aspiration nouvelle qui ne se confond pas avec les formes traditionnelles de la charité, mais qui revient pourtant à reformuler la problématique du don de soi. La tendance à la "sacralisation du corps humain" conduit, de son côté, à poser dans des termes neufs toute une série de problèmes que tente actuellement d'explorer la bioéthique. Le "désenchantement du monde" tend ainsi à une nouvelle formulation de la question de la transcendance dans les sociétés modernes.

COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

Voici un ouvrage à retenir pour tous ceux, spécialistes ou non, qu’intéressent l’éthique et la philosophie morale, car il développe une réflexion personnelle et rigoureuse en ce domaine tout en démontant avec profit certains des obstacles persistants qui l’encombre. L’auteure est bien placée pour accomplir ce double travail : on la connaît en effet pour son remarquable travail de direction de la collection « Philosophie morale » aux PUF et du Dictionnaire d’éthique et de philosophie moralechez le même éditeur (3 édition 2001), mais peut-être un peu moins comme spécialiste de la philosophie grecque (Éthiques grecques, PUF, 2001). Le présent ouvrage, dont le beau titre rappellera sans doute à certains celui de Jacques Lavigne (L’inquiétude humaine, Aubier, 1953, d’une tout autre facture toutefois), est un ensemble composite dont l’unité thématique est certaine mais le fil argumentatif moins facile à suivre. Une première partie, « L’inquiétude morale », qui occupe le deux-tiers du livre, regroupe trois études (dont l’une déjà publiée sous une autre forme dans Esprit) se donnant pour mission de défendre la spécificité, l’autonomie et les exigences de la philosophie morale dans un contexte encombré par la mode éthique en France ; une seconde partie, « La vie humaine », plus courte, présente la contribution propre de Canto-Sperber à ce sujet, contribution qui veut montrer que la philosophie peut et doit prendre au sérieux la question de la « justification existentielle » en éthique, rejoignant en cela certains travaux de Bernard Williams, à qui le volume est d’ailleurs dédié. 

L’enjeu de la première partie est fixé dès les premières lignes : « montrer que sans philosophie morale il n’y a pas de réflexion éthique et que sans réflexion éthique il n’y a pas d’éthique qui vaille » (p. 3). La philosophie morale en question est ici une forme de rationalisme ou d’intellectualisme (« le travail de la pensée est au fondement de l’éthique », « pour bien agir il faut d’abord bien penser », p. 109 et 107) qui permet de définir la réflexion éthique comme un travail d’analyse normative, une « recherche des meilleures raisons (…) selon des méthodes et avec des arguments bien éprouvés » (p. 109). Une telle conception des tâches de la philosophie morale se trouve à l’aise aussi bien avec les éthiques antiques, le rationalisme français classique que la philosophie analytique contemporaine car, soutient Canto-Sperber, « la substance de l’éthique est toujours la même » (p. 131), et le travail de la philosophie en ce domaine « recouvre l’ensemble des questions qui lui sont spécifiques depuis 2002 ans ». Voilà de quoi relativiser la rhétorique de la « renaissance » ou du « renouveau » éthique actuel, mais qui risque de négliger la spécificité du phénomène des « éthiques appliquées ». Cette conception fournit d’ailleurs à l’auteure un ensemble de critères lui permettant un diagnostic sévère de l’omniprésence de l’éthique. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, dit-elle, la philosophie morale n’est pas florissante, car les conditions intellectuelles et institutionnelles indispensables ne sont pas réunies (dédain pour la réflexion sérieuse au profit de la conviction, absence de véritables débats d’idées et d’un réel pluralisme, peu de place reconnue à l’enseignement de la discipline). Ce diagnostic ne vaut sans doute pas exclusivement pour la France, mais il est clair qu’il s’applique surtout à la situation de ce pays. Canto-Sperber se livre à cet égard à quelques règlements de compte typiquement hexagonaux (surtout envers Alain Badiou p. 15-25, mais également vis-à-vis Luc Ferry et Gilles Lipovetski) mais aussi, plus utilement pour le lecteur outre atlantique, à l’analyse des obstacles pouvant freiner les ambitions de la réflexion éthique (le volontarisme du bien, le fétichisme des normes particulières, la méconnaissance de la spécificité de la réflexion éthique, p. 136) et des idées freinant la consolidation de la philosophie morale (celle soutenant que derrière cette réflexion se cache toujours un rapport de forces, ou celle voulant que l’éthique n’ait plus rien à voir avec la religion, ou que la modernité et le kantisme représentent des ruptures décisives, p. 36). Monique Canto-Sperber discute également ce faisant une large variété de questions (la responsabilité, l’avortement, la notion de personne, le clonage), mais brièvement et rarement pour elles-mêmes. Nous avons là une défense vigoureuse, parfois dispersée sur plusieurs fronts, de l’importance de la recherche des raisons en éthique ; et si on a déjà vu des plaidoyers de ce genre pour un « retour de l’éthique » qui ne soit pas complaisant, la valeur de celui-ci teint à l’équilibre entre la partialité reconnue des thèses philosophiques et son souci constant de rigueur.

