LE CHEMIN
Conscient, de nos erreurs de nos imperfections, assailli par le doute, le désespoir de ne pas pouvoir atteindre l’inaccessible étoile qui brille pourtant en permanence dans notre ciel, malgré nos épreuves, nos échecs, nos purifications et même nos réussites illusoires la perfection n’est pas de ce monde dit-on, mais ce monde vit progresse par la grâce de l’amour. Certains n’osent pas mettre même le premier pas sur l’échelle d’autres, n’osent pas le lever simplement le regard, ce sont les plus humbles peut-être les plus lumineux, les plus conscients de l’immense beauté de la nature. Heureux est l’innocent qui purifié a fait le vide en lui, s’est alléger des métaux lourds qui l’entravait, celui qui a fait tomber le voile, pour poser le pied gauche sur le premier barreau de l’échelle. Celui qui, au point du jour, à l’aurore a aperçu le feu éternel brûlant, celui qui a commencé son ascension des ténèbres vers la Lumière. Comme le dit Jacob Böhme : « Toutes choses sont issues de la racine de feu comme d’un double enfantement, dans la lumière (le bien), dans les ténèbres (le mal). L’amour et la haine sont en toutes créatures, imbriqués l’un dans l’autre, et l’homme en porte les deux centres en soi. Tout homme est libre et il est comme Dieu, il a le pouvoir de se changer en haine ou en lumière dès cette vie. » Dès cette vie, ici et maintenant hic et nunc. C’est pourquoi, l’homme humble débarrassé de ses écorces, de ses encombrants, allégé de ses métaux inutiles, peut poser son premier pas sur le chemin sinueux du labyrinthe de la vie, jusqu’au centre de celui-ci, au milieu là où est l’échelle. Puis suivre du regard l’ascension de ses anges gardiens, privilège de l’esprit sain, qui vit de l’amour de l’autre. Le dernier échelon de l’échelle, permet par la méditation, l’imagination, qui n’est rien d’autre que la faculté, la possibilité dans des moments précieux et rares comme l’Or spirituel de contempler l’image du divin, et d’entendre la parole divine résonner en soi. Au-dessus plus rien, car c’est l’inconcevable, chemin, ascension inutile alors ? Non, c’est la voie qui permet de redescendre l’esprit submergé d’amour pour ses sœurs et ses frères. En langage des oiseaux ce point culminant est celui de la « conjonction », le lieu où se trouve alors l’homme dont l’esprit s’est élevé. Il est entre le microcosme et le macrocosme. Le chemin est donc la voie, vers la Lumière et la Vérité. Ces quelques lignes, pour vous présenter une recension offerte au blog par Rémy Le Tallec sur le livre de François Cheng : « Une longue route pour m’unir au chant français. » Bonne lecture et bon dimanche à tous.
Jean-François Guerry.
François Cheng - "Une longue route" pour m'unir au chant français" (Editions Albin Michel, 2022).
Quelques lignes glanées dans le dernier livre de François Cheng, une belle auto-biographie, "Une longue route", sous-titré "pour m'unir au chant français" (Ed Albin Michel, 2022). Des lignes qui peuvent parler au franc-maçon.
"Je m'oppose résolument aussi bien à une littérature qui se revendique "engagée" qu'à celle qui déclare "ne rien vouloir signifier". Qu'à son plus haut niveau, elle constitue une spiritualité, cela me paraît être une évidence. Elle tend à l'humain un miroir sans concession, par la vision de vérité la plus la plus pénétrante qu'elle projette; elle oblige cet esprit à évoluer, à s'élargir, à s'élever, et, en fin de compte, à se transcender"...
Et plus loin "... La puissance créatrice, disons le Créateur, qui a fait advenir le cosmos et la Vie, quel est son dessein ? Pourrait-il se contenter des astres qui tournoient indéfiniment sans le savoir ? N'aurait-il pas besoin de "répondants", d'être doués d'une âme et d'un esprit comme nous le sommes, qui donneraient sens à sa création ? Le Cosmos nous enseigne que l'univers a pour dimension l'infini et pour loi de fonctionnement la rectitude. Mais la vie est d'un autre ordre, qui comporte épreuves et dépassements. A nous de les assumer. Si nous sommes à même de penser l'univers, c'est que l'univers pense en nous. Au fond de l'écrasante nuit, une certitude s'impose à moi : l'aboutissement de la Création n'est pas l'univers physique mais bien la Vie; elle est en réalité l'unique aventure, celle de l'Etre qui, seule, implique un processus d'un devenir ouvert".
