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Non pas que je sois fâché avec le genre humain. Il n’y a pas si longtemps, nous marchions à quatre pattes. Mais sommes-nous à la hauteur de tout ce qui est advenu depuis le big bang qui se serait produit il y a quelque 10 à 20 milliards d’années? Expérience dont nous serions, pour autant que l’on sache, le fleuron, le nec plus ultra, l’aboutissement – provisoire, il est vrai...
Quand on pense à tout le mal que l’évolution s’est donné pour aboutir à nous! Il me semble que le moment est venu de faire par nous-mêmes un effort pour nous redresser encore davantage, pour lever le regard. D’où cet exercice en envergure. Et d’où cette question provocante : sommes-nous dignes de l’univers?
Un observateur qui aurait été le témoin de l’évolution au cours de ces milliards d’années éprouverait-il, en nous regardant fonctionner, le sentiment d’un triomphe ou d’un échec? Ou pire encore : éprouverait-il le sentiment qu’une erreur s’est produite quelque part et qu’à tout prendre, il vaudrait peut-être mieux que l’univers se contracte pour éventuellement recommencer à neuf le processus de l’évolution? Autrement dit, effacer et recommencer.
Ces réflexions moroses sont l’effet d’une lecture que je me suis imposée ces derniers temps, comme exercice d’envergure précisément. Il s’agit de l’excellente traduction française d’un ouvrage de Stephen Hawking, universellement reconnu comme un des plus grands cosmologistes de notre époque et l’un des plus brillants physiciens depuis Einstein : Une brève histoire du temps, du big bang aux trous noirs, (Éd. Flammarion) le premier livre qu’il ait décidé d’écrire pour le non-spécialiste. Je dois pourtant reconnaître que je n’y ai pratiquement rien compris! Ce fut plutôt pour moi une immersion dans l’inconnu qui, malgré tout, m’a fait l’effet d’un exercice en envergure. J’y ai trouvé, entre autres, le nombre le plus important qu’il m’ait été donné de découvrir jusqu’ici : " Il y a quelque chose comme 100 millions de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards (un 1 suivi de 80 zéros) de particules dans la région de l’univers que nous pouvons observer ". Je me propose de soumettre ce nombre pour le Livre des records Guinness. L’amplitude du propos est d’autant plus écrasante, me semble-t-il, que Hawking est lui-même un homme tragiquement éprouvé dans son corps : atteint d’une maladie neuromotrice incurable (la maladie de Lou Gehrig), il n’a que peu de temps à vivre (comme nous tous mais lui, il en est conscient) et se déplace – difficilement – en fauteuil roulant. De plus, ayant attrapé une pneumonie qui a entraîné des complications, il a dû subir une trachéotomie qui lui a enlevé la capacité locutoire et, depuis, il s’exprime à l’aide d’un synthétiseur.
Et c’est ainsi que cet être difforme, considéré comme un des plus grands cerveaux du monde, lorsqu’il n’est pas à l’université Cambridge (Angleterre) où il occupe la chaire de mathématiques (qui fut à un moment celle de Newton) se déplace à travers le monde, d’un congrès scientifique à un autre, prononçant des conférences, donnant des cours, accordant des interviews... Étrange mutant qui poursuit dans le temps qui lui reste à vivre la recherche d’une théorie unitaire combinant et unifiant la relativité générale et la mécanique quantique... Quand je vous dis que je n’ai rien compris! " Pourtant, écrit Hawking, s’il existe vraiment une théorie complètement unifiée, elle devrait aussi vraisemblablement déterminer nos actions. " Cette phrase donne à penser. Je dirais même à... songer!
Au milieu d’un univers en expansion, à bord du vaisseau spatial Terre, parmi les galaxies – la nôtre n’étant que l’une des centaines de milliards de galaxies que montrent les télescopes modernes, chaque galaxie contenant elle-même quelques centaines de milliards d’étoiles – nous sommes quelque part entre l’origine et le destin de l’univers, à nous demander si le principe anthropique est fondé, selon lequel l’évolution n’a de sens que si elle devait permettre le développement d’une forme de vie intelligente, consciente d’elle-même et de l’univers, faute de quoi il ne se trouverait personne pour en admirer la beauté, l’immensité, l’envergure!
Au milieu de nos ratés, de nos conflits, de nos guerres, de nos contradictions, de nos intolérances, de nos mesquineries, nous sommes à nous demander si un jour ou l’autre l’homme parviendra à se redresser vraiment afin de participer pleinement à l’univers. D’où cet exercice en envergure.
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