LA LIBERTÉ INTÉRIEURE
En toutes circonstances conserver sa liberté intérieure demande un travail constant sur soi. Une capacité de remise en cause de ses certitudes, un doute actif et productif, la faculté de garder toujours ouvert le compas de l’esprit et la rigueur de la règle, sans oublier le levier de la raison qui est le point d’Archimède de l’homme. On n’y parvient que par l’élévation de sa conscience. Sans oublier la contingence l’expression des contraires que l’on doit s’efforcer de réunir pour être dans un état d’harmonie, malgré les incertitudes de la vie.
L’homme qui fait du but de sa vie la recherche de la vérité, de la lumière, qui est prêt à « vendre son âme » pour le bien, le bon, le juste, qui est prêt à accomplir le chef d’œuvre de sa vie, c’est-à-dire de réaliser toutes ses actions mêmes les plus minimes avec force sagesse et beauté est un homme libre.
Sénèque fût à mon sens un tel homme, ce n’est pas par hasard que l’on étudie à nouveau les textes dans les universités, de celui qui fût une image de la sagesse stoïcienne. Pour certains Sénèque ne fût que le précepteur de Néron qu’ils perçoivent comme seulement le tyran fou de la deuxième partie de sa vie, et non l’Auguste formé par Sénèque.
Sénèque, Épictète et Marc Aurèle forment ensemble le triangle du stoïcisme impérial, Sénèque en est la base, et Marc Aurèle la pointe supérieure. Ce stoïcisme est le plus noble, il s’intéresse à la vie intérieure de ses membres et non aux apparences. Ses trois figures sont différentes Sénèque un aristocrate aisé, Épictète un esclave affranchi, Marc Aurèle un empereur ayant emprunté l’escalier social. Autant d’analogie avec la Franc-Maçonnerie, dont les membres sont les amis des pauvres et des riches pourvu qu’ils soient vertueux.
Ce bel attelage de stoïciens tire le char rempli des plus hautes vertus nécessaires au gouvernement de leur conscience et de la cité.
Examinons Sénèque et son ouverture d’esprit surement en partie due au fait qu’il fût plusieurs fois exilé de Rome tout en restant très attaché à sa patrie. Natif de Cordoue en Andalousie qui était à l’époque une province de Rome, la province de Bétique : « la plus romanisée…la plus latiniste du monde gréco-latin » selon R. Thouvenot (Essai sur la province romaine de Bétique). Les habitants de cette province étaient reconnus pour leur rigueur, voire leur austérité intellectuelle, ils étaient stoïciens.
Venu très tôt à Rome pour y faire « ses humanités » en fils d’aristocrate ouvert, il fût perméable aux influences des pythagoriciens et des stoïciens, mais aussi des sophistes très influents auprès des jeunes gens des familles aisées. Son père craignant que Sénèque tombe sous leur influence « l’expédia » chez son oncle en Égypte pendant cinq ans. Ce pays devient sa patrie spirituelle, comme beaucoup de philosophes dont Pythagore. On remarquera au passage que les apprentis dans l’école de Pythagore à Crotone étaient plongés dans le silence pendant cinq ans. En Égypte le stoïcisme de Sénèque évolua et devient plus mystique, plus religieux. Il aurait du ensuite revenir à Rome et retrouvé une situation conforme à son rang social, las pour une sombre histoire d’adultère ne le concernant pas il fût exilé à nouveau par Claude en Corse pendant huit ans.
Sénèque grâce à ses exils successifs est devenu, sans doute un citoyen du monde, un homme plus universel sans oublier sa patrie d’origine. Sa vie va basculer quand Agrippine la jeune, la mère du jeune Néron lui demande de venir à Rome pour être le précepteur de son fils. Sénèque eut la mission de faire de Néron un Auguste !
Néron sous l’influence de Sénèque va devenir un bon roi, si bien que Sénèque ira jusqu'à croire en rapport sans doute avec son stoïcisme spirituel que Néron avait été désigné par la divine providence et qu’homme de bien il allait gouverner selon la raison.
Nous pouvons penser que Sénèque était sincère il alla jusqu’à écrire : « Que l’aurore dissipant les ténèbres… a amené le jour, le soleil radieux contemple l’univers, tel apparaît César, tel Rome va contempler Néron… »
Sénèque prenait sans doute ses rêves pour des réalités, il rajouta même : « Le prince est semblable aux dieux…il est le père de ses sujets, il est la lumière, il est bon et sage, il est maître de soi ».
Aveuglement ou flatterie d’un homme soumis à son suzerain ? Une chose est sûre Sénèque voulait que la « Philosophia » la sagesse soit un exercice pratique pour son élève. Une conversion de son regard sur lui-même et le monde, un changement, une initiation, un mouvement vers le bien.
Force est de reconnaître que Sénèque a exercé une influence sur Néron il fût un souverain adulé, adoré par le peuple. « L’instruction » de Néron, hélas a aussi développé son hubris et sa folie dans la deuxième partie de son règne, c’est souvent le lot de ceux qui sont incapables de passer de la verticale à la perpendiculaire.
Le rêve de Sénèque s’écroule, comme un paradoxe c’est à ce moment qu’il produisit ses meilleurs écrits en se retirant de la vie publique, un nouvel essor de sa liberté intérieure, dans son nouvel exil. Il écrit alors : « La Vie Heureuse » et ce que je considère comme ses plus textes, les Lettres à son ami Lucilius. Véritables « Exercices Spirituels » alliant théoria et praxis, comparables aux travaux maçonniques pratiqués en Loge.
Sénèque sa vie durant s’est efforcer de promouvoir le bien, de pratiquer la vertu, malgré sa richesse matérielle. Sous les coups des épreuves de la vie il s’est efforcé de vivre dignement, selon sa conscience, il a appris à vivre dans le réel. Il a aussi appris à mourir, il écrit ainsi dans sa lettre LXXIX : « L’homme pour qui le soleil luit à travers la brume, s’il se contente pour le moment d’avoir échappé à l’obscurité ne jouit pas pour autant du bienfait de la lumière. Nous aurons le droit de nous féliciter lorsque notre âme, échappée de ces ténèbres dans lesquelles elle roule au lieu d’entrevoir la clarté, sera toute entière inondée du jour en rentrant dans le ciel de sa patrie… »
Sénèque, qui s’est tranché les veines sous la pression de Néron à conserver sa liberté intérieure, cette volonté qui nourrit l’espérance. Nous devons retenir de Sénèque son sacrifice, comme l’architecte du temple, Sénèque est allé jusqu’à offrir le sang de ses veines à Jupiter le libérateur, la divinité de raison et de justice.
Valence Espagne le 25 janvier 2022.
Jean-François Guerry.
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