C’est ce même souci qui traverse le dernier essai de la première partie, « Les passés malheureux de la philosophie morale en France » (on remarquera le pluriel). Les tentatives de faire l’histoire contemporaine de la philosophie morale sont rares, et on se réjouira que Canto-Sperber s’y risque en ce qui concerne la France. À la fin du 19e siècle et au début du 20e, soutient-elle documents à l’appui, se forme une communauté philosophique de recherche et de discussion à l’échelle internationale, marquée par un renouveau rationaliste, un esprit oecuménique et le rejet du positivisme et du mysticisme (p. 149-156). L’apparition de l’existentialisme et des morales de l’engagement marque en France un certain recul de la philosophie morale, cela jusqu’aux années soixante, où elle perd son autonomie et s’efface presque (un « presque » que nuance Ricoeur dans son compte rendu de cet ouvrage, Esprit, octobre 2001). Pourquoi cela ? L’antihumanisme et le marxisme des années 1960-1980, répond l’auteure, ne suffisent pas à l’expliquer ; davantage que des thèses philosophiques propres à cette époque, c’est le fait que « ces thèses ont été énoncées comme des vérités de fait »(p. 178) qui rend compte de ce passé malheureux. Mais si un dispositif idéologique marquant l’affaiblissement de l’esprit critique (et autocritique) prévalait alors, pourquoi son apparition et son succès durant ces années seulement, et des effets destructeurs principalement sur la philosophie morale ? L’hypothèse paraît trop générale pour la spécificité du phénomène, et finalement redécrit en d’autres termes ce qu’on cherche à expliquer. C’est à une sociologie de la politique et de la rhétorique de la « posture de l’intellectuel français » qu’il faudrait sans doute faire appel ici, entreprise à peine esquissée par l’auteure, ce qui laisse son intéressant bilan historique en attente de complément. 