Les autobiographies, qui sont des pièces importantes d'une identité narrative, souffrent souvent d'un ego démesuré, d'une profonde superficialité, d'une autocélébration complaisante, d'anecdotes promotionnelles et/ou d'une gratifiante sculpture de soi pour la postérité (au choix). Rien de tel ici, dans ce récit de vie, comme l'ont laissé entrevoir toute l'œuvre, la discrétion médiatique, les apparitions publiques et les rarissimes moments privés volés, tout au long d'une vie riche d'épreuves, de sens et d'âme. A plus de 90 ans, François Cheng raconte la longue route qui l'a conduit de son continent natal à la France, de la poésie et de la culture chinoise millénaire à la poésie et la littérature en langue française. Et la magie de ses mots nous fait entendre sa voix douce, humble, précise et riche d'intériorité.
On le voit adolescent chinois, s'éveiller au chant de la poésie et de l'écriture, déjà passionné des riches heures de la poésie chinoise, et déjà aussi, fin connaisseur de la littérature française à laquelle il voue une fervente admiration. Puis, exilé en France, seul, sans ressource, muni de la seule mémoire de sa culture natale, étranger dans ce pays mythique dont il s'imprègne de la langue, et se pénètre avec constance et bonheur au fil de ses rencontres livresques et surtout humaines, qui éclairent la précarité de son existence. Ses "rencontres d'être à être" comme il dit. Des rencontres qui font revivre le visage des poètes et écrivains du siècle dernier parfois un peu oubliés, Pierre Emmanuel, Guillevic, Henri Michaux, Yves Bonnefoy, Tristan Tzara, Pierre Seghers entre autres... Découverte de la musicalité du chant de la langue française chez Gide, Vercors , Lacan, ou Rilke surtout, auquel une fraternité d'âme en poésie et en humanité le lie particulièrement. Mais toujours cette douleur lancinante et tenace qui ronge le cœur de l'étranger à lui-même, perclus de doute.
A une époque où une classe intellectuelle européenne se gobergeait de la "grande révolution culturelle" chinoise, et où toute voix discordante était ostracisée (Simon Leys avec "Les habits neufs du président Mao", par exemple), un lettré chinois, mû par une "vénération quasi sacrée de la langue française", se plongeait dans la poésie et la culture française.
François Cheng s'acclimate à l'immense corpus de la pensée occidentale et s'immerge avec délectation dans la lecture des penseurs antiques, de la tradition judéo-chrétienne et des monuments de la philosophie et de la littérature européennes.
Sa fréquentation discrète de quelques hauts lieux littéraires, lui donne avec parcimonie accès à des revues et des institutions où peuvent enfin éclore librement ses talents de poète et mettre en valeur sa connaissance approfondie de la pensée chinoise. De sa "recherche d'une voie authentiquement spirituelle" découlera une bibliographie immense, dans les domaines de la poésie, de la peinture et de la calligraphie entre autres. Recueils de poésie, essais, romans, ("L'éternité n'est pas de trop"), et traductions construisent avec persévérance un pont entre les cultures asiatiques et européennes.
Et c'est vers la cinquantaine seulement que l'écrivain commence à recueillir les fruits de son talent et de son obstination. "Le dit de Tianyi" lui offrira le prix Femina (1978) et une certaine notoriété. Mais il lui faudra attendre encore son tryptique, "Cinq méditations sur la beauté", "Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie" et "De l'âme" pour gagner une large reconnaissance publique. Et son élection à l'Académie française le transforme en homme public, ce qui n'altèrera pas son éternelle discrétion.
De nos jours, la critique qualifie volontiers d'exotique toute littérature qui vient de l'autre rive. Ici, ce qualificatif n'est pas de mise, tant l'universel est dans le singulier de François Cheng, avec toute la modestie et l'humilité lucide qui le caractérisent depuis toujours. Quelle que soit la forme littéraire choisie, il exprime avec singularité la complexité existentielle de la vie humaine et les angoisses de l'homme. Sa vie comme ses œuvres témoignent de cette exigence spirituelle de la création, qui fait de la liberté son cœur vital.
"Une longue route pour m'unir au chant français", écrit le sinologue, une longue route de sagesse, de force et de beauté, pourrait ajouter son lecteur. "I shin den shin" (De cœur à cœur), comme il aime clore ses dédicaces.
Rémy Le Tallec.
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