Dans la seconde partie de son ouvrage, Canto-Sperber entend démontrer que la « philosophie a beaucoup à dire sur ce qu’est la vie humaine, sur la condition humaine d’existence, tâche fort peu explorée par nos contemporains » (p. 193). Elle s’attache à l’analyse de nos demandes de sens et tente de montrer « que la réflexion sur la vie humaine est soumise à des contraintes qui ont trait, pour une part, aux traits généraux de l’existence et, pour une autre part, aux biens et aux valeurs auxquels se rapportent nos raisons d’agir » (p. 195). Cette analyse recourt à la philosophie antique et à la littérature moderne (principalement le roman), mais aussi à la philosophie analytique, dont la question du sens de la vie, on s’en étonnera peut-être, est un des thèmes récurrents depuis Russell. La ressource principale réside dans l’idée de « justification existentielle » et l’examen de ses particularités : elle entretient un rapport particulier au sujet, ne s’épuise pas dans la prise de décision, est intimement liée au temps et possède une dimension pratique (elle modifie le moi qui s’y livre) ; elle n’en est pas moins une entreprise rationnelle et objective, soutient Canto-Sperber. C’est en intégrant ce type de justification que la moralité revêt son sens le plus complet (p. 277), la moralité au sens strict se contentant d’un type de justification plus impersonnelle (comme celle des devoirs). La justification existentielle devient pressante lorsque nous sommes dans une « condition cognitive particulière » (p. 215), celle du constat de l’absurde. Celle-ci n’est pas l’apanage de la littérature et de la philosophie de l’existence, mais relève plutôt d’un de ces invariants que l’analyse philosophique peut révéler : il s’agit d’un des « effets naturels du travail de la pensée » (p. 221), résultant de la rencontre d’un point de vue interne et d’un point de vue externe sur sa propre vie (p. 232). L’auteure dégage de ces réflexions un certain nombre de critères généraux et formels susceptibles de permettre l’évaluation et la comparaison des vies humaines : la capacité d’être le sujet de sa vie et de l’inventer, la fidélité à ses engagements et l’habileté à répondre aux coups du sort, le caractère révisable de nos raisons, et l’appréciation de ce qui constitue une décision grave (p. 234). L’examen de quelques cas typiques tirés de la littérature et amplement discutés en philosophie anglo-saxonne récente (le dilemme du capitaine Vere, un personnage de Herman Melville traité par Peter Winch, celui du Gauguin imaginaire examiné par B. Williams, par exemple) illustre l’explicitation de ces invariants en même temps qu’il reprend une thèse défendue naguère par Ricoeur, celle de l’importance des récits pour donner cohérence à la trame temporelle d’une vie humaine.

L’entreprise de justification existentielle et la découverte des invariants de la vie humaine ne semble pas encore nous engager dans l’entreprise de la philosophie  morale telle que défendue dans la première partie du livre, ce que Canto-Sperber concède volontiers : l’évaluation d’une vie répond à des « critères intellectuels, formulés à partir d’une exigence de rationalité et de cohérence » (p. 234). Mais à moins de confondre de façon platonicienne rationalité morale et raison tout court, il faut que cette analyse puisse intégrer la dimension proprement morale, celle du bien et du juste, pour revêtir la validité et la pertinence revendiquée. C’est ce qu’entreprend le dernier chapitre, « Le bien dans la vie humaine », en distinguant d’abord les aspects subjectifs (la satisfaction) et objectifs (ce dont nous sommes heureux) des biens humains, puis en soutenant que l’objectivité des biens peut être prudentielle ou intrinsèque, « répondant à des nécessités de notre pensée » (p. 284), affirmation qui mériterait une investigation métaéthique, que l’auteure signale seulement pour passer à ce qui l’intéresse, la forme de bien humain qu’est la « vie bonne ». Canto-Sperber termine son ouvrage en défendant la thèse d’un bien formel et d’un ordre des biens (p. 290), afin de répondre à l’exigence normative, à la contrainte de cohérence et à l’objection pluraliste dans le contexte contemporain. La philosophie, conclut-elle, est « une forme à imprimer dans la vie », ce qui requiert une « élaboration individuelle » (p. 292) On retrouve ainsi le projet socratique : réfléchir plus pour vivre mieux ; il s’agit toutefois d’une conception formelle et générale du rôle du bien dans une vie humaine, qui ne se confond donc pas avec la prétention de dicter comment vivre. 

On peut souhaiter que ce travail en inspirera d’autres qui feront progresser ce type d’entreprise. Car tout ne va pas de soi dans la conception rationaliste de l’auteure : est-il si évident que les pensées et les croyances peuvent modifier la conduite du moi ? L’autonomie de la philosophie morale ne peut signifier isolement, et la psychologie morale peut être ici une aussi bonne alliée que la littérature. Par ailleurs, quelles conceptions des « biens publics » et des questions politiques découleraient de ces invariants de la vie humaine ? Canto-Sperber se demande comment rendre vivante la réflexion éthique au sein de la société civile (p. 135) ; cela irait-il jusqu’à défendre l’idée d’une « social-démocratie aristotélicienne » comme l’a fait récemment Martha Nussbaum ? Malgré ces quelques lacunes, il reste que cet ouvrage contribue dès maintenant à l’échange d’idées en philosophie morale, aussi bien en France qu’ailleurs.

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